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Ambiance donjon: du «X» à la croix… swissinfo.ch

Entre art conceptuel et sex-shop, le Musée d'ethnographie de Neuchâtel convie le public à s'interroger sur son rapport au désir et à l'interdit.

L’exposition, à voir jusqu’au 25 janvier, propose un parcours à la fois esthétique, provocant et rigolard.

«X – spéculations sur l’imaginaire et l’interdit»… Avec ce type de thématique abordée dans un musée, on peut imaginer qu’il y aura trois types de réactions.

D’abord, les déçus, ceux qui espéraient voir une exposition réellement pornographique et qui en seront pour leurs frais. Ensuite, les choqués, ceux qui ont décidé une fois pour toute que ce qui se situe en-dessous de la ceinture n’est pas convenable. Et comme là, de surcroît, les objets érotiques se cognent aux références «sacrées»…

Enfin, il y a ceux qui entreront dans le jeu de Jacques Hainard, le conservateur iconoclaste, et qui accepteront de suivre le cheminement d’un propos à la fois complexe et amusant.

La religion à la rescousse!

«Après ‘Le musée cannibale’, nous avons conclu qu’il était nécessaire de revenir à une anthropologie de soi pour comprendre comment nous fonctionnons, comment nous construisons nos idéologies et nos stéréotypes. Pour faire cet exercice, nous avons pensé que le sexe et le corps humain, dans une société marchande comme la nôtre, était intéressant à investiguer», explique Jacques Hainard.

Mais comment matérialiser ce vaste programme en une exposition? Du point de vue du fantasme, pas de problème, le champ est large. Mais à quoi se référer en matière d’interdits? En faisant appel aux sources de notre morale judéo-chrétienne, tout simplement, et donc au Décalogue.

Ainsi, toute l’exposition va se décliner en fonction des dix commandements, que Jacques Hainard et son équipe ont augmenté d’un onzième: «Tu consommeras!» Car malgré la morale officiellement véhiculée dans nos sociétés, à l’arrivée, c’est bel et bien ce 11e commandement qui, contredisant souvent les 10 autres, dicte sa loi.

A noter, à propos de consommation, que l’invitation au vernissage porte cette mention: «Avec le soutien de ‘Beate Uhse erotic trends’. «C’est une démarche anthropologique, on s’adresse aux spécialistes!», commente Jacques Hainard.

Peep-show à l’envers

Le visiteur suit un parcours fléché. Une enfilade de pièces, c’est le cas de le dire, qui chacune correspond à l’un des commandements. Il y a ce salon bourgeois décoré d’estampes aussi chinoises que crues. Ou cette chambre d’adolescente, où des couvertures de magazines «ado» côtoient des sucettes, une petite culotte ou une revue pour adultes. Au milieu, le divan et la chaise d’un psy.

Il y a un peu plus loin cette panoplie d’armes anciennes, modernes ou étranges: ainsi ce pistolet armé d’un embout phallique.

Il y a ce tribunal spectaculaire, où des sous-vêtements sèchent sur des fils. De l’autre côté du prétoire, des fauteuils de régisseur aux noms de Bill Clinton, Michael Jackson ou Thomas Borer. «Laver son linge sale en famille», dit-on communément. Et à chaque étape, un monitor diffuse un film en rapport avec la thématique abordée.

D’installation en installation, d’objet anodin en gadget pornographique hard, le visiteur aboutit à une 11e salle, centrale. C’est celle du 11e commandement. Il se retrouve alors dans un peep-show «à l’envers». Il se tient à la place de la strip-teaseuse, et c’est lui qui peut observer à travers des miroirs sans tain les visiteurs déambulant dans les dix autres pièces…

Pour couronner le tout, le visiteur passe ensuite dans une longue salle qui vise à nier le désir. Ambiance blanche et clinique, où moult objets divers sont figés dans des blocs de résine. Mais la chair l’emportera: la dernière salle, placée sous le signe du Cantique des Cantiques, est un appel à la sensualité… en trompe-l’œil néanmoins!

Une exposition en forme de discours

On l’aura compris, l’approche de Jacques Hainard relève, une fois de plus, davantage de l’installation conceptuelle que de l’exposition au sens traditionnel du terme. «Jouer avec les objets dans le cadre d’une construction syntaxique, d’un discours, c’est la manière la plus efficace d’exprimer un propos. On ne peut plus juxtaposer bêtement des objets comme on le faisait auparavant. Cela ne fait plus sens», constate le conservateur.

Et d’ajouter: «Surtout que nous travaillons sur une ethnographie différente, sur des collections nouvelles, si j’ose dire, qui sont celles de ces grands magasins érotiques, de ce marché du sexe et du corps humain».

En effet. Rarement autant d’objets moulés en latex auront bénéficié d’une telle présence dans un musée. Et d’une telle mise en valeur: la scénographie de Sabine Crausaz et les lumières de Laurent Junod sont remarquables.

swissinfo, Bernard Léchot

– Le Musée ethnographique de Neuchâtel propose «X – spéculations sur l’imaginaire et l’interdit», une exposition à voir jusqu’au 25 janvier 2004.

– En cette période de sexe omniprésent et, parallèlement, de retour au puritanisme, Jacques Hainard et son équipe s’interrogent sur la dialectique entre fantasmes et interdits, entre morale et consommation.

– Deux ouvrages sont publiés en marge de l’événement. Un guide de l’exposition, au graphisme inspiré par les catalogues érotiques, et un gros recueil qui réunit les textes d’ethnologues, de journalistes et d’écrivains.

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