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«On craint ce que l’on ne maîtrise pas»

L'initiative de l'UDC sur une restriction du droit d'asile permet de faire diversion et d'éviter que l'on aborde les vrais questions.

C’est le point de vue de Marie-Claire Caloz-Tschopp, enseigante de philosophie à l’université de Genève.

swissinfo: Comment expliquez-vous l’impact des discours populistes – en l’occurrence, celui de l’UDC?

M.-C. C.T: Le monde politique joue toujours sur le vieux registre des peurs essentielles.

Les initiatives comme celle de l’UDC exploitent l’inquiétude que nous éprouvons tous face à la mondialisation et à l’emprise d’une économie néolibérale qui ne tient plus compte de l’individu.

Au fond, tout le monde a peur et cherche à cristalliser son angoisse sur quelqu’un. Et, l’histoire nous l’a montré, les étrangers sont des boucs émissaires idéaux.

Le problème, c’est qu’il y a une grande irresponsabilité non seulement de l’UDC mais aussi de l’ensemble des partis politiques et même du Conseil fédéral qui n’ont pas le courage d’affronter ce qui se cache derrière ces peurs.

Et qu’est-ce qui se cache derrières ces peurs?

M.-C. C.T: Il y a bien sûr tous les changements économiques. Mais, d’un point de vue plus philosophique, on craint toujours ce que l’on ne maîtrise pas. Autrement dit, sa vie et sa mort.

Mais, dans le fond, quelle est la part de responsabilité de l’UDC?

M.-C. C.T: Il faut replacer l’initiative de l’UDC dans un contexte plus large.

Depuis plusieurs années, on assiste à un durcissement de la loi sur l’asile. Et, aujourd’hui, avec l’instauration du principe de l’asile provisoire, on porte une atteinte fondamentale à ce droit essentiel.

Dans le fond, l’initiative de l’Union démocratique du centre arrive au bon moment. Elle permet de faire diversion et d’éviter que l’on aborde les vrais questions.

C’est-à-dire, les restrictions des droits humains dans le domaine de l’asile bien sûr mais aussi dans tous les domaines qui touchent aux droits sociaux.

En clair, le vrai débat aujourd’hui ne doit pas porter sur l’UDC mais sur le projet de société qui nous est imposé.

Vous n’êtes donc pas d’accord avec ceux qui affirment que le gouvernement marche sur les traces de l’UDC pour tenter de faire barrage à ses projets?

M.-C. C.T: Arrêtons de nous fixer sur l’UDC! … Et n’oublions pas que, si la politique met en scène différents acteurs, ces derniers jouent toujours la même pièce.

Son initiative sur l’asile n’est qu’un épiphénomène. Aujourd’hui, l’Union démocratique du centre rend service à toute une partie de la classe politique qui veut transformer l’état de droit.

Et la question qu’il faut se poser en tant que citoyen est celle de savoir jusqu’où nous consentirons à nous laisser aveugler ou, si vous préférez, à nous laisser caresser nos peurs plutôt que de réfléchir aux enjeux réels.

swissinfo/Propos recueillis par Vanda Janka

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