Pour ne pas oublier ces enfances brisées
La Confédération veut se pencher sur le sort des enfants placés de force dans des institutions ou des familles d'accueil jusque dans les années 1960.
Elle a demandé aux cantons de donner leur aval pour engager une recherche historique nationale.
Plus de 100’000 orphelins et enfants enlevés à leurs familles biologiques ont été placés dans des institutions ou des familles d’accueil jusque dans les années 1960, selon un récent reportage de la Télévision Suisse Romande. Certains d’entre eux y ont été victimes de mauvais traitements.
«Des droits citoyens fondamentaux ont été bafoués», a déclaré Pierre Avvanzino dans une interview accordée au «Journal du Jura». Professeur à l’Ecole d’études sociales et pédagogiques de Lausanne et co-auteur d’une étude réalisée sur le canton de Vaud, il cite par exemple le droit à l’instruction.
En outre, des droits «moraux» ont été violés. «De nombreux enfants ont été enlevés à leurs parents décédés ou jugés ‘indignes’. L’Etat centralisateur s’est proposé (voire imposé) pour pallier ce manque en offrant un cadre éducatif indigne de ce nom et en participant à la marginalisation de ces enfants.»
Une étude nationale
Le secrétaire d’Etat à la science et à la recherche Charles Kleiber propose une vaste étude sur la question dans le cadre du Fonds national suisse de la recherche scientifique qui aurait une dimension nationale. Il attend une réponse des cantons d’ici la fin février.
Pour les convaincre de l’importance de ce travail historique, une première étude a été menée pour le canton de Vaud et une partie de la Suisse romande.
L’étude confirme qu’un nombre important de personnes ont effectivement vécu un drame familial à l’époque. Elle montre également que les sources historiques concernant ces drames sont toujours disponibles.
Travail de mémoire
«Notre préavis est qu’il faut aller plus loin et poser d’autres questions autour de ces événements», ajoute Charles Kleiber. Si la Confédération s’engage dans ce projet, c’est pour la question de la recherche historique et du travail de mémoire, selon lui, et non dans une «logique de réparation».
Pour l’heure, il n’est pas question d’éventuelles réparations matérielles, confirme Jean-François Steiert, délégué aux affaires intercantonales du Département vaudois de la formation et de la jeunesse. Pour de nombreuses personnes, ce travail de mémoire constitue avant tout une reconnaissance symbolique.
«C’est reconnaître ce qu’ils ont subi et mettre fin à leur marginalisation». Pour Jean-François Steiert, cette démarche permet ensuite d’assurer à la société que de tels faits ne se reproduiront plus.
Enfants tsiganes
Ce n’est pas la première fois que la Suisse découvre avec stupeur l’histoire d’enfants arrachés de force à leurs parents. En 1998, une étude révélait que plus de 600 enfants tsiganes avaient été sédentarisés par la fondation Pro Juventute avec l’appui des autorités fédérales, cantonales et communales.
De 1926 à 1973, ces enfants avaient été enlevés à leurs familles et placés de force dans des foyers, des familles d’accueil, des asiles psychiatriques et des prisons, selon cette étude publiée en 1998 et demandée par le Parlement.
La fondation Pro Juventute avait reconnu pour la première fois sa responsabilité et présenté ses excuses aux familles tsiganes en 1987. Entre 1988 et 1993, la Confédération avait débloqué onze millions de francs à titre de réparations.
swissinfo et les agences
– En 1998, une étude commandée par le Parlement fédéral révélait que plus de 600 enfants tsiganes avaient été sédentarisés par la fondation Pro Juventute avec l’appui des autorités.
– Ces enfants avaient été enlevés à leurs familles et placés de force dans des foyers, des familles d’accueil, des asiles psychiatriques et des prisons.
– Aujourd’hui, une nouvelle étude historique pourrait être lancée au plan national pour faire la lumière sur le sort de tous les enfants placés de force.
– Ils seraient plus de 100’000. Ces orphelins et enfants arrachés à leurs familles biologiques ont été placés de force dans des institutions ou des familles d’accueil jusque dans les années 1960.
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