Des perspectives suisses en 10 langues

Suisse-Palestine: les propos dérangeants d’Annick Tonti

Annick Tonti va quitter dans quelques mois son poste. swissinfo.ch

Sur le point de quitter le Bureau suisse de liaison en Palestine, qu'elle dirige depuis sa création, Annick Tonti a tenu des propos appréciés par les Palestiniens, mais critiqués par les Israéliens. La coopération suisse, elle, relativise.

A sa manière, Annick Tonti symbolise l’engagement de la Suisse auprès du peuple palestinien. Lorsque, dans la foulée des accords d’Oslo, Berne s’était décidée à soutenir les préparatifs d’une future entité étatique palestinienne, c’est à elle que la Direction du développement et de la coopération (DDC) avait confié cette tâche nouvelle et délicate.

En plus de travailler à la mise en place de structures démocratiques de «bonne gouvernance», il s’agissait aussi de répondre à des besoins concrets de la population, en particulier dans des domaines comme la réforme du système de formation professionnelle ou la réinsertion sociale et économique des prisonniers, tout cela à travers le soutien aux ONG locales.

C’est dire si Annick Tonti se sent proche de la population palestinienne. Dans quelques mois, elle quittera pourtant son poste comme le veut le système normal des rotations à l’intérieur de la DDC.

Mais au vu des événements qui agitent la région depuis quelques mois, on peut comprendre qu’elle laisse parler davantage les sentiments que la raison diplomatique.

L’interview qu’elle vient d’accorder à l’Agence télégraphique suisse fait en tout cas quelques vagues à Jérusalem. Il y est dit entre autres que l’élection d’Ariel Sharon comme Premier ministre israélien a porté un sérieux coup aux espoirs de paix dans la région et que la population palestinienne ne sait pas ce que veut l’administration Arafat, signe probable de son extrême division.

Ces affirmations ont, semble-t-il, été passées au crible de plusieurs services diplomatiques basés en Israël. L’une de nos sources estime ainsi que Mme Tonti n’a certainement pas informé Berne à l’avance des propos qu’elle allait tenir et qu’elle aurait dû garder secret le nom de sa remplaçante jusqu’à l’annonce officielle de sa nomination.

Quoi qu’il en soit des procédures diplomatiques, Annick Tonti a-t-elle vraiment outrepassé ses compétences? Pour Livio Zanolari, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères, la cheffe du Bureau de liaison parlait à titre personnel et ses propos ne peuvent donc être en aucune manière interprétés comme la position officielle du gouvernement.

La Suisse, dit-il, «s’inspire de l’idée, toujours valable aujourd’hui, que le processus de paix se poursuit; elle encourage le nouveau gouvernement à tout faire pour parvenir à la conclusion d’un accord; c’est une position cohérente et active qui part du principe qu’un progrès est encore possible dans les négociations.»

Reste que le temps paraît propice à l’expression des humeurs bonnes ou mauvaises. On en a déjà eu un exemple la semaine dernière lorsque l’Ambassade d’Israël à Berne s’étonnait des propos du même porte-parole évoquant l’idée d’une capitale palestinienne à Jérusalem-Est, là où justement s’est installé le Bureau suisse de liaison.

Si l’on poursuit la lecture de l’interview d’Annick Tonti, faut-il conclure en outre qu’elle a tort de dire que, dans son Bureau, «on ne pense plus dans une perspective de paix» et que les événements politiques récents imposent une extrême prudence pour la suite des projets d’aide aux Palestiniens?

Au siège de la DDC, à Berne, on comprend les soucis que peut ainsi exprimer une collaboratrice qui vit les événements du terrain, quotidiennement confrontée à d’énormes obstacles qui l’empêchent de concrétiser les ambitions et les objectifs qui lui étaient fixés.

L’heure n’est pas pour autant au découragement, explique Andri Bisaz, chef de la section Moyen-Orient et Afrique du Nord de la DDC: «Les Palestiniens poursuivent de toute façon les activités soutenues par la Suisse. Et tant que la sécurité de tous les collaborateurs est assurée, le Bureau continue, lui aussi, son travail. Si nous partions, ce serait compris par les Palestiniens comme le signal que nous les abandonnons.»

Il faut savoir aussi que la DDC, l’an dernier, avait procédé à une évaluation de ses cinq premières années de présence en territoire palestinien. Le bilan avait alors été jugé relativement satisfaisant et de nouvelles priorités avaient été définies pour les quatre ou cinq ans à venir.

Mais l’Intifada et d’autres événements politiques intérieurs sont venus soudain contrecarrer cette vision peut-être trop optimiste des choses. Le fait que la population palestinienne n’a plus l’autorisation de se déplacer comme elle veut constitue aujourd’hui un gros obstacle à la poursuite de certaines activités.

D’un autre côté, constate Andri Bisaz, «il y a d’autres projets où il faut davantage s’investir, par exemple dans le soutien moral et psychologique aux populations palestiniennes par le biais des associations locales. Notre programme, dès lors, prend une couleur plus sociale que technique».

Il paraît clair pour la DDC que le moment serait bien mal venu de remettre en cause l’existence et les objectifs déclarés de ce Bureau, même si les événements l’obligent à s’adapter à des situations difficiles.

Pour combien de temps? Nul ne le sait. Mais, comme dit encore Andri Bisaz, «notre mission aujourd’hui est de parer au plus pressé et de nous engager là où il y a vraiment nécessité d’apporter une aide». A suivre l’actualité de cette région, ce ne sont certainement pas les occasions qui manquent.

Bernard Weissbrodt, avec Simon Léger à Jérusalem

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision