Un code suisse inviolable
La sécurité absolue pour la transmission des données existe déjà. Mais uniquement sur de courts trajets. Une équipe suisse vient d'établir un record de distance.
L’exploit est de taille. La semaine dernière, il a valu à ses auteurs une publication dans la prestigieuse revue Nature.
id Quantique, entreprise issue du Groupe de physique appliquée de l’Université de Genève, est parvenue à envoyer un message totalement sécurisé sur les 67 kilomètres séparant la Cité de Calvin de Lausanne. Et ceci en utilisant le réseau téléphonique.
La particularité de ce message est que chaque bit d’information y est porté par un seul photon (particule de lumière) et que toute tentative de décryptage y laisse immanquablement une trace.
Avec cette expérience, l’équipe genevoise prouve que sa discipline, la cryptographie quantique, n’est plus un strict objet d’études théoriques, mais se prépare à faire son entrée dans le monde réel.
«C’est une révolution dans la manière dont on considère la sécurité informatique, se réjouit Grégoire Ribordy, cofondateur d’id Quantique. Avec cette technique, le cryptage des message n’obéit plus aux lois des mathématiques, mais à celles de la physique».
La clé secrète
Le codage est connu depuis que les hommes se transmettent des messages. Lorsque le contenu est confidentiel, on recourt à une «clé» qui va permettre de coder et de décoder les informations.
Tant que la clé peut être gardée secrète, le message le reste également. Le problème est que les méthodes de décodage évoluent aussi vite que les méthodes de codage et jusqu’ici, personne n’est capable de savoir si la clé reste sûre ou si elle a été interceptée.
D’où l’intérêt des transmissions par photons. Ces particules sont de celles que personne ne peut intercepter sans leur laisser une trace. Le récepteur du message saura donc immédiatement si la clé en a été brisée.
Jusqu’ici, les détecteurs à photons nécessitaient une grosse installation de refroidissement à l’azote liquide. Grégoire Ribordy et ses collaborateurs d’id Quantique sont parvenus à miniaturiser l’ensemble de l’appareillage, en utilisant en outre un autre système de refroidissement.
Ainsi, émetteur et récepteur ne sont désormais pas plus gros que deux ordinateurs portables, reliés par une fibre optique. Chacun d’entre eux contient un laser pour générer des photons, une machine à encoder et un détecteur pour collecter les photons à leur arrivée.
Problème de distance
Selon Grégoire Ribordy, la technologie est maintenant suffisamment au point pour être mise sur le marché. Mais le physicien ne cache pas qu’il subsiste un inconvénient majeur.
En voyageant dans une fibre optique, les photons ont une fâcheuse tendance à se perdre en route. Pour l’instant, on ne peut guère envisager de transmissions sur une distance de plus de 70 kilomètres.
«Cela limite le nombre des applications possibles, admet Grégoire Ribordy. On peut imaginer qu’une banque l’utilise pour relier entre eux ses différents bureaux dans une zone métropolitaine, mais on ne sait pas encore envoyer un message 100% sûr de Paris à New York».
En attendant d’y parvenir, id Quantique commercialise déjà son générateur de nombres aléatoires. Ces appareils sont utilisés partout où l’on a besoin de transmissions sécurisées.
«Notre système est le seul à générer des nombres vraiment aléatoires, explique Grégoire Ribordy. C’est l’avantage de travailler avec des photons».
swissinfo/Vincent Landon
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