Un festival qui se veut bâtisseur

Une image du film pakistanais «Afghanistan - Human Tragedy» de Nargis Hashmi. SP

«Faiseurs de pont»: c’est sous ce titre que la planète médias se réunit à Genève.

Télévision, radio, presse écrite… la 19e édition du Festival médias nord-sud se tient du 22 au 26 septembre.

Construire un pont entre le Nord et le Sud, c’est ce qu’avaient voulu la Télévision suisse romande (TSR) et l’Institut universitaire d’études du développement (IUED), à Genève, en créant il y a 19 ans les «Rencontres médias nord-sud».

Aujourd’hui, avec également le soutien de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, le but, souligné à travers le titre de cette édition, est toujours le même.

Problème d’image

Pourtant, l’image véhiculée par l’expression «Nord-Sud» ne convainc plus tout le monde, organisateurs compris. «Il y a cette consonance tiers-mondiste, aujourd’hui alter-mondialiste… bref, ce côté bien-pensant un peu naïf», admet Jean-Pierre Gontard, directeur-adjoint de l’IUED et membre du comité directeur de la manifestation.

Plus grave: «Cela n’exprime plus la réalité: il y a des pays du Sud qui sont aussi puissants que ceux du Nord, et il y a des inégalités dans les pays du Nord qui sont aussi dramatiques que celles qu’on peut trouver entre le Nord et le Sud», constate-t-il.

Il faut donc se méfier des expressions réductrices. Et pour ce qui est de trouver un nouveau titre à l’événement, les organisateurs sont, paraît-il, ouverts à toute proposition.

Multiplicité des vecteurs

Spécificité de la manifestation, les trois principaux vecteurs de l’information sont concernés: télévision, radio, presse.

Côté radio, le Prix suisse des radios du sud, créé par swissinfo/SRI et géré aujourd’hui par la Radio suisse romande, vise à «une véritable relation entre les organisateurs et les lauréats». Pour ceux-ci, une aide en matériel et en formation, notamment.

Côté presse écrite, le «Prix presse et démocratie en Afrique francophone» est attribué par la Tribune de Genève au journal «qui se distingue pour sa lutte pour la démocratie, la liberté d’expression et les droits humains».

Le poids lourd de la manifestation restant tout de même la télévision, avec plusieurs prix à la clé. Ce sont plus de 70 films documentaires qui sont à découvrir cette année, répartis en deux catégories: films de télévision et films indépendants.

Reflets de la production annuelle

Quels sont les critères de sélection? «Tout d’abord, la qualité, et une originalité d’écriture, répond Jean-Pierre Gontard. Nous y tenons absolument, qu’il s’agisse des films du Nord ou du Sud. Du point de vue du fond, on est tributaire de la production de l’année. En fait, on reflète la production de l’année.»

Les thèmes privilégiés en 2003? La dignité de la femme, la problématique des émigrants, la violence et, envisagée sous ses répercussions pratiques, la mondialisation et le commerce international.

De point de vue de l’approche, Jean-Pierre Gontard constate des changements dans les productions: «On est de moins en moins dans l’explication, qui, il est vrai, a souvent été dogmatique, parfois caricaturale. Le pendule a tourné, et aujourd’hui, c’est trop souvent de la promotion humanitaire au détriment de la résolution en profondeur des problèmes.»

Si l’Europe et l’Afrique sont bien représentées (cette dernière surtout au travers de coproductions), la présence asiatique et latino-américaine reste encore un peu timide.

Professionnels et public

Pendant cinq jours, la TSR ouvre donc ses portes au public. Le festival, c’est des projections, mais aussi des rencontres, des débats.

Côté professionnel, si le festival est un lieu d’échange, il n’est pas pour autant propice aux transactions. «Il y a quelques années, nous avions espéré développer davantage l’aspect ‘marché’ de ce festival. Mais les acheteurs ont leurs propres circuits, leurs propres rendez-vous et des critères parfois difficiles à comprendre», constate Jean-Pierre Gontard.

Lequel ajoute: «Il y a des gens des grandes chaînes qui viennent à Genève, peut-être pas pour faire leur marché tout de suite, mais pour voir quelles sont les tendances, pour prendre des contacts.»

Ainsi, la TSR, dont l’engagement et l’investissement se sont sérieusement renforcés au sein du festival, reste très frileuse dans la diffusion dans ses programmes des films sélectionnés par la manifestation.

«Il est vrai qu’il y a des festivals en Suisse romande qui bénéficient d’un espace dans la grille. Il serait quand même intéressant que les films qui reçoivent des prix à Genève soient achetés et diffusés par la TSR», commente Jean-Pierre Gontard.

A noter toutefois qu’on pourra suivre l’actualité du Festival médias Nord-Sud à travers l’émission quotidienne Zig Zag Café, qui est relayée sur les cinq continents par TV5, un autre partenaire de la manifestation.

swissinfo, Bernard Léchot

En bref

– Le 19e Festival médias nord-sud (FMNS) se tient à la Télévision suisse romande, à Genève, du 22 au 26 septembre. Des projections ont aussi lieu le soir au CAC Voltaire et à l’Auditorium Arditi-Wilsdorf.

– S’intéressant aussi bien à la télévision qu’à la radio et à la presse écrite, il propose plusieurs concours et prix.

– Lieu d’échange, il s’adresse aux professionnels comme au public.

– Cette année, l’IUED propose un forum sur «La grande corruption et les médias. Alertes, enquêtes, pressions et persécutions» (Club de la presse, 22 et 23 septembre).

– Le FMNS sort aussi de Genève grâce à deux «antennes»: à La Chaux-de-Fonds (Club 44, du 24 septembre au 1er octobre) et au Tessin (Bellinzone, Bioggio, Lugano du 20 au 25 octobre).

– On peut le suivre quotidiennement sur les ondes de la RSR (Tombouctou 52 jours) et de la TSR ou de TV5 (Zig Zag Café).