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Ueli Steck, une «étoile tourmentée» s’est éteinte sous le Toit du Monde

Ueli Steck (à droite), avec le Sherpa Tenjiing, à Lukla (Népal), le 18 avril, quelques jours avant sa chute fatale. AFP

On l’avait surnommé «Swiss Machine», mais plus qu’une machine, c’était un grand alpiniste. Ueli Steck, le sprinter des sommets, spécialiste des ascensions ultra-rapide en solo, est mort dimanche au pied de l’Everest, victime d’une chute de plus de 1000 mètres, alors qu’il s’entrainait pour une nouvelle tentative folle.

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«Ueli Steck s’en est allé, par le bas, comme tous ces alpinistes, Loretan, Kukucuzka, Humar, que l’on croyait immortels, alors qu’il préparait un enchaînement jamais réussi, ni même tenté», écrit ‘La Liberté’. Il allait s’attaquer, depuis le camp de base de l’Everest, au Toit du Monde par l’arête ouest, suivre le couloir Hornbein, que personne n’a plus parcouru en entier depuis le premier passage en 1963, descendre ensuite par le col sud (la voie normale) puis tirer sur le Lhotse et relier cet autre géant (8516 m). Cette traversée, prévue sur 48 heures et naturellement sans apport d’oxygène, prolonge le temps passé dans la «zone de la mort», au-dessus de 7500 mètres.

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Ueli Steck, un grand Suisse

Ce contenu a été publié sur Ueli Steck, qui s’est tué lors d’un tour d’échauffement au Nuptse, représentait beaucoup de ce dont nous les Suisses aimons nous targuer: il avait du succès, il travaillait dur et méticuleusement, et en même temps, il ne se vantait pas de ses victoires, qu’il ne considérait pas comme exceptionnelles, mais plutôt comme le fruit mérité…

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Ueli Steck était conscient de jouer avec la mort: «C’est une question à laquelle je réfléchis beaucoup, avait dit le Bernois au quotidien fribourgeois. Il y a dans la survie quelque chose de mathématique…» Et de rappeler que dans le livre SpeedLien externe, paru en 2014, on trouve un dialogue entre Ueli Steck et Reinhold Messner. Et il y a cette phrase de Messner, le survivant: «Evidemment, tôt ou tard, il surgit un problème qui te transporte dans l’au-delà.» Ce problème a donc surgi le 30 avril, au Nuptse, qu’il gravissait en solitaire. Et donne un résonnance prémonitoire à la réponse de Steck à Messner: «je trouve qu’il y a des rêves pour lesquels il vaut la peine de risquer quelque chose. Et la vie est un rêve.»

«Un obsédé du contrôle»

Pourtant, en 2012 au Népal, juste avant d’attaquer l’Everest, Ueli Steck avait parlé à swissinfo.ch (en anglais) et s’était dit «très conscient des risques», se décrivant comme «un obsédé du contrôle». «Je ne risque jamais ma vie. Quand je fais l’Eiger en solo, je suis probablement mieux assuré que les alpinistes encordés – je sais que je ne vais pas tomber. C’est comme de descendre un escalier. Vous ne pensez jamais à tomber quand vous mettez juste un pied devant l’autre. Cependant, il faut être honnête avec soi-même, on ne peut faire ça que pendant une certaine période de sa vie».

«Ueli Steck ne se voyait pas comme une machine, écrit le ‘Bund’. Mais ces derniers mois, il se battait avec d’énormes efforts contre la pente descendante». La quarantaine atteinte, comme beaucoup de ses congénères, l’alpiniste voulait, avec cette nouvelle tentative himalayenne, «montrer au monde entier, et d’abord à lui-même de quoi il était capable». Il l’avait dit au quotidien bernois: «je ne voudrais pas rester dans un cercle vicieux, sinon, dans les prochaines années, je risque de payer mon ambition de ma vie».

Steck, écrit encore le ‘Bund’, «était conscient qu’il ne se battait pas en premier contre la montagne, mais bien plus contre ses propres doutes. Et la mort l’a rattrapé avant qu’il ne puisse échapper au cercle vicieux».

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Un homme et ses montagnes

Ce contenu a été publié sur Eiger, Grandes Jorasses, Cervin. Les trois par la face Nord, les trois en sept heures et quatre minutes en tout ! Des chiffres qui font du Bernois un des grimpeurs en solo les plus rapides du monde.

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Malaise

«’Un jour ou l’autre’, il tombera», disaient ceux qui ne rêvent pas, en préférant évoquer l’inévitable punition plutôt que le plaisir de l’instant, écrit pour sa part ‘Le Temps’. Pour Ueli Steck, les ignorer permettait de tenir les oiseaux de mauvais augure loin des cieux sous lesquels il évoluait. Les rêves des rêveurs n’appartiennent qu’à eux. C’est ce qui les rend immortels. Dimanche matin pourtant, il a fallu faire un constat: les immortels n’existent pas».

Le quotidien romand rappelle également qu’Ueli Steck, si admiré qu’il soit, ne faisait pas l’unanimité: «soit on l’aimait, soit on ne l’aimait pas. Avec ses jambes arquées, sa soif de vitesse et son unique volonté de faire du sport et de se défouler, il a secoué le milieu alpin traditionnel. Il abordait les montagnes comme s’il s’élançait dans un sprint en plein stade. Des règles qui arbitrent les pratiques de l’alpinisme traditionnel, il s’en moquait pas mal».

Ce qui a conduit certains à remettre parfois en cause ses exploits. Comme le rappellent ‘La Tribune de Genève’ et ’24 Heures’, «des doutes s’expriment. Le Bernois se voit reprocher de ne jamais convier un témoin qui pourrait authentifier l’exploit. Il refuse lui-même de documenter son exploit par un GPS qui certifierait l’itinéraire suivi et le temps établi. Obstiné, il se justifie: ‘Je fais ces solos pour moi, je ne veux pas me mettre la pression’. Les sceptiques notent que ses sponsors s’en servent et qu’il vit de leur générosité. Il y a comme un malaise».

La fatalité

Finalement, c’est la montagne qui aura le dernier mot. Comme le note la ‘Luzerner Zeitung’, «il ne faut jamais oublier qu’il y a là-haut des choses qui sont plus fortes que le plus fort des alpinistes. Ueli Steck le savait bien, lui qui déclarait: ‘il faut l’accepter. Tu n’es qu’une petite partie du tout. Et si tu tombes, rien ne change, à part peut-être pour toi’. Et une chance comme celle qu’il avait eue à l’Annapurna [où il avait frôlé la mort], on ne l’a peut-être qu’une fois dans sa vie».

Ce d’autant qu’il suffit d’un tout petit rien pour que la machine s’enraye. Interrogé par ‘Le Matin’, Jean Troillet rappelle qu’«un déséquilibre peut provenir d’un simple caillou qui vous tombe dessus. Un casque qui se brise, ça lui était arrivé dans l’Annapurna. L’Everest n’est pas plus dangereux qu’un autre sommet. Partout on peut tomber sur un mauvais jour».

Et de rappeler le sort de Nicole Niquille, première femme guide de montagne de Suisse, qu’une simple petite pierre reçue sur la tête en cueillant des champignons a suffi à envoyer dans une chaise roulante.

Mais pour le vétéran de l’alpinisme (69 ans), ce n’est pas une morbide quête de la mort qui guide les fous de la grimpe: «On ne part pas affronter la montagne pour mourir, de même qu’on ne prend pas la route en voiture pour cherche l’accident. Au contraire: on aime tellement la vie!»

En quelques dates

1976 – Naissance à Langnau (canton de Berne).

2008 – Le 13 février, face nord de l’Eiger par la voie Heckmair en 2 h 47’33; en avril, avec Simon Anthamatten, face nord du Tengkampoche (6500 m), ce qui leur vaudra le Piolet d’or.

2009 – Le 13 janvier, il boucle au Cervin la trilogie express des faces nord en solitaire (Eiger en 2 h 47, Grandes Jorasses en 2 h 21, Cervin en 1 h 56).

2011 – Le Shishapangma (8027 m) en solitaire par la face sud en 10 h 38 et le Cho Oyu (8201 m).

2013 – En avril à l’Everest, il est pris dans une altercationLien externe avec des sherpas. Le 9 octobre, il réussit en solitaire la face sud de l’Annapurna (8091 m), ce qui lui vaut un deuxième Piolet d’or.

2015 – Le 11 août, il termine l’enchaînement des 82 sommets de 4000 m des Alpes, après 62 jours d’effort (escalade, vélo, parapente).

2017 – Le 30 avril, il se tue au Nuptse.

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