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L’indispensable réforme de la lutte mondiale contre les cartels de la drogue

Manille
Opération de police contre de présumés consommateurs de drogue à Manille en 2016. «Le gouvernement philippin a reconnu au moins 6 600 homicides imputables à la police. Des éléments de preuve laissent à penser que plusieurs milliers d’autres personnes ont été tuées par des individus armés non identifiés ayant probablement des liens avec la police», pointait Amnesty International l’été dernier. Keystone / Mark R. Cristino

Freiné par les coupures des routes du commerce international pour cause de pandémie, le trafic de drogue pourrait rebondir dès que les frontières se rouvriront, selon un rapport de l’ONU. Il est donc d’autant plus urgent de se concentrer sur les responsables du crime organisé, plaide, de son côté, la Commission globale de politique en matière de drogue.

Résilientes, agiles et efficaces, les organisations criminelles qui contrôlent le marché des drogues illicites se réinventent en permanence. Leur avantage comparatif est évident: elles ne respectent aucune loi, corrompent les agents de l’État et assassinent, si nécessaire, ceux qui se mettent en travers de leur chemin. Même la pandémie de Covid-19 ne semble ralentir que momentanément leurs activités.

Dans un rapportLien externe publié la semaine dernière, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) constate que les mesures de confinement instaurées un peu partout dans le monde ont bien produit des effets notables. Il note que de nombreux pays de toutes les régions ont fait état d’une pénurie de différents types de drogues au niveau de la rue. Conséquence immédiate, nombre de consommateurs se sont rabattus sur des produits plus frelatés et plus dangereux encore.


La résilience des cartels de la drogue

Mais l’ONUDCLien externe souligne également la grande souplesse des cartels de la drogue: 

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«L’adaptation rapide des groupes criminels organisés à de nouveaux environnements a déjà été signalée dans certains pays des Balkans où des groupes criminels organisés impliqués dans le trafic de drogue se tournent vers des formes de criminalité liées au virus Covid-19, comme la cybercriminalité et le trafic de médicaments falsifiés.»

L’agence spécialisée est tout aussi inquiète pour le moyen terme. Se référant aux effets de la crise financière de 2008, l’ONUDC estime probable que le ralentissement économique conduise à une transformation durable des marchés des drogues illicites et à une croissance du secteur dans le monde. Pointant les pertes d’emplois dans les secteurs formels et informels en Amérique latine notamment, l’ONUDC craint que le crime organisé puisse en tirer profit pour se renforcer.

«Pendant la pandémie COVID-19 en cours, on rapporte que les cartels distribuent des fournitures sur leurs territoires d’influence et utilisent l’action sociale pour gagner la bonne volonté de la population locale. L’augmentation du chômage, la baisse des revenus et la hausse des prix des cultures illicites (par exemple, la cocaïne et l’héroïne) risquent de rendre l’adhésion à un cartel de la drogue de plus en plus attrayante», note le rapport.


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De l’urgence de changer de cap

Ces perspectives rendent d’autant plus saillant le dernier rapportLien externe de la Commission globale de politique en matière de drogue (GCDP) qui réunit depuis 2011 un groupe de personnalitésLien externe pour inciter les États comme les organisations internationales à réorienter fondamentalement la «guerre aux drogues» décrétées par les États-Unis au début des années 1970.

«En dix ans à peine, des centaines de milliers d’individus sont morts, victimes collatérales de la prohibition. Ils représentent le coût d’une politique qui n’a fait qu’enrichir et renforcer les organisations criminelles, alimenter la corruption et le blanchiment d’argent et contribuer à l’augmentation du trafic, du nombre des routes et des réseaux qu’il emprunte, ainsi que du nombre d’États défaillants en partie contrôlés par la criminalité organisée», écrit l’ancienne conseillère fédérale et présidente de la Commission, Ruth Dreifuss, en préambule du rapport qui se concentre, cette fois-ci, sur le crime organisé.


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100 milliards de dollars jetés par les fenêtres

Alors que le marché mondial des drogues illicites est évalué à 500 milliards de dollars par année, «la facture annuelle mondiale de la répression associée au contrôle des drogues dépasserait 100 milliards de dollars», souligne le nouveau rapport de la Commission basée à Genève.

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«La lutte contre le blanchiment d’argent et la corruption sont les deux moyens à privilégier», précise Ruth Dreifuss à swissinfo.ch. Il est également nécessaire à ses yeux d’organiser autrement les réponses développées à l’international: «La coopération internationale n’est pas suffisante. Tout est très éclaté. Les nombreuses organisations qui s’occupent de criminalité internationale devraient beaucoup plus collaborer entre elles.» Des faiblesses dont profitent largement les cartels de la drogue pour contourner les législations et les actions à leur encontre.

La décriminalisation de la consommation de drogue et le développement d’une approche centrée sur la santé des toxicomanes que défend la GCDPLien externe depuis 10 ans convainquent un nombre croissant d’États sur les continents européens, américains et asiatiques.

Blocage persistant à l’ONU

Mais cette évolution n’a pas encore permis de faire évoluer l’approche prohibitionniste de la Commission des stupéfiantsLien externe des Nations unies dont dépend l’ONUDC cité plus haut. «La situation y est bloquée actuellement, avec  deux camps qui s’opposent. Cela alors que les lois et les conventions internationales devraient pouvoir être révisées ou remplacées, puisque l’on constate que l’objectif affiché est loin d’être atteint», regrette Ruth Dreifuss.

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«Un monde sans drogues, vous y croyez?»

Ce contenu a été publié sur Depuis l’année dernière, Ruth Dreifuss préside la Commission globale de politique en matière de drogueLien externe, un groupe de personnalitésLien externe que l’ancienne présidente de la Confédération a contribué à fonder en 2011. Et ce, en partant du constat que la «guerre à la drogue» lancée par le président américain Richard Nixon en 1971 est…

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Selon l’ancienne présidente de la Confédération suisse, les partisans de la prohibition centrée sur la répression mènent une bataille idéologique où les drogues et leurs consommateurs sont considérés comme l’incarnation du Mal. «Selon ces gouvernements, ces personnes doivent être éloignées de la société, soit tout le contraire de ce qu’il faut faire, si l’on veut réellement lutter contre les méfaits sociaux et sanitaires du trafic de drogue et diminuer l’emprise du crime organisé», pointe Ruth Dreifuss. 

En engageant une guerre à outrance contre les consommateurs et les revendeurs de drogue, le président philippin Rodrigo Duterte incarne jusqu’à la caricature cette politique prohibitionniste. Dans un rapportLien externe publié ce mardi 13 mai, Amnesty international s’inquiète de voir que le Cambodge s’est engagé sur la même voie: «La guerre contre la drogue menée depuis trois ans par le gouvernement cambodgien, juste après une visite d’État du président philippin, engendre une vague croissante d’atteintes aux droits humains, remplit dangereusement les centres de détention et se traduit par une situation sanitaire très inquiétante, davantage encore depuis l’arrivée de la pandémie de Covid-19.»

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