Bonne note pour la surveillance nucléaire suisse
Les autorités de surveillance nucléaire helvétiques ont bien réagi à l’accident de Fukushima au Japon, en mars dernier. C’est la conclusion d’un groupe d’experts internationaux, qui formule malgré tout des recommandations pour les Suisses.
Selon une délégation d’experts en mission en Suisse pendant deux semaines, l’Inspection fédérale pour la sécurité nucléaire (IFSN) a bien réagi après l’accident de Fukushima en mars dernier. Sous le nom de «Integrated Regulatory Review Service» (IRRS), 24 experts mandatés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), provenant de 14 pays, ont visité deux des cinq centrales nucléaires, assisté aux procédures d’urgence d’une troisième centrale et se sont entretenus avec des collaborateurs et des responsables de l’IFSN.
«Notre équipe s’est fait une bonne impression du travail de l’IFSN», a déclaré le chef de la mission IRSS, Jean-Christophe Niel, lors d’une conférence de presse le 2 décembre. Il a notamment loué la mise en place d’une centrale de stockage pour les équipements d’urgence et les améliorations apportées à la centrale de Mühleberg, près de Berne.
«Bonnes pratiques»
Les experts ont énuméré 19 exemples de «bonnes pratiques» dans la surveillance nucléaire suisse qui peuvent être recommandées aux autres membres de l’AIEA. Parmi eux, le système de gestion interne de l’IFSN est mis en exergue. «La manière dont les collaborateurs de l’IFSN reçoivent les informations nécessaires pour effectuer leur travail de façon adéquate, l’organisation et la documentation de l’inspection sont très efficaces», a expliqué Jean-Christophe Niel.
L’IRSS a également loué le fait que les surveillants nucléaires suisses doivent continuellement améliorer leur équipement et les procédures de sécurité. L’IFSN a aussi reçu de bonnes notes pour son ouverture et sa transparence. L’inspectorat a ainsi mis de nombreux documents en ligne concernant la recherche sur la sécurité nucléaire et les évaluations des centrales nucléaires suisses.
Recommandations
Sur treize autres points, les experts formulent toutefois des recommandations. Ils estiment par exemple que l’IFSN devrait disposer d’un cadre légal pour imposer ses vues sur des thèmes tels que les licences pour mener des activités nucléaires ou des exigences en matière de régulation. Dans la pratique, c’est déjà largement le cas.
Le fait que la Suisse ait décidé de sortir du nucléaire à long terme et par étapes ne change rien aux recommandations des experts. «Qu’un pays décide d’augmenter ou de diminuer sa production nucléaire n’affecte en rien la nécessité d’avoir suffisamment de personnel compétent pour gérer la sécurité des installations. Je ne sais pas si c’est un problème en Suisse mais c’est toujours un élément à vérifier», a précisé Jean-Christophe Niel, interrogé par swissinfo.ch après la conférence de presse.
Du côté de l’IFSN, son directeur Hans Wanner a salué l’évaluation des experts, estimant qu’il permettra de continuer à améliorer le travail de son institution.
«Entre amis»
Mais les résultats de l’inspection de l’AIEA ne suscitent pas que des applaudissements. «Ce travail de contrôle a lieu entre amis, critique ainsi le député écologiste argovien Geri Müller, président du Conseil de la Fondation suisse de l’énergie. Le chef de la mission est en même temps le chef de l’inspection nucléaire française. Or les centrales nucléaires de l’Hexagone sont une catastrophe…»
Geri Müller critique aussi le fait que la mission d’experts n’ait pas répondu à certaines questions. Selon lui, sur certains points, la Suisse «viole les standards internationaux». Le chef de la mission a expliqué que ces questions n’étaient pas du ressort des experts mandatés en Suisse. «Les questions les plus importantes ne sont donc pas abordées par l’inspection», fustige le député.
A quoi ça sert?
«Ces missions de contrôle remplissent deux objectifs, rétorque Jim Lyons, directeur de la sécurité des installations nucléaires pour l’AIEA. D’une part, le pays contrôlé a l’occasion d’entendre le point de vue d’autres régulateurs. En même temps, ces derniers peuvent profiter des pratiques d’autres pays, non seulement de celui qui fait l’objet d’une évaluation, mais aussi de ceux représentés par les autres experts présents. Ces derniers peuvent à leur tour rapporter les bons exemples dans leur pays et, peut-être, y modifier les procédures.»
Il n’en demeure pas moins que ce sont les pays qui invitent eux-mêmes les missions de contrôle. De plus, les recommandations ne sont pas contraignantes. Dès lors, quelle est leur utilité? Est-ce que Fukushima aurait pu être évité? Une mission d’inspection avait en effet visité le Japon en 2007, mais sans suivi, comme c’est normalement le cas.
Les recommandations des experts sur le travail de surveillance au Japon n’avaient pas été appliquées lorsque le tremblement de terre et le tsunami ont causé la catastrophe que l’on sait. La situation devrait s’améliorer: un nouvel organe de surveillance prendra ses fonctions au printemps prochain au Japon. Des discussions sont en cours pour fixer les dates d’une prochaine mission IRRS.
Sur le site internet de l’IFSN, son directeur Hans Wanner souligne que l’ouverture et l’honnêteté sont des valeurs clé. Il regrette qu’il n’en soit pas ainsi dans tous les pays. «Il peut y avoir des raisons culturelles, mais cela n’est pas justifiable», écrit-il.
Selon Jim Lyons, les pays industrialisés ne sont pas les seuls à inviter des missions IRRS. «De nombreux pays nettement moins développés nous ont sollicités pour améliorer leurs procédures et pour avoir un feedback de la communauté internationale. Souvent, le fait que cette dernière ait affirmé clairement qu’ils avaient besoin d’améliorer la sécurité s’ils voulaient effectuer un travail sérieux aide les autorités de surveillance à convaincre leur gouvernement de leur allouer davantage de moyens financiers.»
La Suisse compte cinq centrales nucléaires, couvrant environ 40% des besoins du pays en électricité. Après la catastrophe de Fukushima en mars 2011, le gouvernement suisse a décidé de sortir progressivement du nucléaire à partir de 2019. Le processus doit se terminer en 2034.
Beznau I Mise en service: 1969. Arrêt prévu: 2019
Beznau II. Mise en service: 1972. Arrêt prévu: 2022
Mühleberg. Mise en service: 1972. Arrêt prévu: 2022
Gösgen. Mise en service: 1978. Arrêt prévu: 2029
Leibstadt. Mise en service: 1984. Arrêt prévu: 2034.
Les coûts de la sortie du nucléaire sont estimés entre 2,2 et 3,8 milliards de francs.
L’énergie nucléaire sera remplacée par de l’électricité d’origine hydraulique, les énergies renouvelables et des centrales à gaz, entre autres.
L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) est l’autorité de surveillance de la Confédération pour la sécurité nucléaire en Suisse.
L’IFSN est une institution indépendante de droit public, selon le statut que lui confère depuis 2007 la loi sur l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire en accord avec la Convention internationale sur la sécurité nucléaire.
L’IFSN est surveillée par un comité indépendant, le conseil de l’IFSN, élu par le gouvernement fédéral et directement placé sous son autorité. Son siège est à Brugg dans le canton d’Argovie.
La Suisse a été le premier pays d’Europe occidentale à inviter une mission d’inspection IRRS, sous l’égide de l’Agence internationale pour l’énergie nucléaire (AIEA), en 1998, avec mission de suivi en 2003. Des équipes de 10 à 20 experts internationaux se rendent dans les pays et formulent des recommandations pour améliorer la sécurité nucléaire et transmettre les exemples de «bonne pratique» étudiés sur place aux autres pays membres de l’AIEA.
Ces experts sont en général eux-mêmes membres, avec responsabilités, des autorités de surveillance d’autres pays. Les visites ont lieu tous les dix ans environ, avec un suivi quelque deux années plus tard.
Traduction et adaptation de l’anglais: Ariane Gigon
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