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Des progrès sur la restitution de l’art spolié par les nazis

Keystone

Avec 48 autres Etats, la Suisse a participé fin juin à la Conférence de Prague sur les biens spoliés par les nazis. Durant 5 jours, organisations gouvernementales et non gouvernementales ont tenté de trouver des solutions aux délicates questions de propriété.

Dans les années 1930 et 1940, le régime nazi a organisé le vol de milliers d’œuvres d’art appartenant à des familles juives d’Europe. La quête de ces biens est toujours en cours, de même que des solutions respectueuses et équitables entre descendants des propriétaires d’origine et possesseurs actuels, qui ont souvent dépensé de fortes sommes, parfois de bonne foi, pour ces oeuvres.

Les quelque 500 délégués ayant participé à la Conférence de Prague se sont penchés sur ces questions. L’éducation et la mémoire de l’Holocauste étaient aussi au menu du rendez-vous.

La Suisse est très active dans ce dossier, explique Benno Widmer, porte-parole de la délégation suisse, dans une interview réalisée par email. «Depuis 2004, notre pays participe au groupe de travail pour une coopération internationale dans le domaine de l’éducation sur l’Holocauste, le souvenir et la recherche.»

L’un des objectifs de la rencontre de Prague était de discuter des progrès réalisés depuis la Conférence de Washington en 1998. Lors de ce premier rendez-vous, 44 pays, dont la Suisse, s’étaient mis d’accord pour identifier les œuvres d’art volées, ouvrir les archives et rechercher des solutions «justes et équitables».

«La Conférence de Prague est l’occasion de réaffirmer notre soutien et notre volonté de contribuer à résoudre les questions en suspens», explique Benno Widmer.

«Plus grand pillage»

Selon la «Jewish Claims Conference» (Conférence de restitution), les nazis ont volé quelque 650’000 objets d’art et de culte pendant leurs années de pouvoir. Il s’agit ainsi du «plus grand pillage jamais perpétré».

Les œuvres étaient conservées par des cadres du régime, mises aux enchères ou cachées. La Suisse a adopté en 1947 une loi obligeant la restitution des œuvres à leurs propriétaires.

«Jusqu’en 1950, 77 tableaux volés avaient été restitués à des collectionneurs français et à des marchands d’art», rappelle Andrea Raschèr, avocat spécialisé. Mais, durant toute la guerre froide, le dossier de l’art spolié a été mis en veilleuse.

Il a refait surface dans les années 90. Un des événements déclencheurs a été la publication d’un texte de l’historien Thomas Buomberger, révélant que les marchands d’art suisses avaient aidé les nazis dans le trafic d’œuvres.

La nouvelle avait fait l’effet d’une bombe: à la même époque, la recherche des comptes en déshérence dans les banques suisses, de même que les questions sur le rôle de ces dernières pendant la guerre, commençaient à secouer la Confédération.

Initiatives suisses

Andrea Raschèr était à l’époque responsable des affaires juridiques et internationales à l’Office fédéral de la culture (OFC). Sur son initiative, les collections d’art de la Confédération avaient été auscultées pour y trouver d’éventuels objets d’origine douteuse. Un rapport sur le marché de l’art entre 1933 et 1945 a également été confié à Thomas Buomberger.

En 1999, l’OFC a instauré le Bureau de contact pour l’art spolié. Il permet aux héritiers de négocier avec les musées, les fondations, les cantons et les villes en cas de suspicion d’œuvre spoliée. Grâce à ce bureau, des cas ont pu être réglés rapidement.

L’ancien haut fonctionnaire regrette néanmoins que la Commission d’historiens indépendants réunis autour du professeur Bergier n’ait pas fait le plein usage de son accès aux archives pour trouver des traces d’œuvres d’art volées.

L’Office fédéral de la culture a, récemment, lancé un contrôle dans les musées. Il est demandé aux institutions de détailler leurs connaissances sur l’origine des œuvres qu’elles abritent.

«Pointe de l’iceberg»

«Nous n’avons découvert que la pointe de l’iceberg, estime Andrea Raschèr. Des dizaines d’œuvres vont réapparaître ces prochaines années. Car les héritiers des propriétaires d’œuvres spoliées vendent souvent les biens de leurs parents, ce qui fait que les objets apparaissent sur le marché.»

La Suisse ne dispose toutefois pas d’une loi spécifique sur l’art spolié, comme l’Allemagne ou l’Autriche. Au moins la Conférence de Prague permet-elle d’échanger des expériences et de mettre en place des collaborations, par exemple pour ouvrir les archives, espère Andrea Raschèr.

«Les faits remontent à 70 ans et nous ne pouvons défaire ce qui a été fait, dit l’avocat spécialisé. Mais nous pouvons reconnaître les erreurs et montrer que nous ne perpétrerons pas ces injustices pendant les prochaines 70 années».

Isobel Leybold-Johnson, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

La Conférence de Prague sur les biens spoliés par les nazis s’est tenue du 26 au 30 juin à Prague. L’événement marquait la fin de la présidence tchèque de l’Union européenne.

La délégation suisse comptait des représentants du Département fédéral des affaires étrangères et du Département fédéral de l’intérieur, ainsi que trois experts des domaines de l’éducation et de l’art spolié. Elle était dirigée par l’ambassadeur Jean-François Kammer.

La Suisse et 43 autres Etats ont signé les principes de la Conférence de Washington, adoptés en 1998. Sur une base volontaire, ils s’y engagent à identifier les œuvres d’art volées, à ouvrir les archives et à rechercher «une solution juste et équitable» avec les propriétaires spoliés et leurs descendants.

Selon Andrea Raschèr, avocat spécialisé, les solutions recherchées vont de la restitution, du dédommagement financier pour le travail, la vente et le partage des bénéfices entre le propriétaire d’origine et le possesseur actuel, à l’exposition dans un musée s’attachant à montrer l’histoire culturelle du bien.

Révélée récemment, une nouvelle affaire d’art spolié en Suisse concerne le tableau «Le lac de Thoune avec la chaîne du Stockhorn» de Ferdinand Hodler. En 1935, l’homme d’affaires juif Max Silberberg avait été forcé de vendre presque toute sa collection d’art, dont le tableau d’Hodler aurait fait partie.

Le tableau a été acheté dans les années 80 de provenance inconnue et appartient aujourd’hui à une fondation hébergée par le Musée des beaux-arts de St-Gall. La belle-fille de Max Silberberg, Greta Silberberg, réclame sa restitution.

La même plaignante avait obtenu gain de cause il y a une dizaine d’années en obtenant la restitution d’un tableau qui avait été offert au Musée des beaux-arts de Coire en 1992.

Autre exemple: «Le Quai Malaquais» de Camille Pissarro, spolié par les nazis, avait été retiré d’une vente aux enchères de Christie’s à Londres, après avoir passé des années dans une banque suisse.

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