Deux tiers des seniors restent réfractaires à internet
Seule une minorité des aînés est déjà connectée à internet en Suisse, comme le montre la première étude sur le sujet. La Confédération et les associations prennent des mesures pour réduire la «fracture numérique».
L’image du grand-père et de la grand-mère téléphonant, avec un appareil muni d’un combiné, à leurs petits-enfants, n’appartient pas encore au passé, mais presque. Aujourd’hui, ils se regardent par écran d’ordinateur interposé, grâce à des programmes de téléphonie par internet.
Les cartes postales en bristol du voyage d’étude ou du tour du monde? Remplacées par des blogs ou des galeries photos «postées» sur le web. Les grands-parents suivent leur descendance à la trace… digitale.
Mais tous les aînés ne sont cependant pas pareillement «branchés». Selon une étude commandée par l’association des personnes âgées Pro Senectute au Centre de gérontologie de l’Université de Zurich, ils restent même majoritairement non-internautes (à 62%).
«Or ne pas être connecté, ou être un «offliner», comme nous le disons, fait subir des désavantages croissants, a expliqué mardi à Zurich le professeur Hans-Rudolf Schelling, co-auteur de l’étude. Financièrement, les non-internautes ne peuvent pas comparer les offres, comme internet le permet. Et de nombreux services publics axent aussi leurs prestations, de plus en plus, sur internet.»
Trio de tête international
«Les seniors étant aussi un marché important, les voies classiques d’information et de communication ne disparaîtront pas du jour au lendemain, a précisé le professeur. Il ne s’agit pas non plus de pousser tous les aînés devant un écran d’ordinateur.»
En comparaison internationale, la Suisse se situe dans le trio de tête, selon des statistiques d’Eurostat. Seule la Norvège et l’Islande affichent des taux plus élevés d’internautes chez les 65 ans et plus.
Contrairement à une idée reçue, les problèmes de santé ne viennent pas à l’avant-plan des explications données par les non-internautes. Un peu moins d’un tiers d’entre eux ont néanmoins avancé des difficultés d’ouïe, de vue ou des troubles de la mémoire et 15% des problèmes avec les mains.
Pas peur des contenus douteux
Ce qui retient le plus les seniors, c’est la complication supposée de l’outil informatique, suivi par le temps nécessaire à l’apprentissage. En revanche, une fois qu’ils s’y sont mis, ces deux problèmes sont jugés deux fois moins importants qu’ils ne l’avaient craint.
Les craintes vis-à-vis de la sécurité du média et la peur de rencontrer des problèmes techniques insurmontables restent les principaux obstacles admis. Les coûts, le fait que les contenus puissent être douteux ou le manque de soutien ne sont évoqués que par environ 20% des personnes interrogées.
Presque déroutant, à entendre les auteurs de l’étude, se révèle le très faible pourcentage de seniors non surfeurs qui entendent combler cette supposée lacune: ils ne sont que 12%, selon l’étude. Deux tiers d’entre eux ne veulent pas «dépenser le moindre centime pour cette technologie.»
Des «Cyberthés»
«Mais il est impossible de dire si cela est l’expression d’un refus ou plutôt d’une certaine résignation en raison des difficultés rencontrées», écrivent les auteurs.
Pro Senectute estime qu’un tiers des actuels 750’000 seniors non-connectés souhaitent s’y mettre. Les cours à domicile, dispensés par des gens de même âge, par des jeunes, ou grâce à l’entourage proche, jugé le plus à même d’apporter l’aide et les conseils nécessaires, rencontrent de plus en plus de succès.
«Il faut aussi placer des ordinateurs dans les endroits ad hoc, précise Martin Odermatt, membre de la direction de Pro Senectute. Ou encore façonner les contenus avec des graphismes intéressants pour les seniors. Nous avons aussi mis en place des ‘Cyberthés’ où les gens peuvent se rencontrer et se lancer.»
Soutien personnel
Depuis dix ans, Pro Senectute offre dans toute la Suisse plus de 2000 cours par an, à 8300 personnes. La Confédération de son côté entend aussi lutter contre la menace de «fracture digitale».
L’Office fédéral de la communication (OFCOM) soutient les acteurs de l’encouragement à internet avec différents réseaux et conférences. «Mais nous cherchons à atteindre tous les exclus potentiels, tant les migrants que les handicapés ou les personnes âgées», précise Charlotte Sgier de Cerf, du bureau de coordination de l’OFCOM.
Or le soutien personnel est plus efficace que les appareils spéciaux: selon Martin Odermatt, toutes les tentatives de claviers supposés plus ergonomiques ou plus fonctionnels ont échoué. Selon lui, «les grands-parents veulent le même ordinateur branché que leurs petits-enfants…»
Ariane Gigon, Zurich, swissinfo.ch
La première étude scientifique sur l’usage que font – ou ne font pas – les plus de 65 ans d’internet en Suisse a été réalisée auprès de 1105 personnes dans toute la Suisse.
Comme dans toutes les catégories d’âge, internet a progressé ces dernières années chez les aînés , mais moins vite que chez les plus jeunes.
Les non-internautes sont majoritaires chez les plus de 65 ans, tant parmi les femmes (70%) que parmi les hommes (52%).
38% des plus de 65 ans surfent sur internet, mais les différences sont grandes par tranche d’âge:
– 58% des 65-69 ans utilisent la toile,
– 50% des 70-74 ans et
– 17% chez les 80-84 ans,
– 8% des plus de 85 ans.
Parmi les raisons qui empêchent les réfractaires de se connecter figurent, dans l’ordre:
– difficultés d’utilisation (7%)
– efforts d’apprentissage (60%),
– la sécurité, jugée insuffisante (60%),
– les coûts de matériel et d’accès à internet sont jugés trop élevés par un tiers des aînés (deux tiers ne veulent pas dépenser un centime dans ce but).
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