En Roumanie, les Roms se méfient de l’intégration
60 ans après son adoption, la Déclaration universelle des droits de l'homme reste un idéal à atteindre. Coup de sonde aux quatre coins de la planète francophone avec la Tribune des droits humains. Aujourd'hui: la Roumanie, important partenaire économique de la Suisse.
En Roumanie, pour être admis dans une université, mieux vaut être Rom que bon élève, du moins sur le papier. Dans les 26 universités roumaines, plus de 400 places sont réservées chaque année aux jeunes Roms. Exonérés de la taxe universitaire, ils doivent juste obtenir la moyenne à l’examen d’entrée pour s’assurer l’entrée à la fac.
Un privilège quand on sait que pour certaines facultés – droit, économie, médecine – le nombre de candidats dépasse largement les places disponibles. Sur 9 à 10 postulants, un seul est retenu à l’examen d’admission.
Pourtant beaucoup des sièges réservés à cette minorité demeurent vides ou sont abandonnés en cours d’année. Le nombre de tsiganes diplômés reste donc très faible.
C’est la conséquence d’un problème plus profond. Les Roms ne valorisent pas l’éducation dispensée par l’Etat roumain et près de 40% d’entre eux sont analphabètes.
Méfiance pour l’école
Résultat: un grand nombre des parents refusent d’envoyer leurs enfants à l’école, alors que les huit premières années sont gratuites et obligatoires. On estime ainsi que 17% des enfants de cette communauté ne sont pas du tout inclus dans le système scolaire et que 12 à 20% d’entre eux abandonnent l’école pendant l’enseignement primaire.
Quand il est question de la scolarité des enfants, les familles roms brandissent leur situation financière et leur impossibilité d’acheter les livres, les cahiers, les uniformes, le transport et la nourriture.
Certaines communes ont donc décidé de soutenir au moins une partie de ces coûts: bus spéciaux pour emmener les enfants a l’école, aides financières à la rentrée scolaire, etc….
Et ça n’est pas tout. Chaque écolier roumain reçoit pendant la recréation du matin un croissant et un verre de lait. Cette mesure du gouvernement s’applique déjà depuis quelques années dans toutes les écoles.
But de l’opération : offrir un supplément alimentaire aux plus pauvres, tout en évitant de créer le sentiment de discrimination. La mesure a certes rapproché les jeunes roms de l’école, du moins pendant la récré. Mais elle n’a pas réussi à les convaincre de rester en classe.
Le problème de la langue
Le gouvernement bute sur d’autres résistances. Le ministère de l’éducation interdit en principe la formation de classes sur la base de critères ethniques.
Mais certaines communautés tsiganes demandent explicitement la création de classes spéciales (en tout cas les maternelles) pour leurs enfants. Car dans les classes actuelles, l’enseignement se fait en roumain et les jeunes tsiganes n’arrivent pas à suivre le cours. Comme ils ne peuvent pas l’apprendre ailleurs qu’à la maternelle, les jeunes Roms arrivent à l’école primaire avec un gros handicap.
Une impasse battue en brèche par un projet pilote. A Iasi, au nord de la Roumanie, l’inspectorat scolaire a établi un partenariat avec l’association « Amare Romenza » qui a permis la création d’un petit réseau de jardins d’enfants bilingues (romani-roumain). L’expérience pourrait être généralisée pour tout le cycle primaire dans le département de Iaşi.
Une politique paradoxale
Reste une contradiction de base. Le système éducatif roumain est basé sur l’égalité des chances, alors que les politiques à l’égard des Roms sont centrées sur la différence (discrimination positive).
Les mesures pour soutenir l’éducation de cette minorité semblent ainsi hésitantes et paradoxales. C’est le dilemme entre intégration et ségrégation : chaque fois que les Roms demandent plus de discrimination positive, ils s’éloignent d’avantage de l’intégration.
Cet article fait partie d’une série commandée par Tribune des droits humains à des correspondants locaux en pays francophones. Et ce à l’occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cette opération est soutenue par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)
La Suisse a accordé son aide à la Roumanie de 1990 à fin 2007.
Réformes. Au début des années 90, l’aide humanitaire était prépondérante. A partir de 1996, les priorités se sont portées sur des programmes de soutien à la réforme du système politique et économique.
La Suisse a concrètement contribué à la promotion du secteur privé, aux réformes du système de santé et à la modernisation des infrastructures.
Fin. Suite à l’adhésion de la Roumanie à l’UE, le Bureau de coopération suisse à Bucarest a cessé ses activités en mai 2008.
Fermé. Les projets en cours seront terminés selon les termes de leurs contrats respectifs. Il n’y aura donc plus de nouvel engagement et le Bureau de coordination suisse à Bucarest est fermé depuis mai 2008.
Modalités. Le soutien de la Suisse à l’intégration de la Roumanie à l’UE ne sera pas en vigueur avant le premier semestre 2009. Ses modalités restent à fixer dans le cadre de la contribution suisse à l’élargissement.
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