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Grâce à la pluie, l’eau n’est pas un luxe en Suisse

Keystone

Qualité excellente et quantités abondantes: l’eau est un bien de consommation courant, en Suisse. Mais cela n’empêche pas des chercheurs de travailler avec acharnement sur des projets visant à économiser l’eau potable.

Pour des milliards de personnes, une eau impure est une réalité quotidienne, menaçante ou même mortelle. L’eau est, de loin, le bien de consommation le plus important. Sans elle, la mort est au rendez-vous, en très peu de jours.

En Suisse, on peut non seulement boire sans peur l’eau sortant de n’importe quel robinet, mais l’eau des lacs peut aussi se révéler buvable. Même l’eau du Rhin, à Bâle, dans la ville de l’industrie chimique, ne rend pas malade.

Que ce soit l’eau qui rince les toilettes, celle qui nettoie les voitures, qui remplit l’étang du jardin ou qui arrose les champs de l’agriculture, l’eau suisse est de la meilleure qualité. C’est ce que révèlent régulièrement les analyses de laboratoire.

Ces excellents résultats sont surtout dus aux stations d’épuration des eaux (STEP), répondant à une obligation légale depuis les années 1950. Ces «usines» n’ont cessé de bénéficier de projets technologiques. Grâce à elles, la qualité des eaux est un succès suisse de la protection de l’environnement.

La campagne de dons «chaque centime compte» a lieu chaque année avant Noël.

Du 17 au 22 décembre 2012, elle aura pour titre «chaque goutte d’eau compte» et thématise l’accès à l’eau potable.

Le programme est organisé par les télévisions et radios publiques des quatre régions linguistiques de Suisse et par swissinfo.ch

Les dons doivent permettre d’améliorer les conditions de vie de plus d’un milliard de personnes n’ayant pas, actuellement d’accès à l’eau potable ou vivant dans des conditions hygiéniques précaires.

En 2011, «Chaque centime compte» avait suscité des critiques d’autres organisations vivant de dons pour manque de coordination et choix arbitraire des sujets. Les œuvres d’entraide avaient demandé une meilleure coopération de la part de la SSR.

«Principe moral»

Or l’eau ne s’arrête pas aux frontières. Elle coule vers les pays voisins. Pour Max Maurer, professeur en systèmes pour la gestion urbaine de l’eau à l’Ecole polytechnique fédérale (EPF) de Zurich, l’eau est un «principe moral» dont il s’agit de prendre soin. «Nos voisins ont le même droit que nous d’avoir l’eau la plus propre possible.»

Les pluies abondantes font de la Suisse le château d’eau de l’Europe. «En une année, la Suisse est virtuellement recouverte d’un mètre et demi d’eau. De cette masse, deux centimètres et demi suffisent pour l’eau potable des habitants du pays», explique Max Maurer, qui dirige aussi la gestion urbaine de l’eau à l’Institut de recherche de l’eau du domaine des EPF(Eawag).

Pourtant, il serait judicieux de pouvoir faire des économies sur la consommation, et cela pour deux raisons. «Une diminution de la consommation d’eau chaude permettrait aux ménages d’économiser des dépenses chaque mois», note Max Maurer. Quant aux pouvoirs publics, ils économiseraient «en ne devant pas filtrer des eaux usées qui représentent aussi une charge pour l’environnement».

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WC révolutionnaires

Economiser ou, bien plus, éviter des coûts pour l’épuration des eaux, était aussi l’objectif du projet de toilettes «NoMix» développés par les chercheurs de l’Eawag. Grâce à ce système, l’urine est séparée de l’eau qui rince la cuvette.

On élimine ainsi le coûteux nettoyage d’azote et de phosphore qui contaminent l’eau par l’urine. De plus, le système permettrait de récolter environ 30’000 tonnes d’azote, ce qui correspond à la moitié des engrais minéraux utilisés dans l’agriculture.

«Aujourd’hui, nous payons deux fois, une fois pour l’élimination de l’urine dans l’eau, l’autre fois pour les engrais, dit Max Maurer. Si on réussit notre pari, il vaudra la peine d’installer une deuxième conduite dans les ménages.»

Bien que le projet «NoMix» soit aujourd’hui prêt à être commercialisé, les toilettes à canalisation séparée ne sont pas encore à l’ordre du jour en Suisse.

Eaux usées en Suisse

839 grandes stations d’épuration

Près de 3400 petites STEP

Plus de 35’000 installations de traitement préliminaire des eaux usées (industrie et PME).  

95%: degré de raccordement aux STEP

Valeur actuelle

STEP: 14 milliards de francs

Canalisations en mains publiques: 66 milliards de francs

Canalisations privées: 40 milliards de francs

Coûts annuels

STEP: 1 milliard de francs

Canalisations publiques: 1,2 milliard de francs

Infrastructures privées: 1 à 1,2 milliard de francs

Coûts pour l’ensemble de l’économie: près de 3,2 milliards de francs

Eau potable

3000 raccordements en eau

Valeur de remplacement: 110 milliards de francs (infrastructures privées et publiques)

Coûts annuels

Investissements: 600 millions de francs

Gestion et entretien: 700 millions de francs

Consommation

Ménages: 160 litres par habitant et par jour, dont environ 5,5 litres pour la boisson et la cuisine.

Pluies annuelles

1460 l par mètre carré

8’300’000 l par  habitant

2% des pluies annuelles couvrent le besoin en eau potable de toute la Suisse.

Coupes budgétaires

«Nous utilisons des urinoirs sans eau, mais des utilisations grises d’eau ou la séparation de l’urine et de l’eau ont été, jusqu’à aujourd’hui, victimes des coupes budgétaires», précise Peter Schürch, fondateur et directeur du Bureau bernois «Halle 58 Architekten» et professeur d’architecture à la Haute école de Berne.

«Nous intégrons déjà de nombreux aspects de la construction durable dans nos bâtiments, explique le professeur. Mais les investissements auxquels il faudrait procéder pour l’installation préalable de conduites ont la vie plutôt dure.»

Pourtant, la séparation des conduites d’urine et d’eau a encore de l’avenir, affirme l’architecte, pionnier de la construction durable et lauréat de nombreux prix nationaux et internationaux. «En Inde, à Bangalore par exemple, on travaille à des projets de séparation d’urine avec des installations utilisant des plantes sur les toits.»

Le système des conduites normales d’eau, qui amènent le précieux liquide dans les foyers et l’élimine en l’acheminant vers des canaux d’élimination fonctionne dans des pays comme la Suisse. «Il y a beaucoup d’eau, beaucoup d’argent et un gouvernement stable, dit Max Maurer. Mais dans la plupart des autres pays, c’est différent. Nous réfléchissons à une gestion décentralisée de l’eau.»

Un autre projet de l’Eawag, appelé «maison Self», est déjà réalité en Suisse, même si c’est à une petite échelle. L’eau de pluie est conservée et utilisée pour les toilettes, la machine à laver et l’eau du jardin.

Anticiper

Les conduites d’eau aujourd’hui enfouies dans le sol ont une durée de vie de 50 à 80 ans. C’est pourquoi le spécialiste de l’Eawag en appelle aux maîtres d’œuvre: il faut prévoir la planification longtemps à l’avance.

Ils devraient au moins penser aux conduites d’eau séparées afin que la prochaine génération puisse réaliser, en cas de besoin, la deuxième conduite de façon relativement simple. «Mais cela nécessite que l’on fasse de la recherche fondamentale et que l’on décide aujourd’hui où l’on veut aller dans 30 ans», avertit Max Maurer.

Avant cela, l’eau deviendra un sujet de préoccupation non seulement dans de nombreux pays du sud, mais aussi en Suisse. C’est la conviction de Peter Schürch. «Pour l’heure, l’eau est trop bon marché et encore disponible en quantités plus que suffisantes.»

(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)

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