Le procès du financement des Tigres tamouls s’est ouvert en Suisse
Treize personnes sont accusées d'avoir frauduleusement acheminé entre 1999 et 2009 plus de 15 millions de francs suisses aux séparatistes tamouls du Liberation Tigers of Tamil Elam (LTTE), alors en guerre contre les forces gouvernementales du Sri Lanka. Leur procès démarre lundi devant le Tribunal pénal fédéral.
Les accusés viennent de Suisse, d’Allemagne et du Sri Lanka. Certains sont d’anciens membres du Comité mondial de coordination tamoul (WTCC) qui représentait les Tigres en Suisse jusqu’en 2009, dont son fondateur, son adjoint et le responsable des finances.
Les Tamouls en Suisse
Environ 50’000 personnes originaires du Sri Lanka vivent en Suisse dont près de la moitié ont obtenu la nationalité suisse. La plupart sont des Tamouls ayant fui la guerre civile de 30 ans qui a pris fin en 2009 et causé la mort d’au moins 70’000 personnes.
«Les violences qui frappent les Tamouls motivent dès 1982 une très forte augmentation des demandes d’asile; elles passent de moins de 1000 par année en 1987 à près de 5000 en 1989, atteignant un maximum de 7500 en 1991 (159’010 demandes déposées entre 1994 et 2008). Les autorités suisses acceptent très peu de réfugiés, suspendent les expulsions en 1984, puis cherchent à organiser des rapatriements», écritLien externe le Dictionnaire historique de la Suisse.
En 2016, plus de 28’000 personnes de nationalité sri-lankaise résidait en Suisse. En 2016, le gouvernement suisse a annoncé qu’il appliquerait des critères encore plus stricts pour l’octroi du statut de réfugié aux ressortissants sri-lankais.
Entre 1999 et 2009, ils auraient créé une structure complexe de collecte de fonds en incitant les membres de la diaspora tamoule à obtenir des prêts auprès de banques. Pour augmenter les montants, le WTCC est accusé d’avoir créé des sociétés fictives au nom d’emprunteurs ayant émis de faux certificats de salaire.
Les 13 personnes sont accuséesLien externe à des degrés divers de participation ou soutien à une organisation criminelle, de faux dans les titres, de blanchiment d’argent, d’escroquerie et d’extorsion.
Extorsion?
Le Ministère public de la Confédération «suspecteLien externe fortement la fraction LTTE sous enquête d’avoir récolté les sommes en question en ayant recours à des menaces à l’encontre des membres de la communauté tamoule, à tout le moins en ayant instauré un régime de crainte incitant ces derniers à procéder à des versements».
Les fonds récoltés en Suisse ont été transporté au Sri Lanka via Singapour ou Dubaï. Ce système de financement s’est effondré en 2009 après la défaite militaire des Tigres par les forces armées sri-lankaises.
«Je ne pense pas que les 13 suspects doivent être jugés. Le LTTE luttait pour la liberté et l’autodétermination des Tamouls, ce qui n’est pas un crime (même si les rebelles ont bien commis toute une série d’exactions et furent le premier groupe armé à pratiquer les attentats-suicides, ndlr). Il faut deux parties pour faire la guerre et la Suisse devrait également enquêter sur les crimes de guerreLien externe commis par l’armée sri-lankaise», relève Anna Annor, présidente du Conseil suisse des Tamouls de l’Eelam.
La procédure a été lancée en 2009 lorsque le Bureau du Procureur général (MPC) a ouvert une enquête contre «inconnus» pour extorsion, coercition, blanchiment d’argent et criminalité organisée.
En 2011, une vaste opération menée dans plusieurs cantons suisses a abouti à l’arrestation de plusieurs suspects qui ont ensuite été libérés en l’espace de deux mois. Un an plus tard, une délégation du MPC et de l’Office fédéral de la police s’est rendue au Sri Lanka pour interroger une quinzaine de témoins.
«Environ 80% des Tamouls vivant en Suisse ont versé de l’argent au LTTE pour soutenir la lutte contre le génocide. Ça n’en fait pas des soutiens au terrorisme», déclare Kurghian Kurusamy, ancien président du Conseil suisse des Tamouls de l’Eelam.
Longue procédure
Le procès était initialement prévu pour juin 2017. Mais sa tenue a été retardée lorsque l’avocat de l’un des prévenus a demandé qu’une banque impliquée dans les transactions financières soit également citée par le juge comme l’un des défendeurs. Une demande finalement rejetée. Selon Kurghian Kurusamy, la banque en question était le Credit Suisse et il affirme qu’elle avait accepté 135 prêts en faveur d’un ressortissant sri-lankais basé en Allemagne. Le quotidien Le Temps préciseLien externe que c’est Bank Now, une filiale du Credit Suisse Group, qui a accordé des prêts à 182 personnes à un taux d’intérêt de 12%.
Le verdict du procès qui se tient à Bellinzone au Tessin est attendu vers la mi-mars.
Pour se replonger au début du conflit, ce reportage de Temps présentLien externe diffusé en novembre 1986.
Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand
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