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L’école, otage des élections de 2011?

La droite conservatrice prône un retour à l’école de grand-papa. RDB

Après l’expulsion des criminels étrangers, les conservateurs de l’UDC continuent de dicter l’agenda politique. Ils tirent sur le projet d’harmonisation scolaire pour tenter de donner une dimension nationale au débat. A droite comme à gauche, on s’insurge.

«HarmoS, c’est le nivellement par le bas, ce n’est rien d’autre que l’établissement d’une éducation nationale à la française. Si on faisait pareil, on serait dans la même merde qu’eux», assène Oskar Freysinger.

Pour le député démocrate du centre (UDC / droite conservatrice), «la disparité de nos 26 systèmes éducatifs est concurrentielle et ne peut être que profitable». Son parti tire à boulets rouges contre l’école «soixante-huitarde» et réclame discipline, compétitivité et autorité.

L’harmonisation de la scolarité obligatoire (HarmoS) a été décidée par 86% des Suisses en 2006. Approuvée par 15 cantons à ce jour, elle sera mise en œuvre à la rentrée 2015. D’ici là, chaque région linguistique doit se mettre d’accord sur un plan d’études commun.

 

Occuper le centre

Fustigeant «le romantisme social et l’égalitarisme forcené» de l’école, l’UDC rejette en vrac la scolarisation à 4 ans, l’intégration des handicapés et des étrangers, l’apprentissage précoce des langues ou le temps partiel des enseignants. Préconisant le retour au maître de classe et aux notes, elle a gagné le référendum contre HarmoS dans sept cantons.

Le parti de Christoph Blocher rejette aussi le plan d’études alémanique, auquel il oppose sa propre mouture. Début novembre, il a réclamé «un stop immédiat des réformes et un retour à l’éducation, aux performances et à la coresponsabilité des parents».

Le premier parti de Suisse préconise aussi la sélection des collégiens, la limitation des étudiants étrangers ou encore des classes séparées pour étrangers et handicapés, etc. Bref, il pèse de tout son poids pour conquérir un terrain davantage couvert par d’autres partis traditionnellement.

Les élections en point de mire

Les yeux rivés sur les élections fédérales de 2011, l’UDC tente donc de faire de l’école, chasse-gardée des cantons, un thème national. Pour le politologue Oscar Mazzoleni, il n’y a, là, rien d’improvisé, mais c’est un vrai travail de professionnels.

«L’école ratisse large parce que ce thème est fédérateur et touche à plusieurs aspects, au pouvoir des cantons, à la violence juvénile, à la liberté des familles, etc., explique Oscar Mazzoleni. Le but est de se démarquer des autres partis. Son ‘anti-soixante-huitardisme’ lui permet de se démarquer de la gauche, de favoriser un certain conservatisme et de conquérir un électorat de centre droit.»

Que fait la gauche? Jean-François Steiert rappelle que «le Parti socialiste a été le premier parti à publier un document sur l’école obligatoire en 2008. Il a cependant fallu que l’UDC reprenne le sujet pour attirer l’attention médiatique». Le conseiller national fribourgeois annonce la publication en février d’un document complémentaire sur les priorités de l’école obligatoire.

A droite, le «Forum formation» (proche des libéraux-radicaux et de l’économie) s’est fâché des assertions «erronées» et «infondées» de l’UDC. Et a regretté que «personne n’a évoqué les graves lacunes de ce texte», dans une lettre ouverte publiée début décembre pour appeler à un débat «constructif».

Dangereux «arriérisme»

Thomas Meyer, lui, qualifie les positions UDC de «dangereux arriérisme qui ressemble plus à un réflexe qu’à une politique». Ce chercheur de l’Université de Bâle estime que les réorientations scolaires sont irréversibles et que l’UDC n’a aucune vision.

«Toute mesure, dont celles que prévoit HarmoS, qui réduit les disparités de fonctionnement des systèmes de formation cantonaux, favorisent l’équité et la mobilité scolaire et, selon moi, sont donc positives.»

Thomas Meyer conduit une étude longitudinale sur la transition de l’école à la vie adulte. «TREE» suit environ 6000 jeunes ayant participé à l’enquête PISA 2000 (Programme international d’évaluation des élèves) et terminé l’école obligatoire la même année. Dix ans plus tard, il est déjà possible au spécialiste de conclure que «les conséquences à long terme des inégalités scolaires constatées déjà avec PISA à la fin de l’école obligatoire se poursuivent et se traduisent dans les trajectoires post-obligatoires».

Le problème du secondaire

«Au degré secondaire I, les caractéristiques sociales continuent d’avoir un effet très fort et notre système d’éducation manque d’équité, explique Thomas Meyer. Ensuite, le manque de places dans le secondaire II (post-obligatoire) fait qu’il y a pression du haut vers le bas, avec le risque que les «concurrents» les plus faibles soient ceux qui doivent lutter le plus pour obtenir une place de formation et qui courent le plus grand risque d’échec.»

Pour le chercheur bâlois, le problème ce n’est pas tant l’école primaire, «qui développe l’intégration et la multi-culturalité», mais la «jungle affolante du secondaire». «On a comme deux systèmes différents et il n’y a aucune raison, du point de vue des comparaisons internationales, de séparer les élèves comme on le fait en Suisse avant la fin de la scolarité obligatoire, de défavoriser les élèves déjà faibles», s’insurge-t-il.

Ce qui frappe, c’est que l’UDC et les autres partis excluent de la discussion l’organisation du cycle d’orientation, alors que, justement, ces filières très segmentées et séparées contribuent beaucoup à l’inégalité. Et pourquoi cela? Thomas Meyer n’a pas vraiment d’explication. «On n’ose pas en parler, c’est une problématique complètement taboue et qui aurait pourtant beaucoup d’importance si on veut vraiment être sérieux.»

Critiques. L’Union démocratique du centre estime que «La dégradation rampante de notre système d’instruction publique autrefois axé sur la performance et la pratique doit être stoppée. Des plans d’enseignement sévères ainsi qu’une appréciation claire et honnête des performances et du comportement des élèves sont indispensables à cet effet. Il faut mettre fin à l’académisation croissante de la formation au détriment de la formation professionnelle.»

 

Référendum. Elle a lancé un référendum contre HarmoS dans huit cantons. A l’exception de Schaffhouse, elle a réussi à Lucerne, Grisons, Thurgovie, Nidwald, Uri, Zoug, Argovie. Un 3e groupe a gelé toute adhésion: Argovie, Obwald et Appenzell Rhodes-Intérieures.

Ministres cantonaux. Dès 2011, elle comptera six ministres cantonaux de l’éducation (Schwytz, Argovie, St-Gall, Nidwald, Thurgovie et Zoug) au sein de la Conférence suisse des ministres de l’éducation (CDIP).

Initiative. En 2009, l’UDC a lancé l’«initiative en faveur des familles» visant à permettre des déductions fiscales également aux parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants. La récolte de signatures devrait commencer sous peu.

L’accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (HarmoS) est un nouveau concordat scolaire qui harmonise pour la première fois au niveau suisse la durée des degrés d’enseignement, leurs principaux objectifs et le passage de l’un à l’autre, ainsi que l’âge d’entrée à l’école et la durée de la scolarité.

 

En 2006, les nouveaux articles constitutionnels sur la formation ont été acceptés par le peuple suisse, avec une majorité de 86%, et par tous les cantons.

 

En 2007, la Conférence suisse des directeurs de l’instruction publique (CDIP) l’a approuvé à l’unanimité et lancé les procédures d’adhésion dans les cantons.

A ce jour, 15 cantons (76% de la population) ont accepté l’accord qui pourra être mis en œuvre d’ici la rentrée 2015.

 

Le Concordat prévoit notamment 11 ans d’école, dont 8 pour l’école enfantine et le primaire à partir de l’âge de 4 ans. Mais aussi une première langue étrangère en 5e année (3e sans l’école enfantine) et une 2e au plus tard en 7e (5e), dont une langue nationale.

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