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L’accès à l’eau, un droit qui fait encore défaut

Dans beaucoup de pays du sud, avoir accès à l'eau reste un défi de tous les jours. Reuters

Les Nations Unies viennent de tenir leur 6e Forum mondial de l’Eau à Marseille. Constat: l’accès à l’or bleu reste difficile pour une partie de l’humanité. La Suisse n’a pas ce problème: une étude montre que chaque habitant y utilise directement ou indirectement 4200 litres d’eau par jour.

Ce premier rapport «empreinte sur l’eau» jamais réalisé en Suisse a été publié cette semaine à l’occasion du 6e Forum Mondial de l’Eau, organisé dans la cité phocéenne. Ce rendez-vous trisannuel se veut une «plateforme de solutions» à une crise de l’eau elle aussi mondiale.

Selon les statistiques officielles, chaque habitant de Suisse utilise en moyenne 162 litres d’eau par jour pour boire, pour cuisiner ou pour les autres besoins du ménage. Cependant, afin de donner une image plus précise de la consommation totale par personne, la Direction suisse pour le développement et la coopération (DDC) et le WWF ont calculé le total de l’«eau virtuelle» nécessaire pour produire tous les biens et services consommés en Suisse.

En combinant les deux résultats, la consommation totale s’élève à 4187 litres par jour et par habitant, ce qui correspond à 1500 m³ par an. A titre de comparaison, l’empreinte moyenne sur l’eau d’un habitant des Etats-Unis est de 2840 m³.

Environ 81% de ce montant virtuel provient des activités agricoles (dont 28% pour la production de viande) et 17% des activités industrielles. A signaler enfin que sur ce montant total, 82% proviennent de l’étranger.

«La Suisse exporte des biens qui requièrent peu d’eau virtuelle et importe des choses comme de la nourriture, des véhicules ou des ordinateurs qui demandent de grandes quantités d’eau à la production», déclare François Münger, responsable de la division Initiatives Eau de la DDC.

«Le paradoxe, c’est que la Suisse dispose de beaucoup d’eau – elle est le château d’eau de l’Europe – mais qu’elle ne vit pas de son eau, poursuit-il. La plupart de nos produits sont fabriqués à partir de l’eau de l’étranger, notamment de zones où le manque d’eau est problématique.»

Les auteurs de l’étude ont identifié six grands bassins hydriques qui souffrent d’une raréfaction de l’eau et d’où la Suisse importe des produits: la mer d’Aral, le Gange, l’Euphrate, le Nil, l’Indus et le Tigre.

Plutôt que de réduire les importations de biens et de services de ces régions, ce qui aurait un impact sur les conditions de vie sur place, la Suisse ferait mieux d’aider les acteurs locaux à gérer leurs ressources de manière plus durable. Et les entreprises suisses qui importent des biens de ces régions devraient également assumer leur part de responsabilités sociales, ajoutent les auteurs de l’étude.

De bonnes et moins bonnes nouvelles

Marseille a réuni quelque 20’000 représentants de la diplomatie, de l’économie, du monde scientifique et d’ONG en provenance de 180 pays.

Le Forum a été précédé d’une bonne nouvelle: les Nations Unies ont en effet annoncé que l’objectif de réduire de moitié le nombre de personnes privées d’accès à de l’eau potable – l’un des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) – était désormais atteint, et ce cinq avant la date butoir de 2015.

Toutefois, près de 800 millions de personnes restent sans accès à l’eau potable et un autre ODM consistant à améliorer les installations sanitaires de base (toilettes) ne sera pas atteint avant 2026. Il existe également des préoccupations croissantes concernant la raréfaction des ressources et de futures pénuries d’eau. Présenté lundi, le dernier Rapport mondial sur l’eau met en garde: la demande croissante en nourriture, l’urbanisation rapide et le changement climatique vont accroître de manière significative la pression sur les réserves mondiales d’eau.

Une autre étude menée par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) indique que des changements rapides pourraient augmenter la demande en eau de 55% d’ici 2050 et que 40% de la population mondiale pourrait vivre dans des bassins hydrographiques confrontés à un fort stress hydrique.

Un forum alternatif

Le Forum Mondial de l’Eau ne fait pas l’unanimité. Des voix critiques lui reprochent son manque de légitimité et son inféodation aux intérêts des grands milieux d’affaires. Des activistes sont en train d’organiser un forum alternatif.

Mais François Münger défend le forum officiel. «Ce n’est pas un processus des Nations Unies, mais un processus mondial qui rassemble des gouvernements, des agences onusiennes, des ONG, l’industrie privée, des chercheurs et des groupes de pression, déclare-t-il. C’est l’un des rares moments où ils sont tous présents. Cela donne beaucoup de visibilité aux pays émergents comme la Chine, le Brésil et la Russie. C’est un forum intéressant où la société civile peut s’exprimer.»

Présente à Marseille, Agnes Montangero, responsable des programmes liés à l’eau auprès de l’ONG suisse Helvetas, estime que les progrès récents enregistrés en matière d’eau et de toilettes devraient être accélérés. «Il y a eu des améliorations dans les zones urbaines, mais pas dans les zones rurales et les progrès ont été plus lents en Afrique sub-saharienne, dit-elle. Plus de 30% des systèmes d’eau en Afrique ne fonctionnent pas.»

«Nous devons investir dans la formation des personnes sur place pour gérer ces systèmes, poursuit-elle. Il faut investir davantage d’argent et de manière plus ciblée. Seulement 42% des fonds destinés à améliorer les systèmes d’eau et de toilettes vont dans les pays les moins développés et avec les revenus les plus faibles.»

Déclaration «décevante»

François Münger se déclare satisfait des ébauches de solutions discutées lors d’un tour de table ministériel organisé jeudi par la Suisse, l’Espagne et l’Uruguay. Parmi les idées débattues: des budgets spéciaux pour ceux qui n’ont pas accès à l’eau pour cause d’éloignement ou de discrimination.

«L’idée que l’accès à l’eau et aux installations sanitaires est un droit humain a été acceptée, poursuit-il. Maintenant, c’est le moment de mettre cela en pratique.»

Jeudi, le Forum Mondial de l’eau a accouché d’un document de cinq pages, approuvé par les représentants de 130 pays. Il y est demandé d’accélérer la mise en place d’un accès universel à l’eau et aux installations sanitaires.

Le rapporteur spécial de l’ONU Catarina de Albuquerque et des ONG ont toutefois critiqué cette déclaration ministérielle, car elle ne réaffirme pas suffisamment le droit à l’eau et aux installations sanitaires qui avait été formellement reconnu par l’ONU en 2010. Helvetas a jugé cette déclaration «décevante», «pas suffisamment contraignante» et manquant d’objectifs pour résoudre la crise.

Le chef de la DDC Martin Dahinden a pour sa part déclaré qu’il aurait préféré une formulation plus concrète concernant le droit à l’eau, «mais il n’y avait pas de large consensus».

Le manque d’eau potable et le manque d’hygiène sont, à eux seuls, responsables de 80% des maladies qui affectent les pays en développement.

1,8 million d’enfants meurent chaque année de diarrhées dues au manque d’eau et d’hygiène.

800 millions de personnes dans le monde n’ont pas d’accès à l’eau potable et 1,7 milliard n’ont pas d’accès régulier à l’eau propre ni aux infrastructures sanitaires.

2,6 milliards d’êtres humains ne bénéficient pas d’accès à un système sanitaire de base.

Source: DDC

(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)

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