L’Expo prête à assouvir la curiosité de millions de visiteurs
Après les scandales, les polémiques et les retards, l’exposition universelle ouvre finalement ses portes et s’apprête à devenir le lieu de rencontre et de réflexion le plus important de l’histoire humaine sur le thème de l’alimentation. Avec son pavillon, la Suisse veut mettre l’accent sur la responsabilisation des consommateurs.
L’ExpoLien externe 2015 commence. Bien que pas pour tous. Certaines constructions ne pourront être terminées que ces prochaines semaines, et différentes infrastructures ont été abandonnées par manque de temps. Mais dès ce 1er mai, 145 pays, 3 organisations internationales et 13 organisations de la société civile tenteront de répondre à la grande question posée par les organisateurs: comment assurer une alimentation saine et suffisante à une population mondiale qui croît à un rythme plus rapide que les ressources à disposition? Et comment atteindre cet objectif tout en protégeant la santé de la planète dont l’homme se nourrit?
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Coup d’œil à l’intérieur du pavillon suisse
Pour savoir comment ne pas faire, il suffit de jeter un œil aux aires post-industrielles de la périphérie de MilanLien externe qui entourent le site de l’exposition: les champs et les rizières y ont laissé d’abord la place aux raffineries et aux fabriques, puis à des zones industrielles tombées en désuétude, des terrains contaminés, des hangars, des entrepôts, des bureaux et des hôtels. Erigé dans ce paysage tourmenté, entre deux autoroutes et une prison, le site de l’exposition apparaît comme une oasis de verdure et de créativité, dans lequel les participants pourront échanger des idées, des innovations et des compétences dans le but de chercher des modèles de développement en mesure de garantir, à l’avenir, un meilleur équilibre entre production agroalimentaire, besoins nutritionnels et exploitation des ressources.
Milan 2015
Du 1er mai au 15 octobre, l’Exposition universelle attend plus de 20 millions de visiteurs, dont 2 millions de Suisse. Quelques 10 millions de billets ont déjà été vendus.
Le thème, «Nourrir la planète – Energie pour la vie», aborde les problèmes de l’alimentation pour l’humanité: aujourd’hui, plus de 800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde et davantage encore souffrent des conséquences d’une alimentation excessive ou malsaine.
Les pays participants présentent leurs compétences dans les secteurs de l’agriculture, de la production agroalimentaire et de la recherche, et proposent des modèles de développement durable pour assurer à l’humanité une alimentation saine et suffisante.
La structure linéaire de l’exposition elle-même contraste avec le paysage désordonné qui l’entoure. Les organisateurs se sont inspirés du Castrum, le camp romain en forme de croix. Sur le Decumano, un boulevard couvert d’un kilomètre et demi, s’alignent les pavillons d’une soixantaine de pays qui ont réalisé seuls leur propre espace d’exposition. Cette artère principale croise le Gardo, une allée de 350 mètres sur laquelle se trouvent les pavillons des régions italiennes. Les autres pays sont réunis dans neuf pavillons collectifs dédiés à des thèmes communs et aux filières alimentaires, comme le riz, le cacao et le chocolat, le café, les épices, les fruits et les légumes.
«Slow education»
Dans tous ces espaces, les participants rivaliseront les uns avec les autres pour assouvir la faim des plus de 20 millions de visiteurs attendus à l’Expo, en leur offrant la variété gastronomique la plus riche du monde. Et surtout pour décliner à toutes les sauces le thème de l’exposition «Nourrir la planète – Energie pour la vie», en suivant un des cinq fils rouges proposés par les organisateurs: le rapport entre l’homme et la nourriture dans l’histoire, les plaisirs du palais comme instrument de connaissance, le paradoxe entre l’abondance et la carence de nourriture sur terre, le futur de l’alimentation et la responsabilisation des producteurs et des consommateurs.
Le pavillonLien externe suisse «Confooderatio Helvetica» s’articule autour du dernier thème. Il vise à sensibiliser le public à l’importance d’une consommation responsable en lui faisant traverser quatre tours garnies d’eau, de sel, de café et de rondelles de pommes ; les visiteurs pourront se servir à volonté, mais on les rendra attentifs au fait que les tours ne seront plus remplies une fois que les produits offerts seront épuisés. De la consommation de chaque visiteur dépendra donc la quantité de nourriture laissée à ceux qui suivront ensuite.
«Nous voulons proposer une sorte de ‘slow education’, c’est-à-dire faire réfléchir les visiteurs sur leur rapport à la consommation et au gaspillage, en sachant qu’aujourd’hui, un tiers des produits alimentaires finissent à la poubelle. Ces tours servent à transmettre un message de responsabilité individuelle et de solidarité, indispensable pour assurer un développement durable, non seulement en Suisse, mais aussi dans les pays confrontés à des problèmes plus graves dans le domaine de l’alimentation», explique Nicolas Bideau, directeur de Présence Suisse, l’organisme du Département fédéral des affaires étrangères responsable de la participation de la Suisse à la manifestation de portée internationale.
Entre innovation et tradition
PrésenceLien externe Suisse a dû abandonner l’idée initiale d’offrir dans les tours du chocolat, des fromages et autres friandises de la gastronomie helvétique, qui n’auraient pas supporté l’été torride de Milan. Mais pour Nicolas Bideau, «les produits choisis symbolisent tout aussi bien les valeurs de la Suisse, en mélangeant habilement innovation et tradition».
Le pavillon suisse
La participation de la Confédération est confiée à Présence Suisse, l’organe du Département fédéral des affaires étrangères chargé de promouvoir l’image de la Suisse à l’étranger.
Gouvernement et Parlement ont accordé un crédit de 23,1 millions de francs pour le pavillon «Confooderation Helvetica», dont 8 millions financés par des sponsors publics et privés (cantons, villes et entreprises).
Le cœur du pavillon est constitué de quatre tours en verre et en bois, contenant des produits alimentaires suisse réutilisables à la fin de l’exposition.
A côté se trouve un bâtiment abritant un restaurant, un auditoire, des stands d’information et des espaces d’exposition.
Les pommes évoquent la biodiversité et le rôle de l’agriculture dans la protection du paysage. Le sel illustre les initiatives visant à en réduire la consommation et à promouvoir la santé de la population. L’eau potable, disponible partout en Suisse, met en évidence la culture d’un pays qui veut sauvegarder son patrimoine naturel.
Suite aux critiques formulées par des politiciens et des organisations non gouvernementales, les responsables du pavillon suisse ont réduit l’espace réservé à Nestlé. Dans la tour de l’eau, au lieu de bouteilles de la multinationale suisse, sera offerte de l’eau potable provenant des nappes phréatiques locales. La tour du café a néanmoins été confiée à Nestlé.
«Nous voulons montrer la diversité de la Suisse dans le domaine de l’alimentation. Et cette diversité n’est pas seulement représentée par l’agriculture biologique, mais aussi par l’industrie agroalimentaire», souligne Nicolas Bideau. «Privée de matières premières, la Suisse est condamnée à innover, et le café est un bon exemple de cette capacité d’innovation. Aujourd’hui, les exportations suisses de café dépassent même celles du chocolat ou des fromages.»
Espace ouvert
Du point de vue architectural, le pavillon suisse ne brille pas par son originalité. Vues de l’extérieur, les tours pourraient faire penser à des bureaux administratifs de l’Expo. Et à l’intérieur, les parois garnies de boîtes de produits alimentaires parfaitement alignées ne laissent pas beaucoup d’espace à l’imagination. Un pavillon somme toute très rationnel.
«C’est la Suisse. Nous sommes rationnels, et nous ne pouvons pas changer aussi facilement notre manière d’être. Mais nous sommes en train de préparer différentes propositions visant à conférer une touche d’irrationalité et un peu de chaleur à notre projet», remarque Nicolas Bideau. «La beauté du pavillon réside toutefois dans le fait que c’est un espace éducatif et créatif, particulièrement ouvert au public et à toute sorte d’initiatives». Plus de 300 événements sont déjà prévus à ce jour pour les six prochains mois, entre journées spéciales, expositions de partenaires et d’organisations non gouvernementales, conférences, concerts et présentations de spécialités de la gastronomie suisse.
Sous ses tours, le pavillon accueille en outre, pour toute la durée de l’Expo, une exposition interactive de la Direction du développement et de la coopération (DDC) consacrée au programme Plantwise qui vise à aider les petits agriculteurs dans le monde et à réduire les pertes des récoltes, de même que les expositions thématiques des villes (Zurich, Bâle et Genève) et des cantons participants (Tessin, Grisons, Valais et Uri).
(Traduction de l’italien: Barbara Knopf)
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