La lutte contre la violence juvénile s’invite à la maison
Dans le cadre de la lutte contre la violence juvénile, des représentants de la justice des mineurs et de la police de la Ville de Zurich effectuent des visites au domicile d’auteurs d’actes de violence. Objectif: confronter parents et frères et sœurs au délit commis.
«Mais mon enfant n’a rien fait de mal»: parfois, les parents ne veulent pas voir la réalité en face. Même si leur fils a gravement blessé quelqu’un à la tête à coups de pied, le délit est décrit à la maison comme une simple bagarre.
Avec leurs visites à domicile, les autorités veulent précisément mettre fin à cette fausse solidarité familiale, sorte de spirale d’informations lacunaires, de minimisation, de silence ou de tolérance indirecte dans la famille, et tuer dans l’œuf une éventuelle carrière criminelle. Sur laquelle peuvent parfois déboucher une série de délits de jeunesse.
Selon Hansueli Gürber, responsable de la justice des mineurs de la municipalité zurichoise, 20 à 25 visites domiciliaires ont été effectuées depuis le début du projet, en janvier 2010, généralement par un ou une assistante social, en compagnie d’un ou une policière.
C’est moins que ce qui avait été prévu avant la mise en place de ce projet pilote et Hansueli Gürber l’explique par une «diminution réjouissante» des cas de violence juvénile.
Un environnement familier
«Avec ces visites, nous cherchons à donner un signal et à nous assurer que les parents sont au fait de la situation», ajoute M. Gürber. Plutôt que dans l’anonymat d’un bureau, le jeune délinquant est confronté à ses actes dans sa maison, devant ses parents et ses frères et sœurs.
La plupart du temps, le signal est compris et la majorité des jeunes auteurs de violence s’en tiennent là après la visite des autorités.
Information complète
Le principe de la «visite domiciliaire» a déjà été appliqué aux Pays-Bas. Il répond à trois objectifs, poursuit Hansueli Gürber. Il s’agit d’impliquer directement la famille dans la solution du problème, d’empêcher que des parents mal informés s’opposent aux autorités pénales pour protéger leur enfant, et de renforcer la collaboration entre la police et la justice.
L’information et l’explication de la portée et des conséquences d’un délit constituent une «contribution constructive» des services publics en matière de prévention de la violence juvénile. Après avoir manifesté un certain scepticisme au départ, la plupart des parents apprécient cette contribution. Jusqu’ici, seule une famille a refusé une visite domiciliaire, précise le responsable de la justice des mineurs.
Une seule visite suffit généralement. La discussion à la table familiale ou sur le canapé du salon a le plus souvent l’effet préventif souhaité, aussi parce qu’elle constitue un des morceaux du puzzle formé par l’ensemble du jugement d’une affaire. Selon les cas, des travailleurs sociaux ont déjà contacté les parents auparavant, ou alors le jeune a déjà purgé une peine de détention.
Chercher la coopération des parents
Mais les visites domiciliaires sont très délicates et exigent un doigté particulier de la part des travailleurs sociaux. «C’est un équilibre à trouver entre la confrontation et l’aide. Il s’agit d’une part d’informer la famille qu’un de ses membres a commis un délit mais, de l’autre, de l’amener à coopérer de manière constructive dans la procédure», explique Cornelia Bessler, médecin au Centre de psychiatrie de la jeunesse de l’Université de Zurich.
Le jeune délinquant se trouve dans une situation de forte pression, ajoute Mme Bessler. Si les représentants officiels manquent du tact indispensable, les sentiments de culpabilité, de honte et de repentir peuvent provoquer chez lui des réactions de défense qui augmentent d’autant le risque d’explosion.
Un objectif ambitieux
Hansueli Gürber regrette que le policier municipal au départ affecté jusqu’en 2012 à la justice des mineurs ait été rappelé au bout de neuf mois, par manque de ressources des forces de l’ordre. Certes, le fonctionnaire en question participe toujours aux visites domiciliaires. Mais sa présence au tribunal se limite à une participation au rapport hebdomadaire.
Malgré cela, M. Gürber espère que, à l’issue des deux ans de la période d’essai du projet pilote, la Ville institutionnalisera l’intégration d’un policier à la justice des mineurs. Comme c’est déjà le cas au Ministère public, chacun des cinq juges des mineurs devrait disposer des services d’un policier.
Il semble que d’autres villes suisses attendent les résultats du projet pilote zurichois car, selon Hansueli Gürber, personne ne s’est encore manifesté pour lui demander des renseignements.
Au début avril, la Confédération, les cantons, les villes et les communes ont lancé le programme commun de prévention Les jeunes et la violence, sur cinq ans.
La Confédération y consacre près de 6 millions de francs et la direction est assurée par l’Office fédéral des assurances sociale.
Objectif: créer un réseau autour des responsables cantonaux et communaux de la prévention de la violence.
Autres participants: la Conférence des gouvernements cantonaux, l’Union des villes suisses et l’Association des communes suisses. Les représentants des autorités sont épaulés par des groupes d’experts.
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)
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