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La petite bergère suisse fait un carton commercial

La boutique de souvenirs du village de Heidi ne désemplit pas. Keystone

Si vous voulez partir à la recherche de Heidi, il faut vous rendre dans son pays, le «Heidiland», non pas un parc d'attractions mais un lieu bien réel de Suisse orientale, avec ses villages perdus, ses montagnes couronnées de neige et ses troupeaux de chèvres.

Pour écrire ce classique de la littérature enfantine, Johanna Spyri s’est inspirée de Maienfeld, dans le canton des Grisons, région qui doit partager ses droits avec Saint-Moritz, bien que la prestigieuse station touristique n’ait rien à voir avec le célèbre personnage.

L’appellation de «village de Heidi» est un peu exagérée puisqu’il s’agit de trois bâtiments d’habitation et de quelques constructions plus modestes pour les animaux. Et pourtant, il attire quelque 60’000 visiteurs chaque année, preuve que Heidi (ou Heidiland) est un atout commercial.

Il y a d’abord la maison de Heidi, un bâtiment de deux étages meublé d’antiquités que Heidi et son grand-père pourraient avoir utilisés. «C’est probablement beaucoup plus joli que les descriptions de Johanna Spyri», relève Regula Rechsteiner, la guide du musée. Mais quand la maison s’est libérée, la communauté locale a voulu en faire une attraction touristique.

Un autre bâtiment abrite un musée consacré à Johanna Spyri, dont le premier roman a été publié en 1880, et la suite l’année suivante. Elle a trouvé l’idée en rendant visite à un ami dans cette région. Selon Regula Rechsteiner, l’auteure s’est inspirée d’une petite fille des environs pour créer son héroïne.

Heidiland

Ce qui est surprenant, c’est que le lieu de naissance de la marque Heidiland n’est pas Maienfeld. Le concept a été créé à partir d’une idée de Hans Peter Danuser, qui, alors qu’il était responsable touristique de Saint-Moritz, cherchait à attirer les vacanciers en été, alors que la station est située dans la vallée de l’Engadine, à plus de 100 kilomètres de Maienfeld.

«J’avais besoin d’une icône connue des Asiatiques», indique Hans Peter Danuser à swissinfo.ch. Il s’est aussi inspiré de la série télévisée tournée sur Heidi à Saint-Moritz en 1979. Cette stratégie a été couronnée de succès auprès des touristes asiatiques, mais a déplu aux Suisses, estimant que l’humble fillette n’a rien en commun avec le clinquant de la station grisonne.

«Ce qui est intéressant avec Heidiland, c’est que la connexion avec l’auteure Johanna Spyri est en opposition au produit alors que, par exemple, la ‘Watch Valley’ du Jura présente un lien identitaire fort entre l’industrie horlogère et toute une région», explique à swissinfo.ch Monika Bandi, de l’Institut de recherche de l’Université de Berne sur les loisirs et le tourisme.

«Dans le Heidiland, cette connexion fait défaut, en quelque sorte, et c’est ce qui a provoqué la controverse au départ. Les gens de la région n’arrivaient pas à s’identifier avec la marque», ajoute-t-elle.

Hans Peter Danuser, qui a été le premier à faire enregistrer un nom géographique comme marque déposée, confirme que son concept avait mis le feu aux poudres. «Toute la région de Maienfeld était fâchée contre moi, mais, trente ans après, il semble bien que nous avons enfin créé un groupe d’intérêt commun pour gérer la marque Heidiland, qui a un énorme potentiel.»

En effet, des représentants de Heidiland et du «village de Heidi», ainsi que les remontées mécaniques de Grüsch-Danusa, se sont rencontrés de manière informelle pour un échange d’idées. Il existe même un projet de parc d’attractions sur le thème de Heidi combinant manèges et nature.

Se serrer les coudes

Le bureau responsable de la commercialisation de Heidiland est situé à Bad-Ragaz, dans le canton de Saint-Gall. Lequel paye à St-Moritz le droit d’utiliser la marque. Sa licence actuelle court jusqu’à 2029 et sera certainement prolongée, selon Björn Caviezel, PDG de Tourisme Heidiland.

«C’est difficile de mesurer le succès de la marque, mais depuis son lancement en 2009, l’image de la destination a été renforcée grâce à une meilleure coordination régionale», relève Björn Caviezel. Dispersés sur 650 kilomètres carrés, les 39 villes et villages de Heidiland offrent toute une série d’atouts: châteaux, cascades, bains thermaux et vignobles.

Björn Caviezel précise que 2010 a été une année particulièrement bonne, mais que 2011 a été «mauvaise pour tout le monde» en Suisse. A Heidiland, les nuitées ont ainsi baissé de 7%. «Mais une crise peut être bénéfique parce qu’elle nous apprend à nous serrer les coudes».

Monika Bandi reconnaît que le concept régional semble fonctionner: «au début, les gens de la région avaient peut-être du mal à s’identifier avec le label. Mais je dirais que c’est devenu une ‘success story’ et que la région en a tiré profit.»

Cliché?

Björn Caviezel admet que le concept peut sembler un peu ridicule à première vue. «Cela ne veut pas dire que nous sommes la région de Heidi, mais nous représentons plutôt ses valeurs, qui sont toujours très actuelles», dit-il, citant des concepts comme l’honnêteté, la pureté, la santé, l’amour de la nature et une mentalité terrienne.

Et, même si le responsable touristique sait bien qu’un golfeur étranger ne s’attend pas à croiser Heidi, il souligne que Heidiland aimerait bien exploiter encore plus son personnage. «Nous essayons de faire davantage pour aider ceux qui la cherchent à trouver Heidi mais, pour cela, nous aurons besoin de partenaires avec des projets.»

De retour dans la maison de Heidi, la petite Suissesse est représentée par un mannequin grandeur nature et est assise à la table de la cuisine avec Peter, à qui elle apprend à lire. Pour le plus grand plaisir d’un couple saoudien en visite ce jour-là. «Quand j’étais enfant, j’ai vu un dessin animé sur elle, et j’ai donc voulu visiter cette maison. C’est encore plus charmant que je m’y attendais. Ma pièce favorite était justement celle avec Heidi et Peter à la table», déclare le mari.

La maison de Heidi a été ouverte en 1998, suivie par le Musée Spyri deux ans plus tard. Il y a aussi l’alpage de Heidi et un restaurant à une heure et demie à pieds du village, censés représenter le lieu où Heidi et son grand-père passaient leurs étés en gardant des chèvres.

Dans le village de Heidi, une boutique de souvenirs propose toute une gamme d’articles étiquetés Heidi, dont une ligne de produits laitiers du grand distributeur Migros. Des cosmétiques, dont du savon et du parfum, sont également en vente.

(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

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