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La population suisse ne cesse d’augmenter

La Suisse pourrait compter 9 millions d'habitants en 2030. Keystone

La population suisse va bientôt passer la barre des huit millions et devrait continuer de croître fortement. Mais cette petite nation densément peuplée a du mal à suivre le rythme de ce boom démographique. Le point de vue de Daniel Müller-Jentsch, du think tank Avenir Suisse.

Au cours de la dernière décennie, la population suisse a connu une croissance rapide de 7,2 à 8 millions d’individus, dont un grand nombre de travailleurs qualifiés en provenance d’Europe qui se sont installés principalement sur les rives du lac Léman et la région de Zurich.

La hausse de l’immigration a suivi l’ouverture progressive du marché du travail aux citoyens de l’Union européenne en 2002 dans le cadre du paquet d’accords bilatéraux entre Berne et Bruxelles.

Daniel Müller-Jentsch, économiste et expert des migrations chez Avenir Suisse, un think tank financé par les milieux économique, détaille pour swissinfo.ch les conséquences de cette croissance démographique et les défis qu’elle pose.

swissinfo.ch: Quels sont les principaux défis à relever en Suisse en raison de la croissance démographique?

Daniel Müller-Jentsch: Le principal facteur favorisant l’immigration est la demande du marché du travail pour du personnel qualifié. La main-d’œuvre en Suisse a augmenté de10 % au cours de la dernière décennie. L’immigration en provenance de l’UE a été la principale source de l’essor économique du pays dans les années 2000. Mais les effets secondaires négatifs sont maintenant sur le devant de la scène.

La circulation sur les réseaux routiers et ferroviaires est de plus en plus encombrée et atteint  ses limites de capacité. Sur le Plateau central, où vivent les deux tiers de la population, l’étalement urbain est devenu une préoccupation largement répandue.

Les prix de l’immobilier ont fortement augmenté au cours des cinq à dix dernières années, en particulier dans le bassin lémanique, la région de Zurich et les cantons à faible fiscalité comme Schwyz et de Zoug. Dans certaines destinations prestigieuses de vacances, ils ont littéralement crevé le plafond.

swissinfo.ch: Mais la Suisse est en train d’investir massivement dans son système de transport, en particulier le chemin de fer.

Les investissements ferroviaires par habitant sont environ dix fois supérieurs à ceux de l’Allemagne. La Suisse élargit en permanence et améliore son système de transport. Mais cela ne suffit pas pour répondre à la demande.

Pour les trains et les transports publics, les utilisateurs ne paient que 40 % des coûts totaux et les niveaux élevés de subventions gonflent artificiellement la demande. Pourtant, le soutien politique aux nécessaires réformes, telles que la hausse des prix, reste très faible. En conséquence, le système atteint ses limites.

swissinfo.ch: Vous dites qu’il y a un problème de logement. Mais en traversant la Suisse, on voit des grues partout.

La Suisse a en effet connu un boom de la construction ces dernières années. Mais ça ne suffit pas pour suivre le rythme rapide de croissance de la population.

Un défi majeur est d’augmenter la densité des grands centres urbains. Beaucoup d’efforts sont consentis pour le réaménagement des friches industrielles, le renouvellement du parc de logements et les amendements législatifs autorisant une densification plus élevée des habitations. Mais tout cela prend du temps à produire ses effets.

swissinfo.ch: L’étalement urbain est un problème ancien. Mais il a empiré au cours de la dernière décennie. Que faire?

La plus grande réforme de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire depuis les années 1980 est en cours avec un large consensus sur sa nécessité. La loi vient de passer le cap du Parlement, mais elle peut encore faire l’objet d’un référendum. Certains cantons comme le Valais s’opposent à certaines des règles les plus strictes liées à la réforme.

swissinfo.ch: Face à cette situation, peut-on s’attendre à un resserrement de la politique d’immigration?

La majorité de la population est consciente des avantages économiques de l’immigration récente, mais il y a un malaise croissant face aux effets secondaires négatifs toujours plus prononcés, que ce soit les embouteillages, la pénurie de logements, le coût croissant de la vie et l’étalement urbain.

Compte tenu des mécanismes de la démocratie directe, ce malaise pourrait tôt ou tard se traduire par un vote en faveur de politiques plus restrictives sur l’immigration. Ce qui engendre un risque.

Deux tiers des immigrants proviennent actuellement de l’UE et la Suisse n’a pas un contrôle unilatéral sur ces entrées. Si la Suisse révoque l’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes, l’ensemble du système des accords bilatéraux avec l’UE serait mis en péril. Le prix économique – en termes d’accès plus restreint au marché unique – pourrait être élevé.

swissinfo.ch: On peut donc s’attendre à une réaction de la part des Suisses?

Tout pays avec de tels niveaux d’immigration, à la fois en termes de vitesse et de taille, connait des réactions de rejet. C’est tout naturel. L’arrivée de 70’000 personnes par année en Suisse correspond – proportionnellement à la population – à 600’000 en France ou 800’000 en Allemagne.

Je suis donc plutôt étonné de la tolérance à l’immigration en Suisse. La plupart des nouveaux immigrants viennent ici pour travailler, sont bien qualifiés et parlent l’une des trois langues nationales. Cela facilite leur intégration. Mais il y a des limites.

swissinfo.ch: L’Office fédéral de la statistique prévoit entre 9 et de 11,3 millions de résidents permanents en 2060, selon leurs prévisions moyennes et hautes. Quel est votre sentiment?

Je m’attends à 9’000’000 dès 2030. Mais faire des projections plus loin dans l’avenir me semble imprudent.

Mon sentiment est que le taux de croissance actuel se poursuivra pendant un certain temps. La Suisse a connu le plein emploi pendant une longue période; la demande pour les travailleurs est encore relativement forte et l’économie suisse a été étonnamment résistante aux dernières crises financières et économiques.

Cependant, la composition de l’immigration en termes de nationalité peut changer. Dans le passé, il y avait surtout des Allemands, des Français et des Italiens en raison de la proximité géographique et linguistique.

Mais en Allemagne, l’économie se porte très bien en ce moment. Le chômage a diminué de façon spectaculaire au cours des cinq dernières années – baisse de cinq millions à moins de deux millions. Les régions allemandes voisines comme la Bavière et le Bade-Wurtemberg connaissent pratiquement le plein emploi aujourd’hui. Ainsi, l’un des principaux bassins de travailleurs immigrés est en train de lentement se tarir.

L’effet n’est pas encore visible dans les statistiques, mais on peut voir une baisse des ressortissants d’Allemagne et une hausse de ceux qui viennent de pays de l’UE ayant des niveaux élevés de chômage.

Philippe Wanner, Université de Genève

La Suisse est un pays riche. Il ne devrait pas être pessimiste quant à sa croissance démographique future.

Il est clair qu’il y a des frustrations chez la population causée par la croissance de l’immigration.

L’aspect nationaliste est très présent et constitue un risque pour la cohésion sociale.

Martin Schuler, Ecole polytechnique fédéral de Lausanne (EPFL)

Le principal défi est celui des infrastructures. Avec ou sans croissance de la population, nous avons atteint un point où nous devons investir massivement.

La croissance des banlieues est principalement causée par les résidents suisses en réaction à la croissance des villes.

La Suisse profite du fait que la plupart des immigrants d’aujourd’hui sont jeunes et hautement qualifiés, une formation que la Suisse n’a pas payée.

Aujourd’hui, il y a moins de réactions de politique pour contrer les déséquilibres régionaux, qu’il y a 30-40 ans.

Le gros problème du vieillissement viendra en 2030 quand il y aura plus de retraités que de personnes actives. Toujours plus de personnes âgées auront besoin de soins spéciaux.

En mars 2012, la Suisse comptait 7’971’300 habitants, soit une progression de 1,5% sur 15 mois.

En 2008, l’accroissement a culminé à 103’363 – le chiffre le plus élevé depuis 1961 – avant de retomber légèrement.

Environ 23% de la population (1’828’400 personnes) est étrangère.

A fin 2011, la majorité des nouveaux arrivants étaient les Allemands (+12,6%), suivis des Portugais (+11,1%), des Kosovars (+8,9%), des Français (+4,4%) et les Erythréens (+2,6%).

Les deux tiers des nouveaux immigrants depuis 2002 sont âgés de 20 à 39 ans et 53% ont un diplôme universitaire.

Le taux de natalité en Suisse: 1,48 enfant par femme.

La densité de population sur la région du Plateau central: 400 habitants au km² – comparable à celle des Pays-Bas.

75% de la population suisse vit dans des zones urbaines.

L’espérance de vie en 2008: 84,4 ans pour les femmes et 79,7 pour les hommes.

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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