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La race d’Hérens et le retour des vaches suisses

Cent quarante vaches de cette ancienne race foncée d’origine valaisanne seront aux prises ce week-end. Keystone

Ce week-end a lieu en Valais la finale nationale des combats de reines de la race d’Hérens. Un événement médiatique et populaire qui fleure bon le folklore. Mais l’élevage relativement confidentiel de la vache d’Hérens cache un vrai retour des races suisses.

La vache. Ethnologue valaisan, Bernard Crettaz s’est beaucoup interrogé sur le ruminant, à la base de récits fondateurs comme de campagnes de marketing à la sauce suisse.

Pour lui, alors que l’agriculture suisse vit des heures difficiles à l’ère de la mondialisation, la vache fait toujours fantasmer les Confédérés. On a même pu écrire qu’en Suisse, la vache était sacrée. A six milles kilomètres de Dehli, une au moins devient reine chaque année.

Ce week-end, devant douze mille spectateurs, les télévisions suisses mais aussi quatre journalistes de l’agence Chine Nouvelle, sera désignée la reine 2011 de la race d’Hérens. Cette intronisation résultera de combats mettant aux prises 140 bêtes de cette ancienne race foncée d’origine valaisanne, typiquement montagnarde, petite et trapue, axée sur la production de viande et de lait et sur la corne, donc le combat.

En France et Italie

L’hyper médiatique race d’Hérens, centrale dans l’image que se donne le Valais, est présente autour du Mont-Blanc depuis des siècles. Comme les autres races suisses, elle découlerait de mélanges entre le bœuf des tourbières du néolithique et l’auroch, puis de croisements successifs de variétés locales.

Confidentielle en proportion du cheptel bovin suisse – 15’000 têtes, moins de 1% du troupeau suisse -, la population de la race d’Hérens croit légèrement d’année en année malgré la baisse du nombre d’éleveurs, explique le président de la Fédération suisse d’élevage de la race d’Hérens.

«L’Hérens est élevée dans plusieurs cantons et, à l’étranger, le Val d’Aoste possède un cheptel similaire au nôtre, indique Martial Aymon. En France, d’inexistant il y a trois ans, le cheptel compte aujourd’hui 500 bêtes. Depuis, le gouvernement français l’a reconnue comme vache autochtone, ce qui permet par exemple le coulage de son lait en laiterie publique.»

La race d’Hérens est aussi élevée en Bosnie, par exemple. Mais elle ne connaît pas (encore) le succès séculaire d’autres races suisses qui ont essaimé partout sur la planète à la faveur de l’émigration mais surtout du bouche à oreille et de la diffusion des connaissances agronomiques. Sans parler de l’appui étatique à l’exportation, qui pourrait reprendre prochainement après une courte interruption.

Partout sur la planète

On trouve ainsi beaucoup de laitières d’origine suisse en Europe et jusqu’au fin fond de la Russie, mais aussi en Amérique du Nord et du Sud. En Asie aussi, dans la région du Bumthang, au Bhoutan, par exemple.

Depuis 2004 et la reprise du commerce étranger après la crise de la vache folle, les exportations sont en forte hausse, indique un responsable de Swissgenetics, l’entité en charge de l’insémination artificielle, qui ne souhaite pas donner de chiffres.

«Rentables, robustes, adaptées à l’estivage et de bonne réputation, les races suisses ont fait leur preuve depuis longtemps et des doses (de semences) sont exportées en Amérique du Sud et en Europe depuis des dizaines d’années», observe Elvina Huguenin, des services zootechniques de Swiss Herdbook, principale fédération d’élevage.

Coordinatrice nationale des ressources génétiques à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), Catherine Marguerat ajoute que «la Suisse a une très longue tradition de l’élevage et le niveau génétique des races est élevé. Il faut aussi voir que ces vaches ont déjà formé des cheptels dans le monde et les éleveurs, pour éviter la consanguinité, se fournissent en semence en Suisse».

Quatre races suisses

Selon la loi, pour être qualifié de «race suisse», il faut avoir ses origines dans le pays ou disposer d’un livre généalogique depuis au moins 1949. Officiellement, la Suisse compte quatre races: la Simmental pure, la Brune originale, l’Hérens et la très rare Evolène. Le statut de la Race grise n’est pas encore tranché, puisque cette dernière avait disparu avant d’être réimportée à partir du Tyrol.

Quant à la «Brown Swiss», courante en Amérique du Nord, elle est issue de la brune originale, dite «à deux fins», soit la production de lait et de viande. «Améliorée» aux Etats-Unis pour augmenter son rendement laitier, cette «Brown Swiss» connait un beau succès en Suisse dans les exploitations axées sur le lait.

Au moment où l’agriculture suisse fonçait tête baissée dans cette production, les éleveurs suisses ont importé beaucoup de vaches Holstein noire (Etats-Unis, Hollande) pour la production laitière. Mais l’heure est aussi à l’extensification de l’agriculture, en Suisse comme en Europe. Et l’élevage se diversifie – viande bio, vaches mères, petits troupeaux pour revenu accessoire, élevage-passion…

Des besoins nouveaux

Cette évolution est une chance pour les vaches à deux fins suisses que sont la Simmental pure et la Brune originale, constate Catherine Marguerat. Des races dont les cheptels augmentent actuellement parmi la trentaine de races bovines élevées en Suisse.

«De plus en plus d’éleveurs veulent des vaches moins exigeantes sur le plan de l’alimentation, pour l’alpage notamment, et qui conservent de bons niveaux de production», indique la représentante de l’OFAG.

Du reste, le progrès génétique va un peu dans le même sens. Il ne vise plus uniquement la productivité laitière et de viande. Longévité, robustesse, bonne transformation de l’alimentation, les spécialistes visent aussi des critères de «fitness» de la vache tout à fait dans l’ère du temps.

Cheptel. Etables et prés suisses abritent environ 1,6 millions de têtes de bovins, dont un peu plus de 700’000 vaches. La moyenne par exploitation avoisine les quinze vaches.

Gros sous. En Suisse, l’élevage bovin, c’est environ la moitié du revenu de l’agriculture, secteur qui fait directement vivre moins de 3% de la population et entre pour à peine 1% dans le PIB.

Deux fins. La production de viande de bœuf suisse atteint un ordre de grandeur de 110’000 tonnes. Chaque année aussi, les vaches suisses produisent environ 4 millions de tonnes de lait, qui représente le quart de la production agricole totale.

De tempérament vif et belliqueux, les vaches de la race d’Hérens – 500 à 800 kg de vigueur – ne sont pas dressées au combat. Spontanément, elles affrontent leurs semblables à la première rencontre ou si un certain délai est passé après le dernier contact.

Ce penchant pour le combat fonde une tradition qui réunit les éleveurs du Valais, leur canton d’origine qui abrite un cheptel de 8200 vaches (15’000 vaches, veaux, taureaux), mais d’autres régions du pays aussi. Le principe des combats est simple: la vache invaincue devient reine.

Au pâturage, la hiérarchie évolue sans cesse. Dans l’arène, les vaches choisissent leurs adversaires successives et cessent de combattre lorsque la vaincue se détourne. Une hiérarchie se construit qu’il y ait lutte ou non. Au final, reste la reine.

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