Face à l’isolement, les Suisses de l’étranger renouent avec une «solidarité naturelle»
Les rues désertes, les monuments vides, les musées, les bars, les restaurants portes closes en sont le témoin criant: le coronavirus prive des millions de terriens de vie sociale et les plonge ainsi dans la solitude. Les Suisses de l’étranger, où qu’ils soient dans le monde, n’y échappent pas.
Dans le but d’endiguer la propagation du coronavirus et de protéger les plus vulnérables, de très nombreux pays ont mis en place des mesures de confinement plus ou moins strictes. Tous les lieux de rencontres et d’échange social humains ont fermé, poussant les populations à rester chez elles.
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Pour les Suisses de l’étranger, la peine est parfois double: d’une part, ils sont loin de leurs familles et de leur pays; d’autre part, les restrictions de sortie et la fermeture de nombreuses frontières les enferment dans leur pays d’adoption. C’est le cas de Gilda Hermann-Billo en Italie: «Je devais rendre visite à ma famille en Suisse pour trois semaines, mais j’ai dû annuler mon billet. On verra si c’est possible en avril. En attendant, je reste chez moi et j’espère pouvoir bientôt voyager à nouveau.»
La crise du coronavirus touche peut-être plus durement encore les Suisses qui se sont installés assez récemment à l’étranger. Pierre Calame ne vit dans le centre de la France que depuis un an et n’a pas encore vraiment eu le temps de tisser des liens sociaux sur place. Il relativise toutefois: «En temps normal, nous aurions pu souffrir d’un certain isolement mais, en cette période très particulière, c’est finalement une chance. Et nos voisins sont très agréables.»
Marche et jardinage
Résigné, Jean-René Piatti l’est aussi: «Je suis coincé dans mon appartement à Strasbourg. Mais bon, on fait avec, on n’a pas la choix.» Vivant dans un petit village à 30 minutes d’Alicante, Malou Follonier se sent «bien seule». «Mais il faut s’y faire, c’est pour tout le monde la même chose.» Elle avoue en avoir assez de l’Espagne et vouloir rentrer lorsque cela sera possible.
A contrario, pour beaucoup de Suisses de l’étranger, cette solitude forcée est source d’introspection, de retour à la nature et de temps pour soi. A l’instar de Verena Stirnemann-Funnell en Nouvelle-Zélande, qui «fait le jardin, du jogging et du power walk.» Elle s’est même créé une salle de gymnastique dans le jardin. Elle a aussi commencé le chant et «heureusement, personne ne m’entend.»
En Espagne, Gaby Ruth Strehler Gabertüehl prend du temps pour ses deux chiens qu’elle promène cinq kilomètres tous les matins. Elle passe ensuite ses journées entre bricolage, lecture et jardin. Quant à Ruth Soguel Dit Piquard, elle souligne que «le confinement en Nouvelle-Calédonie n’est pas un souci grâce au jardin et aux travaux à effectuer dans et autour de la maison.» Elle va aussi marcher une heure chaque jour.
«J’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre» Blaise Pascal, Pensées (1670)
Les réseaux sociaux, bouées de sauvetage contre l’isolement
Nous le constatons tous: depuis le début des restrictions de sortie, nous accordons plus de temps et d’importance à l’entretien de nos liens sociaux. Eloignés géographiquement de leurs proches, les Suisses de l’étranger ressentent peut-être encore plus fortement ce besoin de contact. Sur le forum de notre application SWI plus, l’un de nos utilisateurs en Espagne considère que le confinement ne l’a pas isolé, au contraire. Il écrit que «les liens locaux ont perduré et [que] de nombreux liens avec la Suisse se sont renforcés.» Il en va de même en Bresse bourguignonne (France), d’où Jacqueline nous écrit que ce qui la dérange dans le confinement, c’est de ne pas pouvoir rendre visite à ses amis. «Alors je leur téléphone, surtout à ceux qui vivent seuls.»
Chronophages en temps ordinaire, les Facebook, Skype et autres WhatsApp nous permettent actuellement de rester en contact afin de ne pas subir la solitude. Seule en Israël, Esthi Berrebi est heureuse de pouvoir compter sur «WhatsApp et Face Time, et sur la mer, à 100 mètres de chez moi.»
Trudy Zürcher-Wenger ne se sent pas non plus isolée au nord-ouest de la Hongrie. «Nous sommes en contact avec la famille en Suisse via Skype, WhatsApp et Messenger.» A Sarajevo, Wilma Varesanovic-Gertsch nous dit que son téléphone sonne en permanence. Ursi Messerli vit quant à elle en Grèce. Elle fait partie des personnes à risque et redouble donc de prudence. Elle apprécie tout particulièrement de pouvoir continuer à discuter avec ses amis sur Skype. «A la frontière suisse», Claudine Clerc «communique par téléphone et via les réseaux sociaux, heureusement.»
Les associations prennent le relais
Pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir de la famille ou des amis dans leur pays de résidence, des associations prennent le relais. C’est notamment le cas en France, pays qui compte le plus de Suisses de l’étranger.
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Coronavirus: un coup de fil, ça rend les choses si faciles
Selon Madeleine Boulanger, Présidente de la Société Helvétique de BienfaisanceLien externe (SHB), la solitude est déjà le problème numéro un auquel ses services sont confrontés. Et la crise du coronavirus n’a fait que renforcer le phénomène. A cela s’ajoutent les restrictions mises en place par le gouvernement français. La SHB a dû fermer son bureau d’accueil et stopper ses visites. Depuis, la plupart des personnes âgées dont l’association s’occupe normalement se retrouvent complètement seules. Parfois, «elles ne se rendent pas compte de la dangerosité de la maladie et ont du mal à comprendre qu’elles ne puissent pas sortir.» Pour pallier le manque de contact, la SHB les appelle tous les deux jours par téléphone.
Au sein des différentes Associations suisses de FranceLien externe, la solidarité face au risque d’isolement s’est également rapidement mise en place. Début mars, leur présidente Françoise Millet-Leroux a demandé à toutes les régions de contacter leurs membres. Elle a constaté avec joie que la majorité l’avait déjà fait. «Les associations ont organisé des systèmes d’entraide pour les personnes à mobilité réduite, elles appellent très régulièrement les membres seuls et âgés et les aident à faire leurs courses», affirme-t-elle. Et d’ajouter, non sans fierté, qu’il «existe une solidarité naturelle au sein de la communauté des Suisses de l’étranger. En ces temps de crise, elle s’en trouve encore renforcée.»
La solitude n’est pas un poids pour tous
Loin de ces considérations, Peter Roland Hintermann nous écrit du Brésil: «Je vis à 100 mètres de la mer et je m’y rends tous les jours pour nager. La plage est vide. Si personne il n’y a, alors pas de corona! Je ne m’ennuie absolument pas, j’aime être seul!»
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