«La Suisse est bien préparée pour une pandémie»
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a relevé son niveau d'alerte sur la grippe porcine au niveau maximal de 6, signifiant une pandémie. Quelles en seront les conséquences pour la Suisse? Le point avec Patrick Mathys, de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Pour la première fois depuis 41 ans, l’OMS a déclaré jeudi l’état de pandémie mondiale. L’augmentation des cas recensés de grippe porcine A/H1N1, notamment aux Etats-Unis, en Europe, en Australie et en Amérique du Sud, a poussé les experts du comité d’urgence de l’organisation, réunis à Genève, à déclencher la phase 6 du niveau d’alerte.
Aucun grand bouleversement n’est cependant à prévoir en Suisse, où le virus a déjà contaminé une vingtaine de personnes, a précisé à swissinfo Patrick Mathys, chef de la section «Préparation pandémie» à l’Office fédéral de la santé publique, peu avant l’annonce de l’OMS.
swissinfo.ch: L’OFSP a répété la semaine dernière que la grippe A ne représentait pas un grand danger pour la population suisse. Cela ne va-t-il pas à l’encontre des récentes mises en garde de l’OMS?
Patrick Mathys: Au vu des conditions actuelles, il n’est pas exagéré d’affirmer que le virus va encore se propager. La progression du nombre de cas autour du globe indique clairement que le virus ne peut pas être contrôlé et qu’il va continuer à s’étendre.
swissinfo.ch: L’OMS est passé au stade de pandémie. Quelles mesures concrètes seront prises en Suisse?
P.M.: La Suisse est bien préparée. Nous avons déjà adapté nos mesures aux données mondiales et nous agissons toujours selon la situation actuelle. En cas de passage à la phase 6, aucune mesure supplémentaire ne devra être prise.
swissinfo.ch: L’OMS veut réviser son système d’alerte, afin d’empêcher les malentendus. N’aurait-elle pas déjà dû le faire depuis longtemps?
P.M.: Tout le système d’alerte pandémique s’est jusqu’ici orienté vers des virus qui provoquaient de graves maladies.
On a pu constater l’apparition de nouveaux types de virus de la grippe. Ils ont certes un potentiel pandémique, mais les maladies qu’ils provoquent sont de gravité moindre et ils nécessitent donc moins de mesures de précaution. C’est une leçon que tous les pays ont pu tirer des événement actuels.
swissinfo.ch: Quels enseignements concrets a-t-on tiré des épidémies de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et de grippe aviaire?
P.M.: Le SRAS nous a montré avec quelle rapidité une maladie infectieuse peut voyager dans le monde et avec quelle rapidité de nouveaux virus peuvent se répandre. Cela nous a poussé à adapter notre dispositif de crise. Nous en tirons un bénéfice aujourd’hui.
swissinfo.ch: Comme pour la grippe aviaire, le Tamiflu est le médicament utilisé contre la grippe porcine. Dans un monde pourtant globalisé, la prophylaxie et les médicaments ne restent-ils pas un privilège des pays occidentaux?
P.M.: Il existe comme pour toutes les autres maladies un grand fossé entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement. Le fait que les pays en voie de développement ne peuvent pas appréhender cette situation épidémique de la même manière que les pays occidentaux pose problème. Toutefois, l’OMS dispose d’une réserve de Tamiflu qui peut être mise à disposition de la communauté internationale en cas d’urgence.
swissinfo.ch: Ces différents virus de la grippe ne remettent-ils pas en cause notre façon de concevoir l’élevage animal de masse?
P.M.: Jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas été clairement établi où et sous quelles conditions la grippe porcine est apparue. La transmission de virus de l’animal à l’homme existera toujours. L’urbanisation croissante et la mobilité globale, qui a une nouvelle fois démontré avec quelle vitesse ces nouveaux virus pouvaient se propager, sont des facteurs bien plus importants dans la propagation des virus que l’élevage de masse.
Corinne Buchser, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Samuel Jaberg)
Chiffres. Selon le dernier bilan publié mercredi par l’OMS, le virus A/H1N1 de la grippe porcine a contaminé 27’737 personnes dans 74 pays et fait 141 morts. En Suisse, 20 personnes ont été infectées par le virus.
Une progression particulièrement importante de l’épidémie a été constatée au Chili. En 48 heures, le nombre de personnes contaminées est passé de 400 à 1700. Les pays les plus touchés sont jusqu’ici les Etats-Unis (13’000 malades/27 victimes), le Mexique (5700/106) et le Canada (2400/4).
Les symptômes de la grippe porcine sont similaires à ceux de la grippe saisonnière: fièvre, frissons, maux de gorge, douleurs musculaires, maux de tête, éternuements et fatigue. Certains malades souffrent également de nausée, vomissements et diarrhée.
Transmission. Les experts pensent que le virus se transmet de la même manière que les autres virus, soit via des gouttelettes riches en virus provenant de la toux et des éternuements des personnes infectées ou par le contact des mains.
Réserves. La Confédération possède des réserves de Tamiflu qui pourraient permettre de traiter un quart de la population en cas de pandémie. Selon le ministre de la Santé Pascal Couchepin, c’est le nombre de malades que l’on pourrait craindre dans le pire des scénarios.
Accès. Le gouvernement a approuvé récemment l’achat de 40’000 emballages supplémentaires de Tamiflu. La réserve d’urgence assure un accès rapide au médicament antiviral en cas de pénurie temporaire.
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