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La Suisse manque de moyens légaux contre la mafia

Le procureur général de la Confédération, Michael Lauber, estime qu'il est pratiquement impossible de faire condamner une personne en Suisse pour appartenance à la mafia. Keystone

Le procureur général de la Confédération déplore l’impossibilité de faire condamner une personne en Suisse pour appartenance à une organisation mafieuse. Michael Lauber propose au Parlement de rendre la loi plus efficace.

«La simple appartenance (à une organisation criminelle) ne suffit pas pour une condamnation; la doctrine dominante est unanime sur ce point», a indiqué le procureur de la Confédération dans une interview accordée dimanche à la NZZ am Sonntag. Il faut prouver que la personne a soutenu concrètement l’organisation par ses activités criminelles, comme par exemple quelqu’un qui est actif en tant qu’avocat, agent fiduciaire ou conseiller, a-t-il ajouté.

En automne 2012, une décision de principe est tombée. Depuis, seule une procédure, dont les faits sont prouvés, peut être ouverte. «Dans tous les autres cas, nous n’ouvrons plus de procédure. Nous ne pouvons plus partir à l’aventure», a relevé Michael Lauber.

Que dit le code pénal?

Art. 260ter 1

Organisation criminelle

1. Celui qui aura participé à une organisation criminelle qui tient sa structure et son effectif secrets et qui poursuit le but de commettre des actes de violence criminels ou de se procurer des revenus par des moyens criminels.

Celui qui aura soutenu une telle organisation par son activité criminelle, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2. Le juge pourra atténuer librement la peine (art. 48a) à l’égard de celui qui se sera efforcé d’empêcher la poursuite de l’activité criminelle de l’organisation.

3. Est également punissable celui qui aura commis l’infraction à l’étranger si l’organisation exerce ou doit exercer son activité criminelle en tout ou en partie en Suisse. L’article 3, alinéa 2, est applicable.

Dans une procédure menée en Suisse à l’encontre de cinq membres présumés de la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, le Ministère public de la Confédération (MPC) avait établi la participation des suspects à une organisation criminelle. Mais à la mi-décembre, les charges ont été abandonnées suite à l’acquittement d’un des principaux suspects quelques semaines plus tôt en Italie.

Réévaluation de l’affaire Moubarak

S’agissant de l’affaire Moubarak, dont 700 millions de francs sont bloqués en Suisse, Michael Lauber parle de «réévaluation complète». Là aussi, l’argent de l’ancien président égyptien et de sa famille est bloqué après des soupçons de participation à une organisation criminelle. La charge de blanchiment d’argent est aussi retenue.

Etant donné la difficulté à établir les faits, le procureur général propose au Parlement de modifier la loi, afin de rendre la lutte contre les organisations criminelles plus efficace. «L’article du Code pénal suisse sur les organisations criminelles est très difficile à appliquer à des structures mafieuses».

Paolo Bernasconi, ancien procureur du canton du Tessin, a estimé sur les ondes de RTS La première que Michael Lauber «mérite une médaille car il a identifié de façon précise et concrète quels sont les défauts dans le système de répression contre le crime organisé en Suisse.»

La Suisse, un «Heidiland» de la lutte antimafia

Questionné sur l’opportunité d’une telle intervention médiatique, Paolo Bernasconi a rappelé que le procureur de la Confédération avait déjà présenté un projet de modification de l’article de loi sur le crime organisé. «Puisque le Parlement prend son temps, il a tout à fait raison d’adopter une nouvelle tactique, soit de ne plus essayer de faire condamner les personnes pour ce chef d’accusation».

Le code de procédure pénal adopté il y a 5 ans ne fait en effet que «chatouiller» les membres de la mafia, du crime organisé et du terrorisme politique et la Suisse «est encore un Heidiland de la lutte contre la mafia», a encore estimé Paolo Bernasconi. 

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En septembre 2014, le parlementaire tessinois Giovanni Merlini avait déposé une interpellation sur l’inefficacité de l’article 260ter du Code pénal, qui punit la participation à une organisation criminelle d’une peine privative de liberté de cinq ans ou d’une peine pécuniaire. Interrogé par la radio suisse italienne, il a affirmé: «Nous échouons quoi qu’il en soit; soit nous ne réussissons pas à démontrer l’existence de l’organisation, soit à démontrer qu’elle est secrète».

Les mauvaises personnes visées?

Le député libéral-radical (droite) Christian Lüscher ne partage pas ce constat d’impuissance. «Le simple fait de ne pas obtenir de condamnations ne signifie pas forcément que la législation n’est pas adéquate», a-t-il indiqué sur RTS La Première.

Christian Lüscher pointe du doigt le Ministère public de la Confédération, qui «manque peut-être de ressources ou qui a peut-être poursuivi de mauvaises personnes.» Il estime qu’il n’y a pas lieu pour l’heure de céder aux revendications du chef du parquet général.

«Nous avons une place financière particulièrement propre et notre arsenal législatif dans le domaine de la lutte contre les flux financiers qui sont le fruit d’activités criminelles est probablement le plus sévère et le mieux appliqué d’Europe. Je comprends qu’il est très difficile de lutter contre le soutien aux organisations criminelles, mais cela ne signifie pas encore qu’il faille modifier notre législation», selon Christian Lüscher. 

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