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Le chef suisse qui affole les papilles new-yorkaises

Daniel Humm adore New York et la ville le lui rend bien. Francesco Tonelli

Arrivé Outre-Atlantique il y a dix ans sans parler un mot d'anglais, Daniel Humm est aujourd'hui un des chefs les plus réputés des Etats-Unis. Tout jeune, il s'est tourné vers la cuisine car il n'aimait pas l'école, avant d'en faire une véritable passion. Rencontre à Manhattan.

De Schinznach Dorf aux hautes sphères de la gastronomie new yorkaises, il n’y a qu’un pas. C’est du moins l’impression que donne Daniel Humm, le jeune chef suisse du restaurant Eleven Madison Park. Sourire aux lèvres, décontracté dans son tablier immaculé, l’Argovien de 35 ans semble comme un poisson dans l’eau dans le décor grandiose de l’établissement de Manhattan.

«Meilleur chef»

Il jette un dernier coup d’œil à la salle avant de venir s’attabler dans un coin du bar, courte pause dans une journée chargée. Pour atteindre les honneurs – il a reçu lundi le titre de «meilleur chef» des Etats-Unis décerné par la Fondation James Beard et son restaurant se trouve depuis peu dans le top 10 des meilleures tables du monde – Daniel Humm a pourtant parcouru bien du chemin.

Tout a commencé par une réelle aversion pour l’école. «J’étais un très mauvais élève. Je n’allais pas en cours. Ce que l’on essayait de m’apprendre ne m’intéressait pas du tout», raconte-t-il en sirotant un verre d’eau glacée. Le goût des marchés où il accompagne sa mère, des petits travaux dans les fermes à récolter fraises et cerises et une famille dans laquelle on apprécie la bonne chère finissent de le décider. «A quatorze ans, j’ai su ce que je voulais faire. J’ai quitté l’école et commencé un apprentissage. Les cuisines ont immédiatement été pour moi un endroit où tout faisait sens. J’étais mordu.» L’ancien cancre finira sa formation avec la meilleure note du pays: 5,9.

Après avoir fait ses armes sous les ordres de Gérard Rabaey au restaurant Le Pont de Brent, près de Montreux, et occupé un premier poste de chef en Appenzell, Daniel Humm s’envole Outre-Atlantique suite à la proposition d’un grand hôtel de San Francisco. «Je suis parti avec deux valises. La première contenait mes habits de chef et mes couteaux. La seconde des vêtements de ville. Je ne parlais pas un mot d’anglais. Si j’avais su à quel point ce serait difficile, je n’aurais pas accepté. J’avais 24 ans et l’impression que tout était possible. C’était dur, mais j’ai fini par me faire un nom.»

Du sur mesure

Le travailleur acharné met le cap sur New York et Eleven Madison Park en 2006. On lui donne pour mission de réinventer le lieu. «J’étais très nerveux. Ici, la compétition est rude et beaucoup se sont cassé les dents». Sous ses ordres, le nombre de couverts fond de 200 à 80 et la carte se transforme en menu dégustation épuré.

Le concept? Les convives choisissent quatre ingrédients, qui correspondent chacun à un plat, parmi seize proposés. Chaque plat s’adapte ensuite aux goûts des clients et au vin choisi. «C’est comme un costume sur mesure: pour chacun différent mais avec un style qui est le mien», explique le chef.

Et ça marche! Les distinctions pleuvent. Eleven Madison Park est sacré meilleur restaurant de New York par le New York Magazine et affiche trois étoiles dans le guide Michelin. Les New-Yorkais se bousculent pour obtenir une réservation. On y croise Brad Pitt, Richard Gere ou encore Beyoncé. «Evidemment que je suis fier de ces récompenses. Elles montrent que nous sommes sur la bonne voie et elles permettent d’inspirer l’équipe. Mais à la fin, ce n’est pas cela qui compte. J’aime être en cuisine, je m’amuse, je n’ai pas l’impression de travailler.»

Pas de retour en vue

Daniel Humm dirige aujourd’hui une équipe de 75 personnes, crée deux nouveaux plats par semaine, a publié un livre de recettes et vient d’ouvrir un nouveau restaurant, tout cela en s’occupant de sa famille – il est marié et père de deux enfants – et en courant des marathons à ses heures perdues.

Mais reste-t-il quelque chose de la Suisse dans tout cela? L’amour de la précision et des ingrédients de qualité, dit-il. Et d’avouer, une pointe de nostalgie dans la voix, conserver le goût des plats traditionnels de ses terres natales comme les röstis, l’émincé à la zurichoise ou encore le saucisson. Mais un retour au pays, certainement pas! Daniel Humm a fait son choix: «J’aime New York et New York m’aime. Je vais rester ici.»

Le prix de la Fondation James Beard, remis lundi à Daniel Humm, est le prix culinaire le plus prestigieux des Etats-Unis. Il est souvent qualifié d’«Oscar de la gastronomie» par les médias américains.

Créé en 1990, il est attribué chaque année au mois de mai lors d’une cérémonie à New York. Les distinctions décernées par la Fondation James Beard récompensent les meilleurs chefs, sommeliers et restaurants du pays. Mais ils couvrent également des catégories aussi diverses que la littérature culinaire, le service ou encore le design de restaurants.

La récompense est

purement honorifique: il s’agit d’un certificat et d’une médaille. Il n’y a pas de gratification financière.

James Beard, qui est décédé en 1985 à l’âge de 82 ans, était un chef renommé et l’auteur d’une vingtaine de livres. Véritable figure de la scène culinaire américaine, cette personnalité excentrique est restée dans les mémoires pour avoir fait connaître la gastronomie française à la classe moyenne et supérieure des Etats-Unis dans les années cinquante.

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