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Le foot, entre nationalisme et communion

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Le ballon rond oscille bizarrement entre chauvinisme débridé et rêve de grande communion planétaire. Une tension que le Musée ethnographique de Genève (MEG) évoque dans le cadre de l'exposition «Hors Jeu», en marge de l'Euro 08.

«Le football est au-dessus des religions. Toutes les religions y sont représentées», pouvait-on lire dans le SonntagsBlick du 11 janvier 2004, qui retranscrivait les mots de Joseph Blatter, patron de la FIFA. John Lennon s’était fait houspiller pour moins que ça.

«Nous avons beaucoup à offrir et à donner tant au football qu’à la Paix et au monde», déclara un jour Marco Materazzi, joueur de l’Inter de Milan, Ambassadeur d’honneur de l’Organisation mondiale pour la Paix… et néanmoins agresseur verbal de Zinedine Zidane en 2006.

L’une des salles de l’Annexe de Conches, où se tient l’exposition ‘Hors Jeu’, égrène quelques-unes de ces phrases qui martèlent que le sport en général et le football en particulier ont une mission aussi pacificatrice qu’unificatrice…

Pourtant, c’est souvent à travers des images de tensions, d’affrontements et de déchaînement identitaire que les nouvelles du football nous parviennent.

Nous et les autres

«Le processus identitaire est souvent plus complexe qu’il n’y paraît. L’appartenance à un ‘Nous’ se construit toujours par rapport à un ‘Eux’, desquels on cherche à se distancer. Souvent utilisées comme marqueurs identitaires pour affirmer une irréductible différence vis-à-vis du ‘voisin’ ennemi, les équipes de football participent pleinement à ce processus», écrit le chercheur Raffaelle Poli dans le catalogue de l’exposition.

Le supporter affiche son adhésion à l’équipe qui représente symboliquement la collectivité à laquelle il se sent appartenir. Le plus étonnant dans tout cela, c’est sa faculté à passer du local au national… Il y a quelques semaines, supporters bâlois et zurichois se cassaient frénétiquement la gueule au sortir d’un match où leurs équipes respectives s’affrontaient. Aujourd’hui, les mêmes aficionados s’unissent sous la bannière rouge à croix blanche. Mystère insondable pour quelqu’un qui n’a pas l’âme du supporter!

On le constate, les matchs opposant des sélections nationales constituent donc également un moment idéal pour exprimer une appartenance territoriale. Les joueurs alignés sur le terrain sont perçus par le public comme les délégués d’une nation qu’ils se doivent de représenter également. Les compétitions sportives internationales, dont les championnats d’Europe et la Coupe du Monde de football, sont les rares moments où les drapeaux s’affichent et les hymnes sont joués.

Billes de clowns!

Aujourd’hui, les drapeaux ont déteint sur les vêtements des supporters, maquillés jusqu’aux oreilles. «C’est quelque chose d’assez récent. Cela a même été un sujet assez chaud au sein de l’équipe du MEG, parce que nous ne sommes pas tous de la même génération», constate Christian Delécraz, l’un des commissaires de l’exposition.

Avant d’ajouter: «Je suis de 1954. A l’école primaire, on apprenait l’hymne national, et puis ça s’arrêtait là. Tout au plus chantait-on l’hymne le 1er août… Tandis que maintenant, on n’apprend plus l’hymne national, mais dès qu’il y une manifestation sportive, ça prend des proportions impressionnantes. Les gens se griment… Le temps d’un spectacle – parce que cela reste un spectacle – on s’habille des couleurs de son pays.»

Mais on s’en doute, aux yeux de l’ethnologue – et de quiconque a un peu de mémoire historique – tout cela n’est pas anodin. «Il faut rester prudent, parce qu’avec le patriotisme, le nationalisme, il faut avoir l’Histoire en tête. Il peut vite y avoir des dérives», souligne Christian Delécraz.

Le jeu instrumentalisé

Intimement associé à la construction des identités nationales, le football est continuellement instrumentalisé à des fins politiques pour, tour à tour, affirmer la grandeur d’une nation ou d’un régime, proclamer la supériorité d’une idéologie ou encore lutter pour l’indépendance.

Coupes du Monde, Coupes d’Europe, Coupes d’Afrique et autres grands événements sportifs ont souvent été utilisés comme vitrines politiques pour se donner une visibilité, asseoir une autorité, faire de la propagande ou revendiquer une indépendance nationale. Dictateurs, généraux et hommes d’États, mais également joueurs, l’ont bien compris et se sont à maintes reprises emparés du football pour promouvoir leurs idéologies.

Un exemple? Mussolini considérait le stade comme un espace social à pénétrer et contrôler. Par l’omniprésence de symboles fascistes lors de la Coupe du Monde de 1934 en Italie, il mettait en scène la grandeur de son régime.

Des joueurs ont également utilisé le ballon rond à des fins de propagande. En 1956, dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, des footballeurs professionnels ont boycotté le championnat français, préférant jouer des matchs amicaux autour du monde pour l’équipe du Front de Libération Nationale (FLN) et représenter une Algérie encore inexistante en tant que nation.

Vers un avenir radieux

Après avoir été traité d’«opium des peuples», le football tend aujourd’hui à être considéré comme un formidable outil de civilisation permettant d’atteindre des objectifs aussi nobles et ambitieux que le rapprochement des peuples, l’éducation des nouvelles générations ou la lutte contre la violence. Les citations du début de cet article en témoignent.

Les plus hauts dirigeants du football voyagent dans le monde entier pour prêcher les mérites de ce sport, envisagé comme école de vie et remède universel…

Ce qui pose tout de même quelques questions. D’abord, est-ce bien là le rôle du football? Ensuite, à qui profite le plus cette vision «humaniste» du ballon rond? A la planète Terre… ou à ses gouvernants et aux institutions qui gèrent le football? Autrement dit, ne sommes-nous pas, là aussi, face à une efficace instrumentalisation?

swisinfo / MEG

Exposition «Hors Jeu», du 21 mai 2008 au 26 avril 2009, à voir au Musée d’ethnographie de Genève (MEG), Annexe de Conches, Chemin Calandrini 7, Conches.

Pour réaliser «Hors Jeu», le MEG a fait appel à plusieurs experts du Centre international d’étude du sport à Neuchâtel.

Parmi les partenaires de cette exposition figure swissinfo. L’actualité du football est représentée dans l’exposition par des écrans affichant notre dossier «Euro 08».

En marge de l’exposition, le MEG publie «Hors jeu – Football et société», un livre réalisé sous la direction de Raffaele Poli.

Cet ouvrage est préfacé par l’ethnologue Christian Bromberger et contient une interview du psychologue et ancien joueur international suisse Lucio Bizzini.

136 pages, 120 illustrations couleur d’Éric Lafargue et Johnathan Watts et des dessins de Pierre-Alain Bertola.

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