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Le «pape des pauvres» salué par la presse suisse

Jorge Mario Bergoglio est le premier pape non-européen. Reuters

Les quotidiens helvétiques se montrent positivement surpris par l’élection du nouveau pape François. Décrit comme un homme modeste, austère et proche des plus démunis, l’Argentin Jorge Mario Bergoglio n’en demeure pas moins fermement accroché à des positions doctrinales et morales conservatrices.

«C’est la surprise du jour, scandent la Tribune de Genève et 24heures de Lausanne. Le conclave a réussi à faire élire un homme différent, capable de redonner un nouveau souffle à l’Eglise catholique.» Le Tages-Anzeiger parle même de sensation: «Les cardinaux ont lancé un signal fort: le pape est issu de la partie du monde où vivent la plupart des catholiques». Rappelant que 70% des 1,2 milliard de catholiques vivent en Amérique latine, en Asie et en Afrique, l’Aargauer Zeitung se félicite de l’élection d’un «pape global pour les pauvres de ce monde».

Le Journal du Jura estime que ce pape incarne «l’espoir venu du bout du monde», malgré un âge «peu compatible avec la lourdeur de la tâche». Il s’agit d’une élection «historique», se réjouit le Quotidien Jurassien. Avec ce choix, l’Eglise catholique reconnait enfin sa constitution d’Eglise universelle jusque dans la papauté, malgré la nette prédominance européenne dans le collège des cardinaux, souligne la Neue Zürcher Zeitung.

«Pour l’Argentine, un pape après un Messi», ose pour sa part La Liberté, en faisant référence à l’autre religion qu’embrassent une grande partie des concitoyens de Jorge Mario Bergoglio, décrit lui-même par Blick comme un fanatique du club de football de Buenos Aires San Lorenzo, fondé par un prêtre.

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«Le pape de l’autre monde»

Les quotidiens suisses italophones ne sont pas en reste. «Un sourire qui déplace le monde», titre ainsi le Corriere del Ticino. «Nous attendions un ‘pape shérif’ et nous avons droit à un ‘pape bon’», relève le quotidien de Lugano, soulignant toutefois qu’il faudra encore attendre avant de porter des jugements définitifs. Ce pape, qui «apporte un air d’exotisme au Vatican, réunira sur lui les espoirs de la partie la plus pauvre du monde».

Avec «le pape de l’autre monde», s’ouvre pour La Regione une «nouvelle page prometteuse pour la vie de l’Eglise». «Même le style avec lequel il s’est présenté, au balcon de la Basilique Saint-Pierre, est révélateur d’une ouverture au monde», souligne le quotidien de Bellinzone. Et par-dessus tout, «dans ce moment historique où la mondialisation sauvage affecte diverses parties du monde, dans ce moment où les crises socio-économiques créent de grandes tensions entre le Nord et le Sud du globe, le fait que le nouveau pape s’appelle François, qu’il se réfère à cette figure du christianisme qui voyait l’Evangile comme un abandon de la richesse pour elle-même, c’est la logique du partage, c’est un signe de grande portée symbolique.»

«Pour adopter un nom qu’aucun pape n’avait jamais osé assumer, celui de François: il faut une certaine… foi», relève encore le Giornale del Popolo, le quotidien de l’évêché du Tessin.

Archevêque de Buenos Aires, Jorge Bergoglio, 76 ans, est un Jésuite austère et à la parole rare. Il bénéficie d’un grand prestige parmi ses ouailles qui apprécient sa disponibilité et son mode de vie dénué de toute ostentation.
 
En 2010, il s’est opposé avec vigueur à la loi légalisant le mariage homosexuel en Argentine. Il s’est aussi élevé contre le droit octroyé aux transsexuels de changer de sexe à l’état civil.
 
Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, le nouveau pape a vu le jour dans une famille modeste d’origine italienne. Il achève ses études avec un diplôme de technicien en chimie.
 
A 22 ans, il intègre la Compagnie de Jésus, où il y étudie les humanités et obtient une licence de philosophie. Il est ordonné prêtre en 1969. Moins de quatre ans plus tard, à tout juste 36 ans, il est élu responsable national des Jésuites argentins.
 
Pendant la dictature militaire (1976-1983), Jorge Bergoglio se bat pour conserver l’unité d’un mouvement jésuite taraudé par la théologie de la libération, avec un mot d’ordre: maintenir la non-politisation de la Compagnie de Jésus.
 
Le futur cardinal se rend ensuite à Fribourg, en Allemagne, où il obtient son doctorat. A son retour, il reprend l’activité pastorale comme simple curé dans la ville de Cordoba.
 
En 1992, Jean-Paul II le nomme évêque auxiliaire de Buenos Aires. Il revêt finalement la pourpre cardinalice le 21 février 2001.
 
Source: AFP

«Un homme de la pastorale»

«C’est d’abord un homme de la pastorale, très proche à la fois des fidèles et de ses prêtres, en paroles et en actes, souligne La Liberté, le principal quotidien du canton catholique de Fribourg. L’immersion quotidienne dans la pauvreté l’a rendu très sensible à la dimension sociale de l’engagement de l’Eglise face aux dégâts d’un néolibéralisme mondialisé asservissant l’homme».

Jorge Bergoglio devrait s’adresser en priorité aux humbles, aux pauvres, aux déshérités, aux victimes parfois négligées sur les rives du Tibre, relève Le Temps. «Il ne révolutionnera cependant pas la doctrine sur les sujets brûlants: divorce, avortement, contraception, mariage des prêtres, etc.»

Car outre sa modestie et son austérité, le nouveau pape est un homme de convictions, souligne L’Express de Neuchâtel. «Des convictions qui sont dans la droite ligne de celles de Jean Paul II et de Benoît XVI. Il n’a pas hésité à se mettre à dos la présidente argentine Cristina Kirchner en s’opposant à la légalisation du mariage homosexuel.»

Un doute et des défis

Tout serait presque parfait s’il n’y avait pas ce doute, qu’il faudra rapidement évacuer, sur son rôle durant la dictature militaire en Argentine, relèvent 24heures et la Tribune de Genève. «Tout comme l’Eglise catholique dans son ensemble, on reproche également à Bergoglio d’avoir coopéré avec la Junte et de s’être désintéressé du sort des disparus, dont des prêtres catholiques de gauche», affirme le Tages-Anzeiger.

Le rôle du nouveau pape durant la dictature militaire argentine n’est certainement pas sans failles, estime la Neue Luzerner Zeitung. «Si le pape ne devait porter une part de responsabilité que dans un seul cas sur les près de 30’000 disparitions, l’Eglise aurait un nouveau problème». Et Le Temps de renchérir: «Les silences embarrassants du nouveau pontife à l’époque des dictatures argentines laissent un goût amer dans la bouche des opposants aux juntes au pouvoir».

Après la joie et la surprise de l’élection, le nouvel homme fort du Vatican doit désormais prendre en mains une Curie confrontée à de nombreuses difficultés. «L’Eglise traverse une crise évidente en Europe et en Amérique du Nord, relève la Basler Zeitung. Et son épicentre se trouve au Vatican. Une banque à la réputation douteuse, des scandales de pédophilie qui remontent sans cesse du passé et une affaire de fuites, aussi nommée Vatileaks – tous les chemins mènent à Rome».

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