Le Plateau suisse est une agglomération
Il n’est possible de pratiquer l’agriculture et de construire des maisons que sur une petite partie de la Suisse. Le reste est montagneux. C'est pourquoi le Plateau suisse, relativement plat, se transforme toujours plus en une seule agglomération. Cela entraîne des conflits qui doivent être résolus par l'aménagement du territoire.
Il n’y a pas de mégalopoles en Suisse, mais plus de 80% de la population vit dans des zones urbaines. Comment cela se fait-il?
C’est parce que la majorité des gens vivent dans des agglomérations du Plateau. Tout est concentré sur cette bande de terre fertile et plutôt plate, coincée entre les Alpes et le Jura: les habitations, les emplois, l’industrie et l’agriculture. Seul un tiers de la Suisse est réellement habitable. Le reste est couvert de montagnes, de lacs, de rivières, de glaciers, de rochers et d’éboulis.
La densité de peuplement du Plateau suisse est l’une des plus élevées d’Europe. «Aujourd’hui, le Plateau peut être décrit comme une grande zone d’habitat», déclare le professeur de droit Alain Griffel, de l’Université de Zurich, spécialisé entre autres dans l’aménagement du territoire, la construction et le droit de l’environnement.
Conflit pour un espace étroit
Le fait que l’agriculture et les zones d’habitation doivent se partager le peu d’espace disponible entre les montagnes entraîne des conflits: l’agriculture a besoin de pesticides qui pénètrent dans les nappes phréatiques et donc dans l’eau que boivent les habitants. Le développement des nombreuses zones d’habitation fragmente les dernières grandes surfaces de terre, et le zonage ne tient pas compte de la qualité du sol, ce qui serait important pour l’agriculture. Les constructions qui débordent en dehors des zones à bâtir sont également un symptôme du conflit couvant sur l’espace. L’aménagement du territoire tente de résoudre ces conflits.
«Le fédéralisme est un défi en matière d’aménagement du territoire, car les problèmes et donc les conditions cadres dans les cantons sont très différents», déclare Damian Jerjen, directeur d’EspaceSuisse, l’Association suisse pour l’aménagement du territoire. Ce n’est qu’en 1980 que la Suisse a introduit une Loi fédérale sur l’aménagement du territoire qui fait la distinction entre les terrains à bâtir et les terrains non constructibles.
Les communes ont créé de généreuses zones de construction, de sorte que le Plateau en particulier, mais aussi des cantons de montagne comme le Valais, ont été fortement bâtis. La démocratie directe a fait le reste: comme la population et les groupes d’intérêt en Suisse ont un droit de regard direct sur les décisions d’aménagement du territoire, cela débouche souvent sur des compromis médiocres. Il en résulte que la Suisse est un patchwork de zones: des zones commerciales, agricoles et résidentielles s’imbriquent les unes dans les autres.
L’étalement urbain a cessé, mais à quel prix?
Avec la révision de la loi en 2014, il y a eu un changement de paradigme: la Suisse veut désormais s’étendre vers l’intérieur. «À l’avenir, nous devrons faire avec ce que nous avons déjà, car il n’y aura pratiquement pas de nouvelles zones à bâtir, explique Damian Jerjen. Nous devons rénover, densifier et développer ce qui existe déjà.»
Selon Damian Jerjen, ce sujet va occuper la Suisse dans un avenir proche. «Le développement prévu vers l’intérieur est un grand défi, juge-t-il. La question est de savoir comment créer un espace de vie de bonne qualité et des espaces ouverts attrayants malgré la densification.»
Alain Griffel a lui aussi constaté des évolutions indésirables dans le passé. «L’aménagement du territoire et la Loi sur l’aménagement du territoire en Suisse ont longtemps été une petite plante frêle, dit-il. Mais depuis la révision de la loi en 2014, il y a une dynamique positive. Une nouvelle réflexion a eu lieu.» Il est donc «prudemment confiant» en ce qui concerne l’avenir.
Ce n’est que depuis 1980 que la Suisse dispose d’une Loi fédérale sur l’aménagement du territoireLien externe qui prévoit une approche économe de l’utilisation du sol et fait la distinction entre les terrains à bâtir et les terrains non constructibles.
En 2013, les électeurs ont soutenu une révision visant à freiner l’étalement urbain. Les zones de construction qui dépassent la demande prévue pour les 15 prochaines années ont dû être reclassées en terres agricoles ou en zones de protection.
La terre est divisée en zones d’habitat, de travail, d’agriculture et de conservation de la nature. Dans une zone résidentielle, par exemple, il est interdit d’élever du bétail ou de faire fonctionner une industrie. Inversement, aucun logement ne peut être construit dans les zones agricoles.
(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)
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