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Le procès des tabasseurs zurichois s’ouvre à Munich

Les excès de violence des jeunes peuvent avoir des conséquences terribles. Keystone

Les trois Zurichois de 16 ans qui avaient sauvagement agressé cinq personnes le 30 juin 2009 à Munich seront jugés dès lundi. Ils risquent jusqu’à 10 ans de prison, une peine «qui ne servirait à rien» selon un spécialiste de violence juvénile.

La Chambre des mineurs 1 du Tribunal du Land de Bavière se réunira dès lundi pour juger, à huis clos en raison de leur âge, Mike, Ivan et Benjamin, trois jeunes venant de bourgades ensoleillées de la côte dorée du lac de Zurich. Une région riche qu’ils n’ont plus vue depuis fin juin 2009.

Le 30 juin, en voyage de fin d’année avec leur école, les trois jeunes avaient agressé au total cinq personnes au centre de Munich, sans raison et sans avertissement. Un homme de 46 ans a été défiguré et laissé sans connaissance.

Les agresseurs seront arrêtés la nuit même. Dévoilés le jeudi 2 juillet, les faits suscitaient immédiatement l’incompréhension, la colère et les appels à la clémence ou, a contrario, à la sévérité.

Lourds antécédents

On apprendra aussi par la suite que les trois jeunes avaient déjà eu affaire à la justice des mineurs. Le quotidien alémanique Tages Anzeiger a récemment résumé leurs déjà lourds passés.

En revanche, la nationalité ne fait pas débat. Il est question de deux Suisses et d’un Slovène, vivant majoritairement dans des familles «intactes», c’est-à-dire avec deux parents sous le même toit.

Selon les statistiques de la criminalité, les jeunes agresseurs en bandes sont très souvent d’origine étrangère. «L’origine n’est pas une réponse suffisante», répond Allan Guggenbühl, responsable de la division de psychologie de groupe pour les enfants et les adolescents de la ville de Berne et enseignant à la HES en psychologie et pédagogie de Zurich.

«L’immigration dans un nouveau pays peut renforcer le manque d’assurance et le manque de repères de certains jeunes», ajoute le thérapeute. En outre, «entre 20 et 30% des jeunes hommes ont déjà été confrontés à la justice. Cela ne veut pas dire que tout va dégénérer.»

Nez cassé, menaces, vols, bagarres…

En 2008, déjà repéré pour ses conflits récurrents avec d’autres élèves, Mike avait cassé le nez d’un jeune lui demandant d’arrêter de fumer dans le train. Il avait été condamné à 10 jours de «travail personnel» et à une amende de 150 francs.

Benjamin, connu pour menacer d’autres élèves et pour accepter les défis idiots (hospitalisation après une bouteille de vodka bue très rapidement) avait volé du tabac et de l’alcool dans un magasin. Le juge des mineurs l’avait condamné à neuf jours de travail personnel.

Quant à Ivan, il avait agressé si violemment un jeune qui refusait de lui donner son i-pod qu’il avait dû suivre une thérapie spéciale pendant quatre semaines. Mais il avait quand même trouvé une place d’apprentissage comme carrossier.

«Abaissement du niveau mental»

A-t-on manqué les signes avant-coureurs de la catastrophe? «C’est très difficile d’en voir, dans ces cas-là, répond Allan Guggenbühl. Il y a eu, selon lui un «abaissement du niveau mental» causé par «une conjonction très négative de différents éléments: le fait d’être en groupe, car de telles choses ne surviennent pratiquement jamais quand un jeune est seul, l’alcool, la propension à briser des tabous et l’arrogance.»

Selon Allan Guggenbühl, ce type d’agression est un «coup de folie» et ne fait pas l’objet d’un plan préconçu. Ce qui n’empêche pas le procureur, d’après ce qui a filtré dans la presse, d’être convaincu que les jeunes ont «songé à l’éventualité que leurs victimes meurent». Il a donc retenu la tentative d’assassinat – terme qui renvoie, au sens strict, à la préméditation.

Le spécialiste voit des jeunes «qui n’ont aucune idée de ce que tabasser quelqu’un veut dire. Ils se mettent en scène comme des guerriers mais ne savent pas qu’ils prennent le risque du meurtre en frappant au visage.»

Ils se sentent «inutiles»

Le thérapeute rappelle que «les jeunes hommes ont besoin de briser des tabous, d’initiation, d’encouragements. Auparavant, on avait besoin de cette énergie, mais aujourd’hui, beaucoup de jeunes ont l’impression que la société n’a pas besoin d’eux.»

Allan Guggenbühl fustige les lourdes peines dans le cas des mineurs. «Cela ne sert à rien, affirme-t-il, au contraire. La Suisse, où la peine maximale est de quatre ans pour les mineurs et qui axe sur la réintégration, a un bien meilleur système.»

Le thérapeute estime que 8 jeunes sur 10 comprennent la portée de leurs actes après une période de six mois environ. Pour autant «que l’on parle de ce qui s’est passé et que l’on sanctionne, mais d’une manière qui a un lien avec les faits. Par exemple, si un jeune s’en est pris à un handicapé, on peut l’envoyer travailler dans un home. Si la punition n’a rien à voir avec l’acte commis, cela n’a pas d’effet…»

Ariane Gigon à Zurich, swissinfo.ch

Ecoliers à l’école de perfectionnement de Küsnacht (une 10e année), Mike, Benjamin et Ivan, 16 ans en juin 2009, participaient au voyage de fin d’année, organisé à Munich cette année-là.

Après une première soirée s’étant bien déroulée, les enseignants prolongent le temps de sortie d’une heure et demie, jusqu’à minuit et demie.

La mardi 30 juin, quand Mike ne retrouve plus son portemonnaie, il est «un peu énervé» et décide, avec deux camarades «de rigoler un peu» et de «tabasser quelques personnes».

Leurs premières victimes sont trois Macédoniens jouant aux échecs et buvant des bières. Il est 23h15. Mike cogne l’un d’eux avec son poing, à la tête, par derrière.

Ivan frappe un deuxième homme. Les deux jeunes poussent ensuite violemment un troisième homme, qui a un bras infirme, en arrière. Ivan shoote sa tête avec le pied. Deux des trois hommes ont perdu connaissance.

Plus loin, le trio attaque un représentant d’assurances de 46 ans, rentrant à son hôtel. Il est frappé au visage et perd connaissance. Au sol, appuyé sur ses mains, il est frappé au visage par Benjamin, à coups de pieds. Mike frappe aussi. La moitié du visage est «déplacée vers la droite», selon les médecins.

A 23h25, les trois casseurs frappent encore un étudiant bulgare avec leurs poings et leurs coudes, avant de s’enfuir. Arrivés à l’endroit où ils logent, ils enlèvent leurs habits ensanglantés et regardent un film, jusqu’à ce que la police arrive.

Les trois jeunes sont accusés de tentative d’assassinat (double pour Mike) et de blessures corporelles graves.

Le procès aura lieu durant quatre jours, à Munich, du 8 au 11 mars. Des audiences sont aussi prévues les 29 mars, 6 avril et 7 avril. Le procès a lieu à huis clos, comme il est d’usage pour les mineurs. Les jeunes risquent jusqu’à 10 ans de prison.

Plus de 30 témoins et neuf experts seront appelés à la barre (source: NZZ)

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