Le sauvetage aérien souffle 60 bougies
L’accident de car qui a coûté la vie à 22 enfants belges en mars a mis à rude épreuve les services de sauvetage, y compris la Garde aérienne suisse (Rega), qui a vécu là l’une des opérations les plus traumatisantes en soixante ans d’existence.
Lors du tragique accident de car en Valais, les hélicoptères de la Rega ont transporté des blessés du lieu de l’accident à l’hôpital, puis ses trois jets sont entrés en action pour rapatrier les écoliers dans leur pays d’origine.
A peine quelques semaines plus tard en Turquie, un nouvel accident de car faisait un mort et 19 blessés parmi un groupe de touristes suisses. Un médecin s’est rendu sur place en quelques heures et 14 blessés ont été ramenés en Suisse en deux jours.
L’année dernière a été plus chargée que jamais, avec un total de 14’240 missions en Suisse et à l’étranger pour les 17 hélicoptères et 3 jets. Pas étonnant que ce service à but non lucratif soit une des icônes des Suisses, avec la Croix-Rouge, dont la Rega est du reste une organisation auxiliaire.
Le crash du glacier du Gauli
L’idée de créer un service aérien de secours est née après le crash en 1946 d’un avion militaire américain sur le glacier du Gauli, dans le canton Berne. Après quatre jours de recherche, deux avions de l’armée suisse ont pu se poser sur un glacier voisin pour secourir l’équipage et les passagers.
Une action qui a démontré l’efficacité du sauvetage aérien dans les Alpes et qui a considérablement réchauffé les relations diplomatiques américano-suisses de l’après-guerre.
Six ans plus tard, la Garde aérienne suisse de sauvetage était créée lors d’une réunion à l’Hôtel Bären à Douanne, dans le canton de Berne, sous la direction de Rudolf Bucher. La première année, six missions ont été effectuées. En 2011, ses seuls hélicoptères sont sortis trente fois par jour.
Dès les premières années, des missions ont été effectuées dans les Alpes suisses mais aussi dans le cadre d’opérations internationales. Entraînés par la British Royal Air Force, des parachutistes ont participé au sauvetage de la population néerlandaise lors d’une inondation en 1953. L’année suivante, les sauveteurs entraient en action après une avalanche en Autriche.
Coopération internationale
En 1956, la Rega a participé à la recherche des corps des victimes d’une collision entre deux avions commerciaux au-dessus du Grand Canyon, aux Etats-Unis. Des opérations ont suivi en Turquie, en Italie et en Roumanie les années suivantes.
«Nous sommes fiers de voir le nom de la Rega respecté dans le monde entier, déclare le directeur général Ernst Kohler à swissinfo.ch. Les services de sauvetage aérien du monde entier sont maintenant mieux équipés, mais nous continuons de coopérer avec d’autres organisations en matière de formation et de transmission de connaissances dans des domaines tels que les vols de nuit.»
Les touristes suisses sont assurés de pouvoir être secourus dans le monde entier en cas de maladie ou d’accident. Par exemple, lors du tsunami en Asie fin 2004, 60 touristes suisses ont pu être rapatriés.
Mais les opérations outre-mer sont en diminution ces dernières années. En 2011, la Rega a été impliqué dans 2114 cas d’urgence médicale à l’étranger, soit 19% de moins que l’année précédente. «En vingt ans, les services médicaux de beaucoup de pays se sont améliorés, si bien que les rapatriements sont de moins en moins nécessaires, explique Ernst Kohler. Mais il y a toujours des gens qui préfèrent rentrer se faire soigner chez eux.»
Un service respecté
L’importance de la Rega se mesure à ses 2,4 millions de donateurs qui ont versé jusqu’à 86,5 millions de francs l’année dernière.
Des chiffres impressionnant pour un pays de 8 millions d’habitants. D’autant plus que chacun a droit aux services gratuits de la Rega, qu’il paie une cotisation ou non.
Ces contributions permettent aussi d’éviter de faire payer les contribuables. Par contre, le Tribunal fédéral a confirmé en novembre dernier une décision de l’administration fédérale des contributions, selon laquelle il y a bel et bien un échange de prestations soumis à la TVA entre les donateurs et la Rega.
En conséquence, cette dernière doit s’acquitter de 5,5 millions de francs d’impôts, soit l’équivalent de 185’000 cotisations de membres. «Ce n’est pas juste de prélever des fonds d’une organisation à but non lucratif, proteste Ernst Kohler. Cet argent devrait être utilisé pour utiliser des avions au lieu de finir dans les coffres de l’Etat.»
Le débat a maintenant gagné l’arène politique et Ernst Kohler ne s’attend pas à ce que le problème soit résolu de sitôt. Et de conclure qu’«une décision politique serait un beau cadeau d’anniversaire, mais cela prend du temps pour changer la loi».
La Garde aérienne suisse de sauvetage (Rega) a été créée le 27 avril 1952 avec un statut de fondation à but non lucratif.
En 1960, elle quitte le giron de la Société Suisse de Sauvetage (SSS) et se rebaptise Association garde aérienne suisse de sauvetage (GASS).
1965: la Confédération déclare la Rega organisation auxiliaire de la Croix-Rouge suisse. En 1981, cette dernière l’accueille comme membre corporatif.
1966: le gouvernement refuse de soutenir l’organisation par des fonds publics. Un appel est adressé à la population: à titre de remerciement pour un don de 20 francs par an, la GASS propose d’assurer gratuitement des secours par les airs en cas d’urgence. Ce système d’affiliation des donateurs perdure aujourd’hui.
Le nombre de donateurs atteint un million en 1985, 2 millions en 2007 et 2,4 millions aujourd’hui.
2007: une enquête de l’institut d’études de marché IHA-GfK révèle que la Rega est la marque la plus appréciée des Suisses.
1953: des parachutistes sont utilisés pour la première lors d’une opération de secours aux victimes d’une inondation aux Pays-Bas.
1956: des spécialistes sont appelés au Grand Canyon (Etats-Unis) pour récupérer les corps des victimes d’un crash.
1977: première organisation occidentale à effectuer une mission de secours après un tremblement de terre en Roumanie. La même année, des pilotes parviennent à sauver deux alpinistes bloqués sur la paroi nord de l’Eiger.
1980: sauvetage d’un parachutiste bloqué sur un avion en vol.
1982: la Chaîne suisse de sauvetage (réunissant la Rega, le Corps d’aide en cas de catastrophe et des cynophiles) intervient pour la première fois après un séisme au Yémen-du-Nord.
2004: après le tsunami en Asie du Sud Est, la Rega organise le rapatriement de 60 Suisses de Thaïlande et du Sri Lanka.
2005: la Rega transporte plus de 200 victimes d’inondations causées par de violentes tempêtes en Suisse.
Selon l’hebdomadaire Handelszeitung, la Rega aurait effectué 17 vols pour rapatrier des soldats américains depuis l’Iraq et l’Afghanistan au cours des deux dernières années.
Le porte-parole de la Rega Sascha Hardegger a confirmé à swissinfo.ch que des vols vers la base américaine de Ramstein (Allemagne) figurent parmi les opérations de sauvetage à l’étranger.
Des parlementaires de gauche ont critiqué ce genre d’opérations effectuées sous le signe de la Croix-Rouge suisse et jugées contraires au principe de neutralité de l’organisation.
De son côté, le Département fédéral des affaires étrangères a rappelé que la Rega est une organisation privée et que, par conséquent, ses choix stratégiques ne sont pas soumis à l’aval des autorités.
Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger
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