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Le Sud peut apprendre du Nord … et le Nord du Sud

Une jeune Indienne remplit son formulaire d'inscription à l'Université de Delhi. Fera-t-elle son doctorat à Zurich ? Keystone Archive

Comme nombre de Hautes Ecoles, le Poly de Zurich s'occupe depuis des années d'aide au développement. Afin d'intensifier ces efforts, il inaugure un nouveau Centre Nord-Sud.

Ses missions: favoriser les échanges de savoirs, envoyer professeurs et étudiants dans les pays en développement, et faire venir à Zurich davantage de jeunes talents du Sud.

«Nous ne sommes pas une agence de coopération au développement, et nous ne pouvons pas fournir de l’aide d’urgence en cas de catastrophe», a rappelé vendredi Wolfgang Kinzelbach, qui présidera aux destinées du nouveau Centre, issu de la fusion des deux structures déjà existantes à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).

Physicien de formation, devenu spécialiste de l’environnement et de la gestion des ressources en eau, sa carrière de professeur l’a conduit d’Allemagne au Nigéria et de Pékin à Zurich. Et pour lui, il est désormais clair que «sur tous les problèmes qui touchent aujourd’hui la planète, c’est le Sud, plus que le Nord, qui déterminera les directions à prendre».

Professeurs à la retraite et étudiants aventureux

Ce Sud qu’il a suffisamment pratiqué pour savoir que la chaleur n’y frappe «pas seulement sur la tête, mais surtout dans le cœur», Wolfgang Kinzelbach va s’employer à y envoyer davantage de ses collègues pour y dispenser savoir et expérience.

«Le problème, c’est que les professeurs, trop pris par la compétition académique, n’ont souvent pas de temps à consacrer à pareille tâche, note le président du Centre Nord-Sud. Alors, nous demanderons à des professeurs proches de la retraite, ou déjà à la retraite, qui veulent encore s’investir dans un projet».

Wolfgang Kinzelbach aimerait aussi voir davantage d’étudiants de l’EPFZ tenter l’aventure de quelques semestres dans une Haute Ecole du Sud. «Venant d’un pays où tout fonctionne», ils y trouvent généralement une formidable école de débrouillardise. Et des expériences humaines très enrichissantes.

Parallèlement, le Centre veut aussi favoriser la venue à Zurich d’étudiants des pays en développement. Sachant que ceux-ci devront normalement repartir une fois leur diplôme en poche, Wolfgang Kinzelbach ne craint pas d’alimenter ainsi la fameuse fuite des cerveaux.

Coopération tous azimuts

Mais le Centre Nord-Sud n’a pas pour unique vocation d’être une bourse d’échanges de personnes. Comme le ZIL et le NIDECO qui l’ont précédé, il va continuer à favoriser les échanges de savoirs.

«Nous voulons développer la coopération avec le Sud, et la rendre plus visible», explique Wolfgang Kinzelbach. Une coopération dont les orateurs invités à cette journée d’inauguration, dans le cadre majestueux du grand auditoire de l’EPFZ, ont donné quelques exemples.

Cela va de la santé animale et d’un marketing des produits laitiers respectueux des usages locaux au Zimbabwe, en Tanzanie et en Ouganda à l’établissement de cartes géographiques en Asie du Sud-Est, en passant par la gestion de l’eau en Afrique du Sud, présentée comme exemplaire dans un pays où l »or bleu’ est plutôt rare.

Sans oublier que si les pays développés disposent d’un indéniable savoir-faire technologique, ils ont aussi à apprendre de l’ingéniosité, de la connaissance du terrain et des méthodes ancestrales des pays en développement.

Comme le résume Wolfgang Kinzelbach, le Centre travaillera «dans le respect et l’enrichissement mutuels», et ne manquera pas d’encourager également les partenariats Sud-Sud.

Amérique latine: les limites du libéralisme

Autre champ de recherche, très présent au fil de cette journée d’inauguration: l’évaluation des politiques de développement.

Professeur à l’EPFZ, l’économiste Rolf Kappel a ainsi tiré un bilan plutôt sombre du ‘Consensus de Washington’, plan de redressement des économies en difficulté préconisé à la fin des années 80 par les institutions financières internationales.

En Amérique latine, où de nombreux pays ont appliqué une partie de ces remèdes d’inspiration libérale, on est certes parvenu à juguler l’inflation, à faire baisser la dette publique et à relancer les investissements, mais cette relance n’a pas profité – et de loin – à l’ensemble de la population.

Aujourd’hui, le pourcentage des personnes qui doivent survivre avec moins d’un dollar par jour a augmenté dans ces pays, en raison principalement de la mauvaise gouvernance et de la corruption.

Et de manière significative, les gens se méfient fortement des politiciens et des grandes compagnies, pour accorder presque exclusivement leur confiance à l’église… et à la télévision.

Rolf Kappel en conclut que les économistes ont encore pas mal de travail pour arriver à proposer des remèdes efficaces.

swissinfo, Marc-André Miserez

Le Centre Nord-Sud, inauguré vendredi, est issu de la fusion du ZIL (Centre suisse pour l’agriculture internationale) et du NIDECO (Réseau pour le développement et la coopération internationales), deux structures actives depuis des années au sein de l’EPFZ.

La Haute Ecole zurichoise a alloué au nouveau Centre un budget de 3,2 millions de francs pour ses trois premières années de fonctionnement. Une somme très modeste en regard des besoins, mais qui va surtout servir à lever d’autres fonds sur des projets précis, que ce soit auprès de la DDC, l’agence gouvernementale de coopération au développement, du Fonds national de la recherche, des Secrétariats d’Etat à l’économie et à l’éducation et la recherche, voire de l’Union européenne ou des Nations Unies.

L’autre Ecole polytechnique fédérale suisse, celle de Lausanne (EPFL) dispose d’une structure similaire.

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