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Le tour du monde en 80 jours repeint en vert

La Zerotracer de l'équipe suisse au moment du départ à Genève. Keystone

Une poignée de véhicules électriques ont quitté Genève lundi pour un tour du monde visant zéro émission de CO2. Deux ans après son périple en taxi solaire, le Suisse Louis Palmer souhaite susciter la mobilisation autour du changement climatique, de la mobilité et des énergies renouvelables.

«Participer à une telle aventure, j’ai encore de la peine à y croire, hésite Nick Jones, le pilote de l’équipe australienne Team Trev, au départ avec une voiture à trois roues. On se croise les doigts.»

Les choses sérieuses ont donc commencé lundi sous les yeux d’une bonne centaine de journalistes, pas moins. Sur la grille de départ, trois équipes d’Australie, d’Allemagne et de Suisse, qui seront rejointes à Lausanne par une homologue de Corée du Sud.

A Genève, les trois véhicules transportant deux hommes chacun se sont mis en branle devant le siège européen des Nations unies avant de progresser sur l’allée des drapeaux menant à la Place des nations.

Ils ont ensuite traversé la ville et pris la direction de l’Est pour une traversée de la Suisse, premier jalon d’une course bien sûr inspirée par Jules Verne. Au bout des 30’000 km prévus, ils seront de retour en janvier 2011 à Genève.

Chemin faisant, les quatre équipes verront 150 villes. Parmi elles, Bruxelles, Berlin, Moscou, Shanghai, Los Angeles et Cancun, au moment du sommet onusien sur le climat à fin novembre.

Cette idée d’une course à zéro émission, Louis Palmer l’a développée suite à l’écho incroyablement positif suscité par ses 18 mois à travers 38 pays en taxi solaire. Un périple qu’il a achevé en décembre 2008 à Root, dans le canton de Lucerne.

«L’opération Solar Taxi a été un vrai succès, avec 770 millions de personnes touchées grâce aux médias. L’intérêt a été tel que je me suis dit qu’il fallait le refaire, explique le Suisse. Ensemble, nous pouvons montrer qu’il s’agit de la mobilité de l’avenir, gage d’une planète plus verte, plus durable.»

Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement, Achim Steiner salue la nouvelle idée de Louis Palmer. A ses yeux, elle «souligne l’importance des efforts individuels pour bâtir à l’échelle du monde un avenir écologique et sobre en carbone.»

Des amis électriques

Les quatre équipes qui participent à cette Zero Race sont de vieilles connaissances de Louis Palmer. Il les a rencontrées lors de son aventure du taxi solaire. Toutes travaillaient déjà sur des projets de véhicules verts.

«Je me réjouis vraiment d’emmener autour de la planète la voiture que j’ai conçue», confie Tobias Wuelser, patron de l’équipe suisse Orlikon Solar Racing Team (Zerotracer).

Avec ses collaborateurs de Winterthur, il a fallu cinq ans à cet ingénieur de 32 ans pour perfectionner sa moto électrique deux places, dont le châssis allongé est affublé de technologies de pointe.

La Zerotracer, 120’000 francs de puissance, est «la moto électrique la plus rapide du monde», assure Tobias Wuelser. Sa vitesse peut côtoyer les 240 km/h. Et sa batterie cobalt-lithium-magnésium de 420 volts lui offre une autonomie de 350 km.

La question de la fiabilité

Parmi ses principaux contradicteurs, il faudra compter sur la Trev («Two-seater Renewable Energy Vehicle») – une voiture à trois roues de 350 kg fabriquée par des étudiants de l’Université d’Australie du Sud à Adélaïde.

Cette dernière est moins rapide que la Zerotracer – 120 km/h au maximum – et dotée d’une autonomie de 250 km. Ce qui n’empêche pas Nick Jones de croire en ses chances et celles de son équipe.

«Le point crucial de la course, ce sera la fiabilité et la sécurité – le voyage sera long», prévoit l’Australien. Les autres véhicules en course sont une voiture 4X4 de Corée du Sud, appuyée par la compagnie PowerPlaza, ainsi qu’une moto dotée d’une grande autonomie, pilotée par l’équipe Vectrix Team, de Berlin.

Nids de poule et montagnes

Comme organisateur, Louis Palmer accompagnera les équipes. Il sera épaulé par un collègue, une équipe de tournage et un guide local dans chaque pays traversé.

«Ce sera important surtout en Russie, en Chine et au Kazakhstan, explique ce dernier. Espérons que les feux se seront calmés en Russie lorsque nous y serons dans un mois.»

Tobias Wuelser a lui aussi quelques kilomètres au compteur puisqu’il a couru l’Europe et l’Afrique à bécane. Son principal souci, ce sont les nids de poule en Asie. «Le grand test, pour moi, ce sera la traversée du Désert de Gobi entre le Kazakhstan et la Chine, qui prendra un mois.»

Nick Jones voit un autre challenge: la première étape à travers les Alpes suisses. Ces montagnes sont «bien plus raides que les collines autour d’Adélaïde» où la Trev a subi tests et mise au point.

Un message vert

La Zero Race, c’est essentiellement de longues étapes et un timing serré. «Durant mon voyage en taxi solaire, je couvrais 300 km par jour, explique Louis Palmer. Cette fois, nous en ferons 500.»

La course comprendra 80 jours de route et deux mois de haute mer. Les véhicules seront en effet acheminés en bateau d’un continent à l’autre, étant entendu que ce moyen de transport est à la fois moins polluant et moins cher que l’avion.

Au final, le gagnant ne sera pas forcément le premier à passer la ligne à Genève. Mais l’équipe qui aura emmagasiné le plus de points sur la base de 80 compétitions différentes au cours du tour, en fonction de critères comme l’efficacité, la fiabilité, la durabilité, la facilité d’utilisation, le design et la popularité, explique Louis Palmer.

Ceci dit, la course vise avant tout à faire passer un message. A l’image du taxi solaire, cette compétition servira à susciter un enthousiasme populaire en faveur des énergies renouvelables et à «secouer les politiciens et les décideurs de l’économie». Les organisateurs veulent montrer ce qu’il est possible de faire aujourd’hui en matière de véhicule électrique et inciter à investir dans les nouvelles technologies vertes.

Simon Bradley, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Pierre-François Besson)

En 2009, il s’est vendu en Suisse 53 véhicules électriques sur un total de 266’000 (chiffres arrondis) nouvelles voitures. En 2008, ce chiffre était de 21 sur 288’000, en 2007 de 19 sur 284’000 et en 2006 de 7 sur 269’000.

La proportion des nouvelles voitures dotées de propulsion alternative vendues en Suisse a atteint 1,9% en 2009. Cette catégorie inclut les modèles hybrides, les motorisations au gaz, électriques et au bioéthanol. Pour le reste, deux-tiers des voitures roulent à l’essence et un tiers au diesel.

Le prix minimum pour une véhicule électrique se situe entre 30’000 et 60’000 francs en Suisse actuellement. La majorité sont des voitures traditionnelles affublées d’un moteur électrique. Selon les constructeurs, les prix baisseront avec la production de masse.

La tendance à acquérir des véhicules verts s’est accrue depuis la décision de l’Union européenne sur les émissions de gaz à effet de serre l’an dernier. L’UE a fixé à 130 g/km de CO2 la cible qui sera appliquée progressivement entre 2012 et 2015.

La moyenne actuelle d’émissions de CO2 des voitures dans l’UE est de 158 g/km contre 183 g/km en Suisse.

Les véhicules en compétition doivent :

– Etre mus par un moteur électrique
– Progresser à 80 km/h minimum sur 250 km au moins
– Etre en mesure de parcourir 500 km par jour, avec recharge de quatre heures durant le repas de midi
– Transporter deux passagers au moins
– Utiliser une énergie renouvelable produite par des panneaux solaires, le vent, les vagues et la géothermie dans le pays d’origine de chaque équipe. Une énergie livrée dans le réseau et accessible en route via des prises

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