Les seniors absents de la Toile menacés d’isolement
Bien que l'utilisation d’Internet se développe parmi les aînés suisses, une proportion assez importante d’entre eux n’est pas encore connectée. Des spécialistes estiment qu’ils courent le risque de se voir couper des principales sources d’information et de contact social.
La proportion de seniors en ligne a augmenté de 47% en cinq ans, selon une étudeLien externe effectuée par le Centre de gérontologie de l’Université de ZurichLien externe pour le compte de l’organisation Pro Senectute. Cela signifie que plus de la moitié des plus de 65 ans (56%) utilisent actuellement Internet. Il demeure cependant toujours un écart par rapport au reste de la population (88% en 2015).
«Aujourd’hui, Internet occupe une place si importante dans la vie quotidienne que les retraités veulent aussi en profiter, indique Béatrice Fink, membre de la direction de Pro SenectuteLien externe. Une partie d’entre eux a du reste déjà utilisé des ordinateurs durant la vie professionnelle.»
«Les nouveaux outils, comme les tablettes ou les iPad, facilitent aussi l’accès des seniors à Internet. Nous pensons que c’est une des raisons pour lesquelles l’utilisation de ces possibilités augmentera fortement au cours des prochaines années», ajoute-t-elle.
Il existe cependant de grandes disparités parmi les plus de 65 ans: ainsi, le taux de personnes âgées de 65 à 69 ans connectées à Internet est presque égal à celui de la population générale.
Au sein des plus âgés, le courrier électronique et la recherche d’informations, particulièrement dans le domaine des voyages et de la santé, mais aussi sur les sites officiels, sont les utilisations les plus communes, les médias sociaux étant moins populaires. Les achats en ligne sont également moins prisés, surtout pour des raisons de sécurité.
Deux types de non-connectés
Ce qui laisse toujours 44% de seniors non connectés. Ils peuvent être rangés en deux catégories, selon le responsable de la recherche Hans Rudolf Schelling, directeur du Centre de Gérontologie.
«Il y a ceux qui s’intéressent à la technologie mais qui ont des réserves, par crainte que cela ne soit trop difficile ou trop cher, explique-t-il. Ceux-là ont besoin d’un certain soutien, d’une aide pratique et d’encouragements de la part de leur environnement social pour faire le pas vers Internet. Et il y a ceux qui ne s’y intéressent pas du tout, qui ne voient pas à quoi cela peut leur servir.»
L’étude a constaté que seul un petit nombre (15%) de non-connectés a manifesté son intention d’utiliser Internet dans le futur, la raison principale étant les petits-enfants. Plus de la moitié d’entre eux ont fait appel à leur cercle d’amis ou familial pour leur fournir des informations en ligne, indique par ailleurs l’étude.
Les risques
«Il y a un risque que ceux qui n’ont pas accès à Internet auront de plus en plus de difficulté à accéder aux informations officielles ou aux actions et programmes de médecine préventive», avertit Béatrice Fink.
C’est la raison pour laquelle Pro Senectute réalise un travail de sensibilisation sur ces questions et organise des cours de facilitation d’accès à Internet. L’un des plus populaires, offert conjointement avec les Chemins de fer fédéraux suisses, porte sur l’achat de billets en ligne.
Autre innovation, ComputeriasLien externe, une plate-forme suisse alémanique de cours et de conseils animée par des seniors pour des seniors (et souvent soutenue par Pro Senectute).
swissinfo.ch a assisté à un de ces cours à Zurich, organisé dans un centre communautaire catholique. Plusieurs vieilles dames étaient au travail devant des ordinateurs portables. Certaines d’entre elles avaient déjà utilisé un ordinateur dans le cadre de leur travail et voulaient par exemple s’initier à la téléphonie sur Internet pour rester en contact avec leur famille à l’étranger, d’autres n’en avaient qu’un usage limité. «C’est mon mari l’expert en informatique», a indiqué l’une d’elles.
Les développements technologiques et l’avenir
La responsable du cours, Dorothee Landolt, 67 ans, ancienne programmatrice, a expliqué que les développements technologiques ont joué un rôle dans l’augmentation de l’utilisation d’Internet. «Auparavant, les ordinateurs étaient beaucoup plus chers. Seuls les gens vraiment motivés en possédaient, alors que maintenant, c’est le cas de tout le monde. D’autre part, les sites sont aussi beaucoup plus faciles à utiliser et les gens qui gagnent leur vie avec le Web se sont rendu compte que, pour vendre leurs produits, ils doivent pouvoir être compris par tous.» Et d’ajouter qu’il ne faut plus non plus être un expert pour utiliser un ordinateur.
L’étude prévoit que l’utilisation d’Internet parmi les aînés va continuer d’augmenter et que le fossé numérique entre les générations se réduira, même s’il ne sera pas complètement comblé, en raison de l’arrivée constante de nouvelles technologies
Mais elle précise aussi qu’il faut accepter que des personnes âgées restent non connectées. Elles ne doivent pas pour autant être marginalisées socialement. On ne devrait pas non plus considérer Internet comme la seule solution aux problèmes sociaux et d’isolement. «Pour les gens qui ne peuvent pas ou ne veulent pas utiliser Internet, on doit garantir des solutions alternatives d’accès aux informations, comme les comptes bancaires», ajoute Hans Rudolf Schelling.
Comparaison internationale
Pour ce qui est du nombre de seniors utilisant le numérique, la Suisse figure dans le groupe de tête des pays européens, selon le responsable de la recherche Hans Rudolf Schelling. «Elle arrive derrière les pays nordiques, comme la Suède, la Norvège, la Finlande, les Pays-Bas et le Danemark, mais devant la France et l’Allemagne, et très loin devant l’Italie. Ces différences pourraient s’expliquer par des facteurs culturels et financiers.
(Adaptation de l’anglais: Isabelle Eichenberger)
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