Les vignerons divisés sur les copeaux de chêne
Plusieurs régions viticoles helvétiques ont interdit l'usage de copeaux de chêne pour élever des vins d'appellation contrôlée, ceci malgré une nouvelle loi fédérale qui admet ce procédé.
Les producteurs qui le refusent estiment que celui-ci est étranger à la tradition du pays et qu’il menace la qualité des vins locaux. D’autres sont cependant moins critiques.
Depuis le 1er janvier 2007, les copeaux de chêne – qui confèrent aux vins des arômes boisés – sont admis par la Confédération pour tous les crus.
Courant en Amérique, en Australie et en Afrique du Sud, ce procédé diminue les coûts de production. Il accélère en effet le vieillissement du vin et évite un long entreposage dans des fûts de chêne.
Plusieurs cantons viticoles refusent cependant cette pratique. Ils interdisent l’utilisation de copeaux de chêne pour élever des vins portant le label ‘Appellation d’origine contrôlée’ (AOC), dont bénéficie plus de trois quarts de la production suisse.
Dix fois moins cher
Grand canton producteur, le Valais mène la fronde contre cette mesure, par laquelle la Suisse s’est mise en conformité avec l’Union européenne, où le procédé est autorisé depuis le 11 octobre 2006. Les cantons de Genève, de Neuchâtel et du Tessin y sont également opposés.
«Nous n’avons aucune tradition liée à l’utilisation de ces copeaux qui, de plus, n’apporte pas de plus-value en terme d’image et de notoriété», explique Pierre-André Roduit, chef de l’Office valaisan de la viticulture. Leur interdiction est inscrite dans la nouvelle ordonnance cantonale sur la vigne et le vin, qui entrera en vigueur le 1er juillet.
«L’utilisation de copeaux est certes au minimum dix fois moins cher qu’une vinification en barrique, mais à nos yeux, la valorisation de notre culture et de notre savoir-faire est plus importante», souligne Pierre-André Roduit.
Vaud fait bande à part
A Genève, une interdiction similaire est en vigueur pour les vins arborant une AOC. Mais elle s’applique exclusivement au millésime 2007 et sera réexaminée en 2008 dans le cadre de la révision de la législation cantonale.
A Neuchâtel, le gouvernement a pris la décision vendredi d’interdire les copeaux de chêne pour tous les vins d’appellation neuchâteloise. Ceci sur avis de l’interprofession viti-vinicole cantonale.
Mais la gronde anti-copeaux de chêne ne s’étend toutefois pas à l’ensemble du pays. Dans le canton de Vaud, la Communauté interprofessionnelle des vins vaudois (CIVV) s’est prononcée pour une utilisation «sans restriction» des copeaux.
Pour son président, Gilles Cornut, il serait malvenu de demander au canton de légiférer sur le sujet «alors qu’aucun contrôle efficace n’est pour l’heure envisageable». Le CIVV souhaite aussi prendre en compte les exigences du marché et de la concurrence étrangère.
Confusion pour le consommateur
Pour sa part, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), à l’origine de la nouvelle loi, confirme que les cantons qui interdisent les copeaux de chêne pour les vins labellisés n’enfreignent pas la règlementation fédérale. Ils sont en effet souverains quant à la façon de réglementer les AOC.
La législation fédérale précise que les vignerons qui utilisent des copeaux de chêne ne sont pas autorisés à mentionner ‘vieilli en barriques’ sur leur production. Mais ils ne sont pas obligés de préciser sur l’étiquette que leur produit a été vinifié avec adjonction de copeaux. Aux yeux de la Confédération, une telle obligation aurait constitué une entrave à la liberté du commerce.
Une situation susceptible de créer la confusion, estiment les associations de consommateurs et l’Association suisse des vignerons-encaveurs, qui représente 600 domaines dans tout le pays. Cette dernière demande que l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) soit refusée aux vins boisés artificiellement et que la question se règle au niveau fédéral plutôt que cantonal.
Claude Bocquet-Thonney, président de l’Association suisse des vignerons-encaveurs, a confié à swissinfo que les membres de l’association continueraient à faire pression en faveur d’un étiquetage plus clair, à défaut de quoi les consommateurs sont, selon ses termes, «escroqués».
swissinfo, Adam Beaumont et les agences
(Traduction et adaptation de l’anglais: Carole Wälti)
Selon l’Office fédéral de l’agriculture, la consommation suisse de vin est tombée l’an dernier à 270 millions de litres, soit 2,5% de moins qu’en 2005 (272,9 millions de litre, contre 282,4 millions de litres en 2004).
La diminution du taux d’alcoolémie toléré au volant, qui est passé en janvier 2005 de 0,8 à 0,5 pour mille, explique en partie cette baisse, mais la tendance à boire moins de vin est un phénomène que l’on observe partout.
En 2006, il s’est vendu 168 millions de litres de vin étranger et un peu plus de 100 millions de litres de vins indigènes en Suisse, dont plus de la moitié de rouge (51,9 millions de litres).
Dans le détail, on note que le recul des ventes touche davantage les vins suisses (-4%) que les crus étrangers (-1,6%).
Décrite comme «faible», la récolte de l’an dernier n’a dépassé celle de l’année précédente que de 1%.
C’est en Valais que l’on trouve les plus grandes surfaces de vigne en Suisse, avec 5’136 hectares.
Vaud: 3’851 hectares.
Genève: 1’288 hectares.
Tessin: 1’036 hectares.
Zurich: 619 hectares.
Neuchâtel: 596 hectares.
Schaffhouse: 472 hectares.
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