«Main dans la Main», une école judéo-arabe pour la paix
Au coeur de Jérusalem, entre le quartier juif de Patt et le quartier arabe de Beit Safafa, une école bilingue s'agrandit. En partie grâce à un financement suisse.
Fondée par l’organisation «Yad b’Yad» («Main dans la Main»), qui promeut la coexistence, cette institution unique à Jérusalem est une école de paix.
Solennité requise pour la cérémonie d’inauguration du nouveau complexe de bâtiments de l’école, le 21 octobre dernier. Y prenaient part Walter Fust, chef de la DDC, l’agence gouvernementale de coopération au développement et François Chappuis, ambassadeur de Suisse en Israël.
Les 5000 m2 de nouveaux bâtiments d’allure résolument moderne au milieu de vastes espaces aérés n’ont pas encore ouvert leurs portes pour des raisons techniques. Mais élèves et enseignants devraient en prendre possession avant la fin de l’année.
Le terrain a été offert par la municipalité de Jérusalem et la construction financée principalement par des donateurs étrangers. La Suisse, par le biais de la DDC, a fait un don de 3 millions de francs.
Plusieurs cantons, dont ceux de Bâle, de St-Gall, de Zurich, de Schaffhouse et des Grisons ont aussi contribué, pour une somme totale de 235’000 francs. Sans oublier quelques fondations et entreprises suisses, comme Novartis, qui se sont aussi jointes à l’effort.
Espoir de coexistence multiculturelle
L’école, qui depuis huit ans dispense son enseignement en arabe et en hébreu, est située entre le quartier juif de Patt et le quartier arabe de Beit Safafa. Sa direction et bicéphale et ses professeurs se recrutent dans les deux communautés.
«Le but, explique Ala Khatib, directeur arabe de l’établissement, est de permettre aux enfants de chaque communauté de découvrir la culture et l’histoire des autres, tout en consolidant leur propre identité religieuse et culturelle».
«Un espoir de coexistence multiculturelle, un miroir des diversités religieuses et sociales de Jérusalem», ajoute Dalia Peretz, directrice juive de l’établissement, qui déplore «la séparation des enfants juifs et arabes».
Chaque communauté dans ce pays dipose en effet de son propre réseau d’établissements scolaires.
«Ce qui se passe ici est une rupture radicale avec ce qui se pratique ailleurs, puisque des enfants arabes et juifs, étudient les uns avec les autres depuis l ‘âge de la maternelle jusqu’aux classes du lycée», souligne-t-elle.
Naturellement bilingues
«Nous visons à placer les deux cultures – arabe et juive – sur un pied d’égalité. C’est la raison pour laquelle les cours ont lieu en hébreu et en arabe. Les enfants y deviennent naturellement bilingues», ajoute Dalia Peretz.
«Sur les 400 élèves actuels, 200 sont arabes, précise Ala Khatib. La plupart viennent de Beit Safafa toute proche, mais aussi de différents quartiers de Jérusalem-Est».
Quel est l’intérêt, pour des parents palestiniens, de placer leur progéniture dans ce genre d’établissement? «Ces familles arabes croient à la coexistence pacifique. Chaque parent qui inscrit son enfant dans cet établissement sait pertinemment à quoi il doit s’attendre. Il doit accepter la vision – pacifique et multiculturelle de l’école», note encore Ala Khatib.
La même question se pose pour les parents juifs. «Je pense, dit Dalia Peretz, que ces parents y voient une chance d’éduquer leurs enfants d’une autre manière, dans un endroit de tolérance, de respect mutuel… de leur apprendre aussi à vivre avec d’autres enfants de culture et de religion différentes. Et puis l’école a la réputation d’être une bonne école. C’est là un argument qui ne laisse pas les parents indifférents».
Apprendre à vivre ensemble
«Ce n’est pas simplement une école bilingue, ici nous leur apprenons à vivre ensemble, à recevoir une éducation parallèle, à développer des relations extrascolaires. Nous célébrons toutes les fêtes religieuses – musulmanes, chrétiennes, juives – et leur enseignons aussi les livres de ces trois religions monothéistes», précise Ala Khatib.
Est-il possible de laisser les conflits politiques sur le seuil de l’école ou, au contraire, les tensions du monde extérieur se reflètent-elles dans le quotidien des élèves ?
A cette question la réponse de Ala Khatib est claire: «Nous voulons qu’ils s’expriment librement, qu’ils ne dissimulent pas au fond d’eux-mêmes leurs sentiments. Nous voulons qu’ils en discutent, qu’ils dialoguent. S’il n’y avait pas de conflit entre eux, je dirais que quelque chose ne tourne pas rond à l’école. Il y a le conflit israélo-palestinien, mais nous prouvons quotidiennement qu’il est possible d’être amis malgré nos divergences».
Un exemple pour d’autres
«Les Suisses, insiste Ali Khatib, avec leur tradition multiculturelle, peuvent mieux comprendre l’importance de cette expérience».
Dalia Peretz renchérit aussitôt: «le peuple suisse peut vraiment comprendre l’utilité de mettre en place ici des infrastructures destinées à faire vivre ensemble enfants juifs et arabes. Les Suisses y voient sans doute, comme nous, un moyen d’espérer dans l’avenir».
C’est aussi le sentiment d’Irene Pollak, suissesse originaire de Zurich qui dirige le département des pays de langue allemande à la Fondation de Jérusalem. Elle tient à souligner que la générosité de la DDC a servi d’exemple à d’autres agences de coopération.
L’aide de la DDC, en effet, a eu un tel impact que d’autres pays européens ont décidé alors de se joindre aux donateurs, comme l’Allemagne, l’Autriche ou le Liechtenstein.
swissinfo, Simon Léger à Jérusalem
L’établissement judéo-arabe de Jérusalem a montré la voie: trois autres écoles semblables existent désormais en Israël.
La dernière en date est celle de Beersheva (capitale du Neguev). Selon Ala Khatib, elle accueille 1000 enfants et d’ici cinq ans, cette capacité pourrait passer à 5000 élèves.
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