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Un train pour réduire la pression automobile sur Genève

Les officiels suisses et français ont célébré la jonction des deux tunnels du CEVA à l'est de Genève, le 23 septembre dernier. Keystone

Les routes du canton de Genève sont très régulièrement congestionnées aux heures de pointe par des milliers de voitures immatriculées dans le canton de Vaud et en France. Mais le bout du tunnel pourrait être en vue grâce à un nouveau système ferroviaire transfrontalier connu sous le nom de CEVA/Léman Express.

«C’est un cauchemar», s’exclame Vincent Le Breton. Ce garçon de café vient travailler quotidiennement à Genève depuis la ville française de Thonon, située à 35 kilomètres. Mais certains jours, ce trajet peut prendre jusqu’à une heure et demi sur les routes bouchonnées du sud du lac Léman. «Je travaille ici depuis un an. Avant, je vivais en Bretagne. Mais je n’avais jamais rien vu de semblable auparavant: il y a des bouchons partout», se lamente-t-il. 

Seconde ville suisse par la taille, Genève se trouve à un carrefour très fréquenté avec la France et les Alpes. Presqu’un million de personnes vivent dans la ville et sa zone élargie appelée Grand Genève. Avec ses salaires et son standard de vie élevés, Genève est victime de son succès et continue d’attirer un flot continu de gens qui viennent y travailler et y vivre. On s’attend à une hausse de population d’au moins 200’000 âmes d’ici 2030.

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Révolution en vue

Les problèmes chroniques de transport persistent. Chaque jour, 550’000 personnes franchissent les frontières genevoises en provenance de France et du canton de Vaud, la plupart en voiture privée. Ce chiffre devrait passer à 694’000 d’ici 2020. 

Les autorités reconnaissent que les routes congestionnées menant à la ville sont proches du niveau de saturation, spécialement aux heures de pointe. Gérer les flots de voitures, trams, piétons et vélo dans le centre densément peuplé, où sont situés la plupart des emplois, est comme une «mécanique de précision», selon elles. Un accident de la route ou la rupture d’une conduite d’eau, comme c’est arrivé en 2012, peuvent paralyser le centre de Genève. 

Mais nous sommes peut-être à l’aube d’une révolution des transports. Le mois dernier, des officiels suisses et français se sont serrés la main et ont souri aux caméras de télévision dans les profondeurs souterraines situées près de Moillesulaz, à la frontière franco-suisse au sud-est de Genève. On célébrait alors la jonction de deux tunnels, l’un en provenance de Genève et l’autre de la ville française d’Annemasse. Ce tunnel représente une étape importante dans la réalisation du projet de liaison ferroviaire transfrontalière appelé CEVA, diminutif de Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse. 

«C’est un jour historique pour Genève et sa région. Ce n’est pas tous les jours que l’on creuse un tunnel entre les deux pays», a déclaré Luc Barthassat, ministre genevois des Transports.

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Colonne vertébrale

Les travaux de construction du CEVA ont commencé en 2011 et le projet est désormais réalisé à presque 60%. Lorsque tout sera achevé, en décembre 2019, les réseaux ferrés de France et de Genève seront connectés pour créer un lien continu entre la gare principale de Genève (Cornavin) et Annemasse. Des trains régionaux réguliers couvriront la distance de 16 kilomètres en 20 minutes avec une cadence d’un train toutes les dix minutes aux heures de pointe. 

Mais le CEVA est lui-même destiné à s’intégrer dans un projet ferroviaire plus large entre la Suisse et la France, connu sous le nom de Léman Express. Lors de la réunion historique du mois dernier, les officiels des deux pays ont rivalisé d’éloges pour louer les mérites du nouveau système. 

«Le CEVA va changer la manière de se mouvoir à l’avenir, c’est une vraie révolution en terme de mobilité», a notamment déclaré le maire d’Annemasse Christian Dupessey. 

Carte du futur réseau CEVA/Léman Express. CEVA/Leman Express

50’000 passagers 

Les autorités indiquent que lorsque le projet sera achevé, 240’000 personnes se retrouveront à moins de 500 mètres d’une gare. Elles estiment que 50’000 passagers pendront quotidiennement l’un des 40 trains Léman Express sillonnant le réseau. 

Les gens sont attachés à leur voiture, estimant qu’elles représentent «le meilleur moyen de transport disponible», affirme Philippe Gaudron. Mais le chef des infrastructures des Chemins de fer fédéraux souligne que «partout où l’on met en place un train régional de type RER, comme à Bâle ou à Zurich, il y a soudainement un changement dans la répartition des transports avec davantage de gens qui prennent les transports publics. Il n’y a pas de raison pour que ce soit différent à Genève.» 

Vincent Kaufmann, expert de la mobilité à l’Ecole polytechnique de Lausanne, pense aussi que le CEVA aura un impact positif sur le transport local. «Il offrira un service de qualité comparable au RER zurichois. Il rapprochera les voisins et offrira un très bon service ferroviaire vers Evian et la vallée de l’Arve. Il sera en revanche assez médiocre vers Annecy.» 

Barbara (nom fictif) travaille comme agent de sécurité à Genève, mais vit à Annecy. Elle indique qu’elle utilisera probablement le Léman Express, même si cela ne lui raccourcira pas le trajet. «Les gens veulent changer leurs habitudes, dit-elle. Je suis de Strasbourg et lorsque le tram y a été introduit, les gens ont beaucoup bougonné. Mais maintenant, tout le monde en ville l’utilise plutôt que la voiture.» 

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Inertie

Cela prendra du temps, estime Damien Cataldi, analyste de la mobilité du Département genevois des transports. Selon lui, il y aura d’abord une «inertie» initiale de la part de propriétaires de voiture, qui durera entre quatre et cinq ans, mais finalement, davantage de personnes passeront aux transports publics. 

Ses services prévoient que le pourcentage de gens empruntant les transports publics pour passer toutes les frontières genevoises passera de 12% (chiffres 2011) à 18% (2020), lorsque le réseau régional sera opérationnel. 

Vincent Kaufmann relève toutefois que les autorités suisses et françaises ont sous-estimé l’impact éventuel du CEVA, en se concentrant trop sur les retards, les oppositions et les coûts. «Ma prédiction est que les autorités locales françaises seront incapables de faire face à la forte demande et qu’il y aura une forte pression de la part des usagers pour améliorer les transports publics une fois que le CEVA aura commencé.»

CEVA/Léman Express 

En 1881, un traité a été signé entre la France et la Suisse pour construire une liaison ferroviaire entre Annemasse et Genève, mais il n’a jamais vu le jour en raison de faux départs et de désaccords politiques. 

Le plan a été relancé dans les années 1990 en vertu d’un projet connu sous le nom de CEVA, qui signifie Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse. Les travaux de construction ont finalement commencé du côté suisse en novembre 2011, après le rejet par les tribunaux de recours de riverains inquiets de l’impact du projet sur leurs maisons. Jusqu’à présent, le CEVA est terminé à 60%. La fin des travaux est prévue pour décembre 2019. 

Il y aura une liaison ferroviaire rapide entre Cornavin, la gare centrale de Genève et Annemasse, en France (20 minutes). Mais le CEVA fera partie d’un plus grand plan de développement ferroviaire local, connu sous le nom de Léman Express, qui s’étendra sur plus de 220 km et comprendra 45 gares, reliant plus d’un million de personnes dans les cantons de Genève et de Vaud et la région Auvergne-Rhône-Alpes. 

Le budget pour la partie suisse, qui étend sur 14 km et comprend deux tunnels, cinq nouvelles gares et deux ponts, est 1,567 milliard de francs. Le canton de Genève couvre 44% de cette somme et la Confédération finance le reste. Côté français, le coût de 234 millions d’euros est financé par la République, les régions et les collectivités locales. Cela comprend la modernisation de la gare d’Annemasse et la modernisation de la liaison ferroviaire vers Evian, au sud du lac Léman.

(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)

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