«Nous nous sentons comme des employés d’un parc d’attractions»
Le tourisme de masse est devenu un problème à Lauterbrunnen, dans l'Oberland bernois. Les résidents et résidentes de la commune ont exprimé leur mécontentement lors de l'assemblée de district. Prise de température.
«Nous sommes désespérés, nous les autochtones n’avons tout simplement plus de place à Lauterbrunnen», affirme une habitante de Lauterbrunnen. La commune de la région de la Jungfrau croule sous l’afflux de touristes. L’afflux exceptionnel de cet été a fait déborder le vase.
La semaine dernière, la commune s’est sentie obligée de donner la parole aux habitants et habitantes du lieu. Elle a organisé une réunion où les gens ont pu se défouler.
Aux yeux des autochtones, ce sont surtout les touristes d’un jour qui sont problématiques pour la circulation. Ils viennent surtout pour les chutes du Staubbach, la plus haute chute d’eau en chute libre de Suisse. «Ils viennent en voiture de location, photographient la chute de Staubbach et repartent», explique un habitant. Cette situation engendre un chaos sur les routes. «J’ai l’impression d’habiter à côté d’une autoroute, les gens entrent dans la vallée et en sortent. C’est pénible», s’est plaint un riverain lors de l’assemblée.
Effectivement, les bouchons sont quasi quotidiens dans la vallée. Pourquoi ne pas simplement ériger une barrière sur la route? «Ce serait souhaitable, mais ce n’est pas réalisable», explique le président de la commune, Karl Näpflin. «D’une part, il manque la base légale pour mettre une barrière sur la route cantonale, d’autre part, la vallée est tout simplement trop étroite».
Des hôtes difficiles et des résidents déçus
Outre les rues encombrées et les parkings pleins, une partie des clients se sont comportés de manière problématique cet été: «Les gens ne se mettent pas sur le côté sur le trottoir et les rues sont encombrées», explique une participante à l’assemblée. Une autre ajoute: «Les personnes âgées en particulier souffrent de cette situation». Un troisième habitant se plaint des déchets qui traînent partout.
Karl Näpflin raconte lui aussi des événements fâcheux survenus dans sa commune: «Dans notre cimetière, des touristes ont joué au football et ont pris des photos debout ou allongés entre les tombes. Cela ne nous a pas du tout plu». Même dans des habitations privées, il y a déjà eu des incidents: «Aujourd’hui, il faut fermer la porte d’entrée quand on va brièvement dans le jardin. Sinon, des inconnus s’assoient soudain sur nos propres toilettes».
Le curé du village, Markus Tschanz, résume les préoccupations de nombreuses personnes: «Nous nous sentons comme des employés dans un parc d’attractions. Même le menuisier doit connaître toutes les langues et est devenu un employé de tourisme. Nous ne pouvons pas échapper à cette situation, car nous habitons ici».
Au cours de l’assemblée, l’impuissance des gens du coin était perceptible. Comment la commune tente-t-elle d’atténuer les problèmes liés au tourisme? Elle a placé des affiches et des dépliants avec des règles de comportement. Des personnes sont également chargées de réguler la circulation. Douze toilettes mobiles ont également été installées. Ce dernier point pose problème, car certains WC n’étaient pas installés dans les zones correspondantes. «Ce n’est pas l’objectif. Mais pour des mesures immédiates, nous avons dû agir brièvement de manière illégale», explique Karl Näpflin.
«Reste que ce ne sont pas des solutions durables. Nous devons informer les gens avant même qu’ils ne mettent les pieds dans la région de la Jungfrau. Ils doivent connaître nos règles et notre comportement dans la vallée, ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront passer leur séjour avec nous», avance Karl Näpflin.
Comme solution permanente, il est par exemple prévu de mettre en place des entrées avec ticket et barrière pour les chutes du Staubbach. D’autres solutions seront élaborées en collaboration avec les chemins de fer de la Jungfrau, le plus grand acteur touristique de la région. Karl Näpflin n’a toutefois pas pu dire à quoi elles pourraient ressembler concrètement.
La pénurie de logements, un problème récurrent
De nombreux lieux touristiques sont confrontés à ce problème. Si de nombreux appartements sont loués, l’espace habitable diminue. Les autochtones ne trouvent que difficilement et à grands frais un logement. C’est aussi le cas à Lauterbrunnen. Certes, il n’est plus possible d’y construire des résidences secondaires, mais de nombreux appartements existants sont vendus puis loués, par exemple via Airbnb. Ils ne sont donc plus à la disposition des résidents. Le conseil communal demande donc aux personnes qui possèdent des logements de les louer à des prix raisonnables à des habitants et habitantes de la région.
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