Nouvelle offensive pour bannir la cigarette
Une alliance de plus de quarante organisations se lance à l'assaut des derniers endroits publics acceptant encore la fumée en Suisse. Elle a commencé la récolte de signatures pour une initiative populaire plus sévère que le règlement adopté par le Parlement fédéral.
Environ la moitié des 26 cantons suisses se sont déjà dotés de lois interdisant la fumée dans les bars et les restaurants. Le Parlement fédéral a aussi accepté une solution nationale.
Fortement critiqué par les organisations de prévention, le compromis adopté autorise des fumoirs dans les restaurants d’au moins 80 mètres carrés. Problème: cette solution va moins loin que de nombreuses lois cantonales. Uri, Bâle-Campagne et le Valais ont par exemple des règlements plus sévères.
La disparité des réglementations pourrait induire une distorsion de concurrence dans la restauration, d’un canton à l’autre. En outre, argumentent les partisans de l’initiative «Protection contre le tabagisme passif», il n’est pas toujours aisé de calculer de façon précise les surfaces des locaux de restauration.
Une large alliance
La limite de 80 mètres carrés implique en tout cas en grand travail administratif, avec requêtes, contrôles, demandes de dérogations, etc. Les disparités cantonales sont donc un obstacle à une véritable prévention, dénoncent les auteurs de l’initiative.
«Une ville située sur la frontière entre le canton de Soleure, qui interdit la fumée dans les lieux publics, et le canton d’Argovie, qui ne le fait pas, pourrait avoir une double situation légale, a expliqué Otto Piller, président de la Ligue pulmonaire suisse. C’est une situation impossible.»
En cas d’acceptation en votation, l’article constitutionnel demandé par l’initiative interdirait de fumer dans tous les lieux fermés accessibles au public, restaurants, bars, écoles et hôpitaux. Le mégot serait aussi banni des lieux de travail fermés.
L’alliance autour du comité d’initiative comprend tant la Ligue suisse contre le cancer que des organisations médicales ou de promotion de la santé. Les syndicats comme Travail.Suisse en font aussi partie. Les promoteurs de l’initiative ont jusqu’en novembre 2010 pour récolter 100’000 signatures.
Selon un sondage réalisé auprès de 640 personnes, l’initiative serait acceptée par 68% de la population si le vote avait lieu aujourd’hui. «La volonté d’interdiction est bien là», assure Otto Piller.
Contre l’interdiction
Des opposants à l’interdiction, il y a en a quand même. C’est le cas de Walter Sachs, lui-même fumeur. S’il comprend la nécessité de protéger le personnel de la restauration, qui inhale parfois contre son gré l’équivalent d’au moins un paquet de cigarettes par jour, le Bernois ne pense pas qu’une interdiction à l’échelon national est le bon moyen de parvenir à cette protection.
«C’est totalement anti-démocratique, critique Walter Sachs. Les restaurants devraient pouvoir décider eux-mêmes s’ils interdisent ou non le tabac.»
C’est ce qu’a fait Cesari Inor, propriétaire d’un bar chic de Berne, il y a trois ans. Lui-même fumeur, il a décidé de n’autoriser la fumée que le soir et que dans certaines parties de son local. D’après lui, depuis, de jeunes parents avec leurs enfants viennent durant les heures sans tabac.
«Beaucoup de clients sont ravis, dit-il. Bien sûr, si une interdiction complète est décidée, nous l’appliquerons.»
«Nous ne voulons pas bannir complètement la fumée mais protéger la population contre les effets du tabagisme passif, a conclu la sénatrice radicale (PLR, droite) st-galloise Erika Forster, qui soutient l’initiative. Notre liberté personnelle atteint ses limites au moment où notre comportement est dangereux pour les autres.»
Tim Neville, swissinfo.ch
(Traduction et adaptation de l’anglais: Ariane Gigon)
Aujourd’hui, 73% des Suisses ne fument pas, contre 67% en 2001.
La fumée de cigarette contient plus de 4000 substances, dont l’arsenic, le cadmium, le plomb et le polonium radioactif.
Les effets du tabagisme passif ne sont pas encore aussi bien connus que ceux du tabagisme direct.
L’étude SAPALDIA, qui étudie les effets de la pollution de l’air sur la santé respiratoire et cardiovasculaire des adultes en Suisse, a néanmoins, par exemple, établi que l’air des établissements avec fumée compte huit fois plus de particules nocives que les locaux sans cigarettes. Certains bars ont même des valeurs 33 fois plus élevées que les valeurs «normales.»
Selon Thierry Carrel, chirurgien cardiaque à l’hôpital de l’Ile à Berne, les lois restrictives, notamment en Italie, ont déjà produit leurs bienfaits. A Rome, le nombre d’attaques cardiaques a diminué de 11% chez les personnes entre 35 et 64 ans depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction de fumer dans les restaurants et cafés en 2005.
L’Irlande, l’Ecosse, la France et les Etats-Unis annoncent des résultats semblables.
Si l’interdiction nationale voit le jour, Thierry Carrel estime que le nombre d’incidents coronaires diminuera de 3300 cas par an.
Plus de 100’000 personnes travaillent actuellement dans les restaurants, les cafés et les bars en Suisse et sont, de ce fait, exposés aux effets du tabagisme passif. Même sans être fumeurs eux-mêmes, les employés inhalent l’équivalent de 15 à 38 cigarettes par jour.
La loi adoptée par le Parlement fin de 2008 prévoit la possibilité de fumoirs avec service de restauration, si les employés sont d’accord. Pour les opposants à cette solution, cet «agrément» est factice car les serveuses et serveurs risquent de ne pas avoir le choix, sous peine de perdre leur emploi.
C’est pourquoi l’initiative demande une interdiction générale de fumer dans les locaux de gastronomie, sans fumoirs.
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