«Pangaea» de Mike Horn: vers un réseau mondial
La nouvelle aventure de l’explorateur a été lancée il y a plus d'un an. Mais quand s’arrêtera-t-elle réellement? Peut-être jamais. Derrière «Pangaea», c’est un véritable mouvement planétaire que vise Mike Horn…
«Pangaea» vogue de mer en océan, de fleuve en rivière. Une plateforme pour «explorer, apprendre, agir». Une démarche qui n’est pas sans rappeler un bateau nommé «Calypso», que dirigeait l’homme au bonnet rouge, Jacques-Yves Cousteau.
Régulièrement, Mike Horn est rejoint par des «Young Explorers» venus des six continents. L’aventure commence par l’envoi d’un dossier de motivation. Seize sont retenus, qui amènent leurs auteurs à un camp de sélection à Château d’Oex, dans les Alpes vaudoises. Après une dizaines de jours d’efforts, d’entretiens, de vie commune, huit sont retenus.
Après plusieurs autres, un tel camp a eu lieu à Château d’Oex début décembre. Et de nombreux autres suivront…
swissinfo.ch: Mike Horn, quelles sont les principales qualités que doivent avoir les jeunes pour avoir une chance de vous rejoindre dans le cadre de «Pangaea»?
Mike Horn: La première qualité, c’est la motivation. Ensuite, c’est l’énergie. Si tu as les deux, rien ne peut t’arrêter. On n’a pas besoin de jeunes qui soient uniquement forts physiquement. Ce ne sont pas nécessairement les bons leaders, ni les personnes idéales pour travailler dans une équipe, ni ceux qui seront le plus concernés par l’environnement…
Nous avons deux critères: l’intérêt pour l’état de la Terre et le fait d’être prêt à s’engager sur un «hot spot» de la planète. On essaie donc vraiment de regarder quelles sont les qualités de ces enfants pour pouvoir constituer un team et développer un network, un réseau d’interactions entre tous les continents.
swissinfo.ch: C’est donc un «Mike Horn’s human world wide web» qui est en train de se constituer?
M.H.: Oui. Et c’est un boulot gigantesque de répondre à toutes leurs questions, et parfois même de les calmer. On est toujours une toute petite équipe à Château d’Oex, et aujourd’hui, on est débordé face à la motivation de ce réseau. Il y a des projets qui sont en train de naître aux quatre coins du monde!
«Pangaea», c’est un projet énorme du point de vue de son potentiel. Ce projet – c’est peut-être gonflé à dire – va devenir l’un des plus grands projets environnementaux au monde.
A travers les quelques camps qu’on a réalisés, on constate qu’on n’a pas besoin de travailler avec des masses de gens, mais avec des leaders, ceux qui peuvent motiver les autres. C’est presque… viral! Un virus qui part, qui s’accroche à quelqu’un, et une fois qu’il s’est accroché, il cherche à contaminer les autres – partager, en l’occurrence.
En amenant des jeunes dans l’élément, que ce soit dans l’Antarctique ou en Papouasie, ils sont connectés à l’élément. Et il veulent faire quelque chose. Quand ils rentrent chez eux, à la maison, à l’école, dans leur job, ils véhiculent ce qu’ils ont vécu.
swissinfo.ch: «Pangaea» a été annoncé comme allant s’étendre sur une durée de quatre ans, de 2008 à 2012. Or il semble que c’est autre chose qui est en train de se mettre en place…
M.H.: Quand on recherche des partenaires, des sponsors, il faut pouvoir vendre son projet. Il fallait donc un début et une fin. Le projet annoncé était «100’000 km autour de la planète en quatre ans, un passage par tous les continents et tous les éléments de la nature».
swissinfo.ch: Pangaea, l’un des plus grands projets environnementaux au monde… Les gouvernements, les universités sont-ils prêts à prendre au sérieux une opération menée par Mike Horn l’aventurier?
M.H.: Les théoriciens peuvent parfois être méfiants à notre égard. Moi, je suis dans l’action, sur le terrain. Mais indirectement, nous avons vraiment une approche scientifique. Et on voit qu’un intérêt réel est en train de se développer, notamment en Asie. J’ai rencontré les ministres de l’environnement et du tourisme en Malaisie, où l’on nous a même offert des îles à «reconstruire», avec l’appui du gouvernement et des universités.
Moi, je ne suis qu’un homme d’action, rien d’autre. Je forme des ambassadeurs pour la planète. Est-ce qu’on prend Mike Horn au sérieux? Personnellement, je ne me prends pas au sérieux. Mais peut-être que les choses que je fais sont sérieuses.
swissinfo.ch: Prochain objectif: L’Inde…
M.H.: En janvier, une dizaine de jeunes adultes vont me rejoindre sur le terrain. On a décidé de s’attaquer à l’un des plus gros problèmes qu’on a constaté partout, les objets de plastique – bouteilles, sacs, etc. – qui flottent dans l’eau. Il y a une île flottante de déchets, qui fait presque la taille du Mexique, au nord de Hawaï…
L’une des rivières les plus polluées au monde, c’est le Gange. Il est presque mort. On va remonter le Gange avec Pangaea, et découvrir d’où viennent tous ces plastiques. On a aussi un projet qui concerne la mangrove à l’embouchure du fleuve, et un autre concernant les plateaux irrigués par le Gange. Les jeunes me rejoignent pendant environ trois semaines, mais Pangaea et moi restons dans la région du Bengladesh et de l’Inde pour environ deux mois.
swissinfo.ch: Pour conclure… Mike Horn, «Pangaea», c’est comme prévu, mieux que prévu?
M.H.: On a peu communiqué pour le moment. Mais aujourd’hui, on a réalisé tout ce qu’on a dit qu’on allait faire. Et à l’heure où tout le monde souffre de la crise économique, notre projet est en train de monter en force. Cela montre qu’on est parti dans la bonne direction.
On est victime de notre succès, car on a trop de travail, on est débordé par les projets… C’est une question de personnel et de budget. Peut-être doit-on maintenant un peu calmer le jeu. Plus grand est le projet, moins on peut lui donner de direction. Aujourd’hui, je vais essayer de revenir à un projet légèrement plus petit, mais bien dirigé, bien ciblé.
Bernard Léchot, Château d’Oex, swissinfo.ch
Ushuaia. En octobre 2008, Mike Horn et son équipe quittaient Ushuaia, au sud de l’Argentine, à bord du «Pangaea», un voilier de 34,70 mètres.
Voyage. Depuis, il est passé par l’Antarctique, le Pôle Sud, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Tasmanie, la Papouasie, les Iles Salomon, la Micronésie, la Mélanésie, le Japon, Taïwan, Hong-Kong, Singapour, Bornéo, la Malaisie. Prochaines étapes: le Bengladesh et l’Inde.
YEP. L’aventure «Pangaea» est accompagnée du «Young Explorers Program» (YEP): la possibilité pour des jeunes gens issus de tous les continents de rejoindre Mike Horn sur le terrain pour y participer à des projets environnementaux.
Château d’Oex. Mike Horn vit en Suisse, près de Château d’Oex (Alpes vaudoises). C’est là que sa femme, Cathy, œuvre avec quelques collaborateurs à la coordination de ses projets.
Johannesburg. Il est né en 1966 à Johannesburg, où ses parents étaient enseignants.
Contrastes. Sports multiples, armée (lieutenant dans les forces spéciales sud-africaines), diplôme de Science du mouvement humain à l’université de Stellenbosch.
Suisse. A 24 ans, il débarque en Suisse. Il accumule les petits boulots et se lance dans les sports de rivière: rafting, canyoning, hydrospeed… Dès lors, l’aventure ne le lâchera plus:
1991: les Andes péruviennes en raft et parapente.
1995: record du monde de saut de cascade en hydrospeed, au Costa Rica, avec un saut de 22 mètres.
1997: sa première grande expédition, la traversée de l’Amérique du Sud à pied, seul, durant 6 mois, qui s’achève par la descente de l’Amazone à la nage, depuis sa source au Pérou jusqu’à l’océan Atlantique.
1999-2000: «Latitude Zéro», le tour de la Terre le long de l’équateur sans aucun moyen de transport motorisé.
2002-2004: «Arktos», le tour de la Terre par le Cercle polaire.
2006: «North Pole Night Expedition», qui le voit rallier le pôle Nord en hiver, de nuit, sans assistance ni ravitaillement.
Depuis 2008: «Pangaea»
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