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Pas de solution miracle contre le varroa

A l'Agroscope de Liebefeld-Posieux, les chercheurs s'intéressent de près aux abeilles. Tomas Wüthrich

Les apiculteurs suisses croisent les doigts pour que l’automne et le printemps ne soient pas trop doux. L’an dernier, les conditions météo avaient conduit à une véritable hécatombe dans les ruches. Principal responsable, le varroa, un acarien qui décime les colonies d’abeilles.

La disparition des abeilles est un phénomène décrit depuis quelques années. En 2007, les Etats-Unis évoquaient déjà des dépeuplements massifs. Mais cette année en Suisse, il a pris une tournure catastrophique. Une étude réalisée auprès de 1200 ruchers  a montré que la moitié n’avaient pas survécu à l’hiver 2011-2012.

«L’analyse des résultats montre une image bouleversante: 50% correspond au chiffre difficilement imaginable de 100’000 colonies. Ce sont les pertes les plus graves enregistrées depuis que ces chiffres sont relevés systématiquement», indiquait l’Office fédéral de l’agriculture en mai.

Responsable numéro un

Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer la disparition des abeilles: cocktails de pesticides, moins grande diversité de la flore, virus, infections par des champignons, changements climatiques, pratiques apicoles, cultures OGM, voire même ondes électromagnétiques.

Les scientifiques voient cependant dans le varroa le responsable numéro un de l’hécatombe. «Plusieurs travaux montrent que les colonies ont de la peine à passer l’hiver lorsque la charge en varroas est importante», déclare Jean-Daniel Charrière, chercheur à l’Agroscope de Liebefeld-Posieux et membre d’un groupe de recherche international.

Même son de cloche du côté des apiculteurs. «Les facteurs sont multiples, mais le varroa arrive clairement en tête de liste. Du fait qu’il affaiblit les abeilles et qu’il leur transmet des virus, il les rend moins résistantes aux autres problèmes», déclare Didier Bettens, apiculteur dans le canton de Vaud.

Conditions météo

La présence du varroa est attestée en Europe occidentale depuis une trentaine d’années. Alors pourquoi les pertes massives de l’hiver dernier?

Cela s’explique par les conditions météorologiques. «En hiver, la reine bloque sa ponte et il n’y a plus d’élevage de couvains, explique Didier Bettens. Or le varroa a besoin de couvains pour se reproduire. L’an dernier, en raison de conditions météo très clémentes, les abeilles ont continué à élever beaucoup de couvains et les parasites ont pu se multiplier. Quant aux abeilles, elles se sont épuisées à butiner au mois d’octobre, plutôt que de se reposer, ce qui les a affaiblies.»

«On constate que plus l’année apicole est longue, plus les varroas ont des possibilités de se multiplier, résume Jean-Daniel Charrière. Et vu qu’ils se multiplient de manière exponentielle, les dégâts sont vite importants.»

Pas de remède miracle

Face au varroa, les apiculteurs ne sont pas complètement démunis. Il existe différentes parades. A l’heure actuelle, il semble qu’un traitement des ruches à l’acide formique et à l’acide oxalique soit le moyen le plus efficace.

Efficace, mais pas définitif. «On ne détruit jamais 100% des varroas, relève Didier Bettens. L’acide formique permet au mieux de se débarrasser de 95% des parasites. On ne peut donc qu’espérer garder leur prolifération à un niveau acceptable».

Par ailleurs, l’emploi d’acides organiques n’est pas aisé. Ils doivent être appliqués en dehors des périodes de récoltes, afin de ne pas altérer la qualité du miel. «En plus, il faut les utiliser selon les bonnes méthodes et dans de bonnes conditions de température, poursuit l’apiculteur. Ces produits étant très volatiles, il y a peu de diffusion de l’actif s’il fait trop froid.»

L’acide formique présente aussi le désavantage d’engendrer parfois des effets secondaires sur les abeilles. Dans certains cas particuliers, la reine peut même en mourir, ce qui condamne toute la colonie.

Enfin, les traitements nécessitent une bonne coordination entre les apiculteurs. Il faut détruire les varroas en même temps dans une même région. Faute de quoi, les ruches peuvent s’infester les unes les autres, ce qui réduit une bonne partie du traitement à néant.

A la recherche de solutions biologiques

Compte tenu de ces difficultés, la solution pourrait venir de méthodes biologiques. L’une des pistes consisterait à sélectionner des abeilles européennes capables de résister naturellement au varroa, comme leurs cousines asiatiques.

«La résistance devrait être un nouveau critère de sélection, estime Didier Bettens. Jusqu’à présent, on a surtout sélectionné les reines en fonction de leur rendement et de leur caractère docile.»

Mais la tâche n’est pas aisée. «Des chercheurs allemands travaillent dans ce sens depuis quinze ans, mais peu de progrès ont été réalisés, souligne Jean-Daniel Charrière. Il faut en effet trouver des critères de sélection qui sont à la fois simples et pertinents.»

«Nous travaillons aussi sur des champignons qui seraient pathogènes pour le varroa, mais sans danger pour l’abeille, le couvain et la ruche», complète-t-il.

Pas la fin du monde

Face à la disparition des abeilles, certains échafaudent des scénarios apocalyptiques. L’équation est simple: sans abeilles plus de pollinisation, ce qui ferait disparaître un nombre très important de plantes. Du coup, plus de nourriture pour les animaux et les hommes. Bref, une sorte de fin du monde.

Jean-Daniel Charrière ne donne pas dans un tel pessimisme. Tout d’abord, la survie des abeilles mellifères en tant qu’espèce n’est pas menacée. «Des expériences ont été menées dans une île suédoise, où 150 ruches ont été laissées sans traitement contre le varroa, explique-t-il.  Six ont survécu, ce qui montre que des possibilités génétiques existent.»

Par ailleurs, une diminution des abeilles mellifères poserait des problèmes principalement pour les floraisons très précoces (cerisiers, pommiers, poiriers…). Pour les végétaux plus tardifs, il existe d’autres insectes pollinisateurs, comme les bourdons mais qui sont eux aussi en diminution.

Eviter le découragement

En attendant, bien des apiculteurs n’ont plus le moral. «Evidemment que cette situation nous décourage, témoigne Didier Bettens. On peut se demander s’il vaut la peine de continuer. Des collègues abandonnent, surtout parmi les plus âgés. Après avoir élevé des abeilles sans problèmes une bonne partie de leur vie, ils ont dû se mettre au traitement, et malgré cela ils perdent tout…»

Une solution d’autant plus difficile que les pertes financières sont importantes. L’Office fédéral de l’agriculture estime que les destructions de l’hiver dernier ont coûté 25 millions de francs. Une somme que les apiculteurs «doivent supporter eux-mêmes», rappelle l’office.

«Vu que tout le monde en perd, pratiquement plus personne ne vend de colonies, ajoute Didier Bettens. Elles sont devenues une denrée rare. Une bonne colonie vaut environ 400 francs. Des apiculteurs amateurs ont-t-il vraiment envie de mettre plusieurs centaines de francs pour tout redémarrer?»

Pour Jean-Daniel Charrière, ce possible découragement est peut-être le problème le plus grave. «L’apiculteur fait un effort immense pour remonter son cheptel, au prix de beaucoup de travail et de coûts financiers. C’est grâce à ce travail qu’il n’y a pas de situation de crise au niveau de la pollinisation pour l’instant», souligne-t-il.

Mais la passion des abeilles pousse la plupart des apiculteurs à reprendre leur activité malgré les pertes. Une passion qu’une nouvelle hécatombe risquerait cependant bien d’émousser encore un peu. Reste donc à espérer que le ciel ne se montre pas trop clément cette année encore.

On dénombre environ 19’000 apiculteurs en Suisse pour un total de quelque 170’000 colonies.

Avec une densité de 4,5 colonies par km², la Suisse possède une des plus haute densité au monde.

La récolte de miel moyenne tourne autour des dix kilos par ruche.

La transhumance étant peu pratiquée, les miellées varient fortement selon la région. Les principales plantes mellifères sont le pissenlit, les arbres fruitiers, le colza, l’acacia, le châtaignier, le tilleul, l’acacia, le rhododendron ainsi que différentes miels de miellat provenant de forêt  de feuillus et de conifères.

Source: Agroscope

Le varroa (varroa destructor) est un acarien parasite de l’abeille originaire d’Asie du sud-est. Il ressemble à un petit crabe rouge aplati.

L’animal pond ses œufs dans les alvéoles où se développent les larves d’abeille. Les nymphes de varroa et les varroa adultes se nourrissent du sang de l’abeille.

Le varroa affaiblit les abeilles: dans le couvain, le parasite se nourrit de l’hémolymphe (sang des insectes) des larves d’abeilles. Cela conduit à un affaiblissement du système immunitaire, à des malformations et à la transmission d’autres agents pathogènes, des virus principalement.

L’abeille asiatique (Apis cerana) résiste naturellement au varroa. En revanche, l’espèce domestique européenne (Apis mellifera) n’est pas adaptéeà ses attaques.

Le varroa peut facilement se propager en s’accrochant aux ouvrières et aux faux-bourdons. Le commerce des abeilles facilite encore le processus.

Le varroa a été importé d’Asie dans les années 1950. Il est présent en Europe depuis un trentaine d’années et il y a été pour la première fois observé en Suisse en 1984. Désormais, seules l’Océanie et certaines régions d’Afrique centrale sont épargnées.

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