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Prévenir le tourisme sexuel envers les mineurs

Sur les plages kényanes, le tourisme sexuel impliquant des mineurs est particulièrement développé. AFP

Le 2 novembre, la Suisse a lancé avec l’Allemagne et l’Autriche une campagne trilatérale pour protéger enfants et adolescents de l’exploitation sexuelle dans le tourisme. Avec un spot vidéo et un formulaire Internet qui permet de dénoncer des cas suspects, elle vise à sensibiliser un large public.

«Nous pouvons prévenir l’exploitation sexuelle des enfants, si nous ne détournons pas notre regard».

La phrase est scandée plusieurs fois, d’un ton insistant. Sur les images qui défilent, une enfant en compagnie d’un adulte. Et l’évocation d’une relation sans équivoque. Voilà le nouveau spot vidéo de la campagne pour protéger les mineurs contre le tourisme sexuel, lancée par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) et ECPAT Switzerland, le service spécialisé contre la prostitution enfantine de la Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant. Et réalisée en partenariat avec l’Allemagne et l’Autriche.

«Selon les données de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), environ deux millions d’enfants sont constamment enrôlés dans la prostitution ou la pornographie. Sans compter tous les cas qui ne sont pas connus», a souligné en conférence de presse Jacqueline Fehr, présidente de la Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant.

Pour contrer l’exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme, les trois pays ont décidé de créer une alliance entre gouvernements, autorités, organisations de protection de l’enfance et associations de voyage. Ceci, en vue de sensibiliser tous les acteurs du secteur touristique au crime que représente l’exploitation sexuelle des mineurs.

«Actuellement, on fait face à une grande perte d’informations dans le domaine du tourisme sexuel envers les enfants et les adolescents. Beaucoup de monde effectue du bon travail, mais chacun agit de son côté, il manque la possibilité de coordonner les efforts», remarque Ronja Tschümperlin, directrice d’ECPAT Switzerland.

La responsabilité de la Suisse

Après les machines et les appareils électroniques ainsi que les produits chimiques, le tourisme représente le troisième secteur d’exportation de la Suisse. Le petit pays ne peut donc fermer les yeux sur le fléau qui touche cette industrie. Et sur certains de ses habitants qui volent à l’étranger et exploitent sexuellement des enfants. Un crime, qui reste malheureusement trop souvent impuni, en raison du manque de moyens à disposition pour prouver la culpabilité de ces voyageurs profiteurs de misère. Car l’exploitation sexuelle des mineurs est particulièrement importante dans les pays en développement, là où souvent, les moyens économiques manquent.

«Pour donner un exemple, une étude de l’UNICEF (ndlr: Fonds des Nations Unies pour l’enfance) rapporte qu’en 2007, uniquement sur les régions côtières, 3’000 mineurs ont été exploités sexuellement au quotidien. 70% des coupables n’étaient pas Kenyans. Ils venaient pour 18% d’entre eux d’Italie, 14% d’Allemagne et 12% de Suisse», relève Jacqueline Fehr.

Signaler les cas suspects par Internet

En 2008, l’Office fédéral de la Police et ECPAT ont élaboré un formulaire d’annonce en ligne qui permet aux voyageurs, en cas de suspicion, de signaler les cas de tourisme sexuel impliquant des mineurs. La campagne vise à promouvoir dans les trois pays cet outil, jusqu’alors peu connu et utilisé, puisqu’il y a eu jusqu’à aujourd’hui seulement 12 cas signalés par ce biais.

«La problématique est que ce formulaire n’est pas assez connu. Ici en Suisse, mais aussi à l’étranger. Chaque touriste doit pouvoir le remplir s’il constate quelque chose de suspect. C’est pourquoi l’industrie du tourisme doit communiquer le plus largement possible, faire de la pub dans les magazines, réaliser des flyers d’information, pour que les clients soient au courant. Le tourisme sexuel envers les mineurs concerne aussi les agences de voyage. Car les coupables n’ont pas tous le profil de touristes sexuels classiques, ils peuvent aussi se trouver parmi nos voyageurs», note Matthias Leisinger, directeur de l’unité responsabilité d’entreprise chez Kuoni et président du bureau des directeurs de l’organisation du code. Une structure non gouvernementale qui a pour but de mettre en œuvre au niveau mondial le Code de Protection de l’enfance qui vise à protéger les enfants de l’exploitation sexuelle dans le tourisme. Un Code signé par plusieurs acteurs suisses du secteur touristique.

Une campagne germanophone

Si la campagne lancée par la Suisse est louable sur quasiment tous les points, une minuscule ombre s’accroche au tableau en ce qui concerne sa capacité de diffusion. Car le spot vidéo a uniquement été réalisé en allemand. «Nous avons effectué cette campagne en collaboration avec l’Allemagne et l’Autriche, d’où notre décision pour l’instant de nous cantonner à la langue allemande. Et c’est également une question de coûts, mais nous espérons pouvoir traduire le spot dans le futur pour dépasser ce Röstigraben», relève Ronja Tschümperlin.

Dans tous les cas, ce choix ne reflète pas le fait que les régions du pays sont inégales en matière de tourisme sexuel envers les enfants. Des coupables potentiels se dissimulent dans toute la Suisse. Et d’ailleurs, c’est en Suisse romande que le spot fera son baptême public, à l’occasion du Congrès national du Tourisme à Montreux, dans le canton de Vaud.

Mis en place par l’organisation internationale «Tourism Child-Protection Code » qui siège à Stockholm, le Code de Protection de l’enfance (initialement appelé Code de conduite) comptait, en août 2010, 971 signataires dans 40 pays différents.

La signature du code est destinée aux voyagistes, aux associations de tourisme, aux agences de voyages, aux compagnies aériennes ou de navigation, aux bars, aux boîtes de nuit, aux prestataires de services locaux, aux agences, aux restaurants et aux hôtels.

Les services ECPAT (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purposes) des différents pays sont chargé de surveiller la mise en œuvre du Code et d’effectuer le monitoring des membres. Afin de contrôler si les six mesures du Code ont bien été mises en application.

Les mesures portent notamment sur la formation du personnel dans le pays d’origine et sur les sites touristiques, sur l’information des clients, sur l’introduction officielle d’une philosophie d’entreprise contre le tourisme sexuel impliquant des enfants ou encore sur l’établissement de rapports annuels.

En Suisse, le Code de Protection de l’enfance a été signé par :

Hotelplan en 2003

Kuoni en 2006

Accor Hotels Switzerland en 2007

Globetrotter Travel Services en 2007

La Fédération Suisse des Agences de Voyages en 2008

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