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Comment la Suisse aide les plus vulnérables en Grèce

Un lit avec des draps verts et des peluches
Une chambre dans la maison des filles du projet Zeuxis. © Christian Stemper

L’assistance aux migrants est fortement négligée en Grèce. La situation est particulièrement difficile pour les mineurs non-accompagnés. Une organisation humanitaire grecque qui veut inverser cette tendance reçoit le soutien de la Suisse.

Non, je n’aime pas la salade grecque. Ce fromage feta ne me plaît vraiment pas, se lamente Marie*, 12 ans, dans un grec rapide et approximatif. Elle ajoute d’un air obstiné: «Je préférerais avoir plus de souvlaki!»

C’est typiquement le genre de plaintes que Panagiotis Nikas aime entendre: «Car elles reflètent la normalité». Il est le fondateur et le directeur de l’organisation non-gouvernementale Zeuxis. Dans cette maison pour jeunes filles, il gère l’un des deux projets de l’ONG. Marie le suit partout. Elle vient du Cameroun et est la plus jeune habitante de la maison, qui se trouve dans une petite rue discrète d’Athènes. L’anonymat de ce lieu est important, car ceux qui y vivent ne veulent généralement pas être retrouvés.

Un homme assis à son bureau
Panagiotis Nikas dans son bureau. © Christian Stemper

Quinze femmes en provenance de huit pays ont trouvé refuge dans cette maison. La plupart fuient des violences familiales, d’autres des trafiquants ou des réseaux criminels. Plusieurs ont perdu leurs parents, explique Panagiotis Nikas. Chaque résidante a sa propre histoire. «Le point commun de tous ces récits, c’est qu’ils sont malheureusement tragiques», confie le directeur de Zeuxis. Dans la maison, un soutien médical et psychologique est disponible 24 heures sur 24. Les jeunes femmes ont aussi la possibilité de suivre différentes formations ou de participer à des excursions. Les efforts déployés sont importants, reconnaît Panagiotis Nikas, mais des progrès se font sentir: les résidantes étaient au départ très timides et craintives, elles évoluent maintenant dans une atmosphère devenue familiale.

La Suisse soutient cette démarche à hauteur de 327’900 euros. Depuis la crise des réfugiés de 2015, le Secrétariat d’État aux migrations (SEMLien externe) a investi 3,7 millions de francs suisses dans des projetsLien externe relevant du domaine de l’asile et de la migration en Grèce et en Italie. Des projets menés aussi bien par des organisations internationales que par des ONG locales. Des initiatives humanitaires reçoivent également un appui financier au cas par cas, notamment au niveau de la prise en charge des mineurs non-accompagnés, de la traduction, de la protection juridique et du rapatriement. La Grèce fait partie des États qui reçoivent une aide financière aux frontières extérieures de l’espace Schengen, parce qu’«elle est confrontée à des défis majeurs, en particulier dans le domaine de l’asile et des structures d’hébergement», explique le SEM.

Déficits d’intégration

D’après les statistiques officielles, parmi les 75’000 réfugiés présents en Grèce plus de 3000 sont des mineurs non-accompagnés. En réalité, ils sont sans doute plus nombreux, car beaucoup disparaissent. Avant la crise migratoire, la Grèce avait déjà été réprimandée à plusieurs reprises par l’Union européenne (UE) pour la faiblesse de ses structures d’accueil destinées aux requérants d’asile. «Malheureusement, très peu de choses ont changé dans ce domaine», déplore Panagiotis Nikas. Il n’est pas question de discuter d’une stratégie pour intégrer ces mineurs non-accompagnés. Zeuxis tente de combler ces lacunes. «Nous ne pouvons toutefois pas assumer les tâches de l’État, mais uniquement agir en complément.»

La question de l’intégration est l’un des plus urgents problèmes du pays et un aspect qui n’a pas reçu suffisamment d’attention. L’État grec a longtemps fonctionné uniquement en mode de crise. Durant l’arrivée massive des réfugiés, tout tournait autour de l’hébergement et de l’approvisionnement. Entre-temps, les priorités se sont déplacées vers l’intégration, la scolarisation et la recherche d’emploi.

Une jeune fille assise sur un canapé consulte sa tablette
Une des jeunes filles prises en charge dans le cadre du projet Zeuxis. © Christian Stemper

Il est aussi question de guérir les blessures psychologiques, car même les enfants et les jeunes qui se trouvent en Grèce avec leurs parents ont souvent besoin d’aide. Il y a d’abord la probabilité statistique de développer naturellement une maladie mentale, à quoi s’ajoutent des événements traumatisants: la guerre dans le pays d’origine, la pénible et dangereuse fuite ainsi que la vie précaire d’un réfugié en Grèce.

Le deuxième projet de Zeuxis, un centre de jour, s’adresse à ces jeunes. Il est également soutenu par la Suisse, avec un financement de 472’486 euros en 2018. Des psychologues, des psychiatres, des travailleurs sociaux et des enseignants sont disponibles tous les jours sur place. Deux douzaines de jeunes répartis en deux classes étaient présents lors de notre visite. Certains révisent leur grec, l’autre leur anglais. Dans la salle d’attente patientent des parents, qui ont souvent eux-mêmes besoin de soutien. «Nous essayons aussi de les aider autant que nous le pouvons. Parfois, un entretien suffit à atténuer un peu la pression qui pèse sur leurs épaules», raconte Panagiotis Nikas. Il estime qu’environ 700 visiteurs ont été enregistrés dans le centre de jour depuis son ouverture l’automne dernier.

Des projets exemplaires

Le directeur de Zeuxis ne sait pas ce que l’avenir réserve à ces deux projets. Il aimerait pouvoir utiliser l’infrastructure disponible dans la maison des filles pour créer dix places supplémentaires. «La demande ne manque pas». Reste à voir si cette extension peut se concrétiser. L’appui de la Suisse est assuré jusqu’à fin juin. D’ici là, Zeuxis doit trouver une nouvelle source de financement – une tâche actuellement compliquée en Grèce, même pour un projet jugé exemplaire.

«Zeuxis signifie connexion, union. Nous voulons ériger un pont entre les enfants et la normalité», soutient Panagiotis Nikas. Cela vaut également pour l’éducation. En référence au problème de feta soulevé au début de cet article et à la demande de Marie d’avoir davantage de souvlaki, il précise que l’organisation attache normalement de l’importance à une alimentation équilibrée. «Mais je pense que nous pouvons faire une exception aujourd’hui».

*Nom d’emprunt

Keystone / Yannis Kolesidis

D’autres projets

La Direction du développement et de la coopération (DDCLien externe) soutient également des projets en Grèce à hauteur d’environ un million de francs. Par exemple le «Petit Lexique», contenant les connaissances linguistiques de base pour les migrants et les réfugiés. Cet outil devrait leur permettre de communiquer avec les autorités ou les médecins lorsqu’aucun traducteur n’est disponible. 

Ce projet a été initié par l’ambassade de Suisse à Athènes, l’UNHCRLien externe et des organisations locales. 50’000 exemplaires ont été distribués en Grèce, essentiellement dans les camps de réfugiés mais également dans les hôpitaux et auprès des autorités. Le lexique est disponible en 7 langues et également sous forme d’application.

Traduction de l’allemand: Marie Vuilleumier

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