Comment bien se comporter dans un train suisse
Prendre le train sans offenser personne n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît, prévient Franziska von Grünigen, qui a passé une décennie à chroniquer les situations difficiles qu'elle a observées comme passagère en Suisse.
Franziska von Grünigen fait partie des quatre millions de personnes qui parcourent en moyenne 15 km pour se rendre chaque jour au travail, dont 31% en transports publics. Récemment, elle a publié un livre de 180 pages Lien externeillustrées montrant des exemples de personnes se comportant mal dans les transports publics.
«Les problèmes commencent lorsque qu’un passager se croit chez lui, dit-elle. Le train est en effet une zone hybride.» En conséquence, les gens peuvent avoir des comportements perturbants pour les autres passagers.
Quand nous nous retrouvons à la gare centrale de Zurich, j’ai déjà commis quelques impairs – du moins aux yeux de certaines personnes. J’ai accroché ma veste au-dessus du siège opposé. Mon muffin du petit-déjeuner était dans un sac en papier. J’ai même mis de la crème pour les mains.
«Voir quelqu’un se frotter les mains ou se maquiller le visage est trop intime. Il n’y a nulle part où aller – on ne peut pas y échapper si l’on est assis en face de la personne, souligne Franziska von Grünigen. Les comportements les plus grossiers: se couper les ongles, se gratter le nez ou se laver les dents», dit-elle, citant la fois où elle a vu une femme enlever sa prothèse dentaire, la nettoyer avec un cure-dent et s’essuyer les doigts sur le siège.
Nous prenons un train pour Winterthour, une ville industrielle au nord-est de Zurich. Comme nous sommes en fin de matinée, nous nous installons dans une section libre de quatre places, rien que pour nous.
«C’est une règle suisse non écrite. Ne vous asseyez pas à coté de quelqu’un s’il y a de la place dans une autre section», dit-elle pendant que nous nous installons. Nous allons toutes les deux vers la fenêtre, nos sacs sur le siège à côté de nous, nos genoux bien serrés puisque nous sommes en face l’une de l’autre. Serait-ce convenable avec un inconnu?
«Non, vous devriez vous asseoir en diagonale, si l’espace le permet. Les sièges à coté des fenêtres sont très recherchés», relève la chroniqueuse. Pour autant qu’il y ait de la place. Ce qui nous amène à la prochaine règle suisse: demandez toujours si vous pouvez vous asseoir. «Pour moi, c’est une question de politesse», souligne-t-elle.
Les Chemins de fer fédéraux (CFF) – pour qui elle tient aujourd’hui un blogLien externe – sont d’accord sur le fait que demander à s’asseoir est une bonne habitude, surtout dans les trains longue distance.
«Mais dans les RER, où beaucoup de passagers ne se déplacent que quelques minutes, c’est un peu moins courant de nos jours. Au lieu de cela, les gens se contentent de s’asseoir», déclare le porte-parole Reto Schärli, faisant remarquer que les CFF transportent 1,25 million de personnes par jour.
«Chaque élément de communication est bon, dit Franziska von Grünigen. Par exemple, s’il y a des bagages qui encombrent l’endroit où j’aimerais m’asseoir, je vais demander si je peux aider à les ranger au-dessus ou derrière. Pareil pour les vestes.»
Notre trajet dure environ une demi-heure, et la seule interaction que nous avons est avec le contrôleur. Nous arrivons saines et sauves à Winterthour et pouvons débarquer sans avoir à nous frayer un chemin à travers la foule. Mais comme le sait tout vétéran suisse de l’heure de pointe, il y a souvent une bataille entre les sortants et les entrants.
Dans son propre guide, l’opérateur bernois de tramway et d’autobus Bernmobil indique explicitement la marche à suivre: «Celui qui débarque a la priorité, ce qui empêche toute querelle et le voyage peut se poursuivre rapidement.»
Cependant, alors que nous quittons la gare, Franziska von Grünigen exprime son impatience devant un homme se déplaçant lentement et tirant deux valises à roues.
«Je n’aime pas quand les gens s’arrêtent et bloquent le passage», s’agace-t-elle en l’esquivant de ses longues jambes. Tout aussi inacceptable en Suisse: se tenir sur le côté gauche d’un escalier roulant, la voie des personnes pressées.
Nous nous dirigeons vers un café, ce qui nous amène au point suivant: la nourriture et les boissons. En théorie, les collations et les boissons sont certainement une bonne chose du point de vue des vendeurs à bord. Mais les choses deviennent délicates en cas de forte odeur.
«Si vous déballez un sandwich au thon ou un hamburger et des frites, préparez-vous à être impopulaire», souligne notre accompagnatrice.
Elle n’est pas la seule à le penser. Les twittos qui ont répondu à cette photo ont indiqué que les oignons frits, les bananes et même le café sentaient trop mauvais pour être consommés à bord, tandis que d’autres ont rétorqué que les tables à plateaux à bord étaient conçues pour manger.
For an upcoming story on commuter etiquette: What do you think about people eating on the tram/bus/train? #commuterlifeLien externe pic.twitter.com/ogyESivsz0Lien externe
— Susan Misicka (@SMisicka) February 25, 2019Lien externe
Et que disent les Chemins de fer fédéraux? «On peut manger et boire n’importe quoi dans le train, dit Reto Schärli. L’équipe de nettoyage est reconnaissante si l’emballage est jeté dans les grandes poubelles sur les quais.»
De son côté, Bernmobil suggère que les passagers «mangent d’abord et montent ensuite dans le train», mais il n’interdit pas de grignoter.
En ce qui concerne la nourriture et les boissons, gare au bruit et au spectacle donné, souligne Franziska von Grünigen en pointant le raclement d’une cuillère à l’intérieur d’un pot de yaourt. Ou la vue de nourriture, comme le salami et le saumon ingurgité par un homme, les doigts et la bouche couverts de gras.
Le chroniqueur a également vu des gens sortir des Tupperware géants de salade, des pots de vinaigrette et d’autres accessoires, comme à la maison: «C’est problématique si les gens prennent trop de place, surtout si des miettes s’envolent et que la vitre en est pulvérisée.»
Le bruit provoque souvent des regards courroucés, et pas seulement dans la zone silencieuse.
«Il faut supposer que les gens écoutent, même à leur corps défendant», explique Franziska von Grünigen à propos des gens au téléphone, citant comme particulièrement ennuyeux ceux qui se donnent de l’importance ou sont indiscrets.
Comme le recommande Bernmobil, «les appels téléphoniques dans le tramway ou le bus doivent être passés discrètement ou pas du tout – pour que la vie privée reste privée.»
Franziska Von Grünigen est également déconcertée par l’augmentation du nombre de personnes regardant des vidéos et écoutant de la musique sans casque. «Les nouveaux trains entraîneront probablement une augmentation de l’utilisation d’appareils personnels. Ces trains auront des prises supplémentaires pour faire fonctionner ou recharger l’équipement électronique. Et dans certains cas, il sera possible de recharger les téléphones portables sans fil sur les tablettes», explique le porte-parole des Chemins de fer fédéraux.
Quant aux enfants turbulents, Franziska von Grünigen relève que les parents doivent tenir compte des autres passagers. «Prendre le train devrait être amusant», dit cette mère de deux enfants en bas âge qui essaie de trouver des places dans la voiture familiale et emporte toujours des livres.
Nous abordons ensuite un sujet qui fait l’objet d’un vif débat: les pieds posés sur les sièges. Cet instantané que j’ai posté sur Twitter a suscité des réactions partagées, allant de «c’est normal» à «un peu dégoûtant».
Problematic, or perfectly OK? I'm curious how your opinions differ from that of a passenger etiquette expert. #commuterlifeLien externe pic.twitter.com/sLgHbz9NQ7Lien externe
— Susan Misicka (@SMisicka) March 20, 2019Lien externe
«Les chaussettes sur un coussin, c’est bien, tout comme les chaussures sur un journal. Ce qui ne va pas, ce sont les pieds puants après la randonnée, ou les pieds nus et mal entretenus», juge la chroniqueuse qui relève: «Il y a toujours quelqu’un pour faire une remarque, en général une personne âgée.»
Les CFF sont intraitables en la matière. «Quiconque salit un siège avec ses chaussures doit payer un supplément», avertit Reto Schärli.
«Je vais également intervenir si quelqu’un émet des commentaires racistes à l’encontre d’un autre passager. Mais il y a des situations où c’est inconfortable», avance Franziska von Grünigen, soulignant que la police ferroviaire doit être appelée en cas de problème.
Ce qu’elle aimerait voir, c’est plus de communication entre les passagers, ajoutant qu’une voiture spéciale pour les personnes ouvertes à la conversation serait bienvenue: «Il y a tant de célibataires. Le temps passé dans le train est un cadeau – il devrait être utilisé pour flirter, au lieu de consulter son smartphone dans son coin.»
Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand
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