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Sur les pas de Calvin à Noyon, sa ville natale

Le 500e anniversaire de Jean Calvin n'est pas célébré qu'à Genève. En Picardie, au nord de Paris, sa ville natale lui rend un hommage discret. Une visite à Noyon permet d'imaginer l'enfance du futur réformateur, au pied d'une puissante cathédrale. Reportage.

Dernièrement, une centaine de curieux ont participé joyeusement à l’excursion organisée par la mairie de Noyon à l’occasion du 500e anniversaire du réformateur: «Sur les pas de Calvin».

Au programme, la visite de sa maison natale, reconstituée en musée au début du 20ème siècle. Un détour par la cathédrale où le futur Genevois reçut, encore enfant, le titre de chapelain. Enfin un passage devant l’ancienne officialité où, dit-on, Jean Calvin fut détenu quelques jours du fait de ses idées «hérétiques».

Au dîner, les convives ont pu déguster des plats du 16ème siècle, avec en entrée, et en français de l’époque, un «layd lardé et une soupe à l’oignon, puis une mortereule faux grenon et une porée noire aux épinards, accompagnée d’un ris engoulé».

Des protestants coréens

L’hôtesse d’accueil du musée est un brin débordée. On n’avait jamais vu défiler tant de monde dans cette modeste institution, qui reçoit habituellement 6000 visiteurs par an. Ils viennent de France, d’Allemagne, de Suisse mais aussi de Corée. Le circuit «Calvin 2009» des protestants coréens passe par Genève bien entendu – la capitale mondiale du calvinisme depuis la réforme des années 1530-1560 – mais aussi par cette petite ville picarde qui fut autrefois une cité spirituelle et un centre agricole important.

De la maison proprement dite de la famille Cauvin, patronyme du père de Jean, il ne reste rien. Peut-être quelques marches d’escaliers en colimaçon, épargnées par la Première guerre mondiale, qui montent vers l’entrée de la demeure. Les Picards, très catholiques, ne se sont pas souciés de préserver la mémoire de l’«hérétique» Calvin, pionnier du protestantisme avec Luther et Zwingli.

«Ironie de l’Histoire, ce sont les Allemands qui pendant la Grande guerre ont posé la première plaque en mémoire de Calvin», remarque David Gadanho, coordinateur des actions éducatives de Noyon. En 1930, on fera des vestiges de la maison Cauvin un petit musée.

Rien ou presque

Difficile d’imaginer Calvin jeune. Toute l’iconographie calvinienne nous présente un personnage déjà âgé, portant barbe vénérable et coiffé du même béret sombre lui recouvrant les oreilles. L’air est sévère et les rides bien creusées. C’est Calvin le Réformateur, l’homme d’Etat genevois. Avant? Rien ou presque.

Un portrait anonyme du XVIème siècle, conservé à la Bibliothèque universitaire de Genève, nous montre «Calvin à l’âge de vingt-sept ans». Sans les rides, le profil est déjà bien défini: regard fixé vers l’horizon, la barbe est encore brune mais déjà longue. Il n’a pas l’air d’un plaisantin. Sa «conversion» est faite, sa critique de l’Eglise catholique en pleine gestation. Son enfance n’est plus qu’un vieux souvenir.

Calvin n’a rien fait pour nous aider à percer le «mystère» de sa jeunesse. Il n’aime pas s’épancher sur sa personne. «Vrai que je n’aime pas parler de moi (…) le plus modestement possible j’en parlerai», écrit-il dans son Epître à Sadolet.

Le culte des reliques continue

On sait qu’il est né à Noyon en 1509. Son grand-père était marinier, son père Girard a gravi les échelons de la hiérarchie cléricale jusqu’à devenir procureur du chapitre cathédral. Un seul passage, dans le Traité des Reliques de Calvin, évoque sa prime enfance.

Avec sa mère, il allait régulièrement en pèlerinage à l’abbaye d’Ourscamp, proche de Noyon, baiser les reliques de Sainte Anne, mère de la vierge Marie. S’il l’avoue, c’est pour s’affliger des penchants superstitieux de l’époque. «Sainte Anne, mère de la vierge Marie, a l’un de ses corps à Apt en Provence, l’autre à Notre-Dame-de-l’Ile, à Lyon. Outre cela, elle a une tête à Trèves, l’autre à Düren-en-Juillers, l’autre en Thuringe (…) Il me souvient que j’en ai baisé une partie en l’abbaye d’Ourscamp près Noyon, dont on fait grand festin.»

De l’abbaye d’Ourscamp, il reste aujourd’hui le superbe chœur gothique en ruines. Des religieux, les Serviteurs de Jésus et de Marie, entretiennent le site. La boutique est riche en ouvrages sur les saints, mais rien sur Calvin. Et, n’en déplaise au Réformateur, le culte des reliques continue. En juillet, témoigne l’un des frères, au moment de la Sainte-Anne, on se bouscule encore à l’église voisine de Chiry pour toucher le crâne supposé de la grand-mère de Dieu. Nul n’est prophète en son pays…

A quoi ressemblait Calvin enfant ? Il est tonsuré dès l’âge de dix ou onze ans, comme tout chapelain. A ce titre, il reçoit un «bénéfice ecclésiastique» qui financera ses études. La «légende noire» de Calvin, alimentée par la contre-réforme, le décrira comme un élève méprisant et tyrannique avec ses camarades.

Le jeune homme est sans doute introverti. Sûr de lui ? En tout cas parfaitement élevé. Il passe plus de temps chez les Hangest, notables du crû, que dans la maison familiale. «Cette participation de Calvin à la table d’un grand seigneur lui permettra sans doute d’aborder plus tard avec aisance et sérénité les plus illustres personnages de son temps», estime Jean-Luc Mouton, auteur d’une récente biographie du réformateur.

Absence d’une présence aimante

Il suffit de voir Noyon pour mesurer l’influence de la cathédrale sur les esprits d’alors. Considérable, presque physique, tant cet édifice domine le paysage. Dans leur petite demeure, les Cauvin vivent à l’ombre de ses lourdes flèches. Le père de Jean gère les affaires du clergé, mais bientôt des querelles avec le Chapitre entraînent son excommunication, en 1531.

Calvin entre au collège des Capettes, fréquente peut-être la Bibliothèque du Chapitre, encore intacte aujourd’hui, grandit dans un univers très masculin, avant de partir faire ses études secondaires à Paris. Sa mère Jeanne meurt en 1515, quand Jean n’a que six ans. Une disparition précoce qui va nourrir l’explication psychanalytique de la dureté calvinienne.

«L’extrême réserve du réformateur, que beaucoup prennent pour de la froideur, dérive très probablement de l’absence au foyer d’une présence aimante», estime son biographe Jean Rilliet. Jean-Luc Mouton relativise cette thèse: «Comment estimer à sa juste valeur la réalité du traumatisme psychologique d’un enfant du 16ème siècle au moment où la mort n’est pas l’exception mais une réalité quotidienne?»

swissinfo, Mathieu van Berchem à Paris

24 avril-31 octobre
Exposition «Une journée dans la vie de Calvin» au Musée international de la Réforme.

24-27 mai
Congrès international à l’Université de Genève sur le thème: «Calvin et son influence».

31 mai
Culte de Pentecôte à la cathédrale de Genève retransmis en Eurovision.

1er-26 juillet
Spectacle «Jean Calvin» mis en scène par François Rochaix devant le mur des Réformateurs.

10 juillet
Culte commémoratif à l’occasion du jour d’anniversaire de Calvin avec Micheline Calmy-Rey.

30 juillet-30 août
Théatre itinérant dans la Vielle-Ville intitulé Calvin, un itinéraire.

Noyon est à une heure de Paris en train, départ de Gare du Nord.

A voir: le Musée Calvin, ouvert mardi au dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h (du 1er mai au 31 octobre) mardi au dimanche de 10h à 12h et de 14h à 17h (du 1er novembre au 30 avril) fermeture le lundi.

Exposition au musée Calvin: «Lecteurs de Calvin, exemplaires annotés au cours des siècles», du 25 avril au 28 juin.

A voir aussi, la cathédrale Notre-Dame, la Bibliothèque du Chapitre (l’intérieur sur rendez-vous) et le musée du Noyonnais.

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