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Un juge dans les tribunes pour punir les hooligans

Saint-Gall entend atténuer l'ardeur des supporters les plus chauds avec des sanctions immédiates. Keystone

Le championnat suisse de football débute ce week-end avec une importante nouveauté. Pour la première fois en Suisse, un juge sera présent dans les tribunes du stade de Saint-Gall pour sanctionner immédiatement les supporters violents.

Les hooligans n’ont pas attendu le début du championnat pour faire parler d’eux. En début de semaine, des fans bernois et bâlois en sont venus aux mains à l’occasion de la coupe horlogère, un tournoi amical qui se dispute dans la commune soleuroise de Granges. Le FC Bâle et les Young Boys de Berne n’étaient pourtant pas directement opposés sur la pelouse.

L’inquiétude est donc de mise à l’heure où les footballeurs s’apprêtent à reprendre le chemin des stades. Qui plus est au vu des violents incidents qui ont émaillé la fin du dernier championnat ce printemps.

Pour punir les fauteurs de trouble, le canton de Saint-Gall a décidé d’introduire une nouvelle mesure à titre expérimental. A l’occasion du premier match de championnat face au FC Bâle samedi, les voyous seront cueilli séance tenante dans le stade et jugés immédiatement. «Notre objectif est de punir l’auteur d’un délit le plus rapidement possible», affirme Simon Burger, juge d’instruction au ministère public de Saint-Gall.

Le stade ne sera pas un tribunal

«L’idée est simple, poursuit Simon Burger. S’il y a clairement des preuves démontrant qu’une personne a par exemple allumé une fusée dans le stade, la justice doit pouvoir l’interroger le jour même.»

La justice se basera sur les images des caméras de surveillance, les renseignements fournies par la police, et bien sûr, le témoignage de l’accusé. Le juge pourra infliger des peines allant jusqu’à six mois d’emprisonnement ou 180 jours-amende, comme le prévoit la procédure accélérée utilisée dans le canton de Saint-Gall pour les trafiquants de drogue.

«Nous ne pourrons intervenir que pour des cas isolés où l’auteur est clairement identifiable. En cas d’affrontements entre des dizaines de personnes, nous serions confrontés à des problèmes de personnel et d’organisation», explique Simon Burger. «Il s’agit juste d’un premier essai; le stade ne se transformera pas en un tribunal géant».

Des doutes

Pour Claudius Schäffer, responsable du service juridique à l’Association suisse de football (ASF), la mesure saint-galloise va dans la bonne direction. «Nous espérons que l’expérimentation soit étendue aux autres cantons suisses».

Quelques doutes ne manquent toutefois pas de surgir. «Les indications transmises par la police au juge pourraient ne pas être objectives. Nous savons que certaines personnes ne sont pas du tout bien vues par la police, sans pour autant être des criminels», explique Roman Wäspi, du fan club saint-gallois «Club 11».

«Le présumé coupable ne pourra pas faire appel à un avocat, ce qui est plutôt discutable du point de vue des droits de la personne. Personne ne se rend au stade accompagné de son propre avocat.»

Une opposition par e-mail

Même l’utilisation de caméras de surveillance pour une procédure qui se veut «immédiate» soulève certaines questions. «Après les échauffourées qui ont suivi la rencontre entre Saint-Gall et Bellinzone au mois de mai 2008, il a fallu des mois pour identifier les personnes photographiées. Comment le tribunal pourra-t-il procéder en seulement quelques heures?», s’interroge Roman Wäspi.

«Tout le monde est libre de faire appel à un avocat. Je peux attendre une heure ou deux», répond Simon Burger.

«Et puis, il sera possible de faire opposition par une simple lettre ou par un e-mail. Une personne ne sera sanctionnée que sur la base de preuves irréfutables», réaffirme le juge d’instruction saint-gallois.

Les recettes anti-hooligans

La mesure saint-galloise s’ajoute à la liste d’un arsenal anti-hooligans déjà adopté en Suisse. En 2006, le parlement suisse a approuvé une série de mesures comprenant la création d’une base de donnés sur les hooligans, des interdictions de stade et de périmètre ou encore l’obligation de se présenter dans un commissariat les jours de match.

Ces mesures, incluses jusqu’à fin 2010 dans la loi fédérale sur la sécurité intérieure, seront ensuite intégrées dans les différentes législations cantonales. La majorité des 26 cantons suisses ont déjà adopté ces modifications.

Récemment, le ministre des Sports Ueli Maurer a également proposé d’autres mesures choc afin de venir à bout des violences dans les stades. Parmi lesquelles l’augmentation du montant des amendes ou la diffusion publique des noms des fauteurs de troubles sur Internet. Une mesure déjà utilisée par plusieurs cantons et vertement critiquée par les défenseurs de la protection des données.

Dialoguer au lieu de réprimer

Raffaele Poli, maître-assistant à l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne et chercheur au Centre international d’Etude du Sport (CIES) à Neuchâtel, estime que cette surenchère dans l’annonce de mesures répressives ne sert qu’à détourner l’attention du problème fondamental. Pour le chercheur, il faudrait au contraire aider les jeunes à se comporter correctement, en privilégiant la voie du dialogue.

Sepp Blatter, le président suisse de la FIFA, a quant à lui plaidé en faveur d’une suppression des secteurs de places debout dans les stades, une mesure qui a fait ses preuves en Espagne ou en Angleterre.

«Les meilleures solutions, conclut Roman Wäspi du «Club 11», ce sont les interdictions de stade et les matches disputés à huis clos: si les supporters ultras savent qu’ils risquent de ne pas assister à la prochaine rencontre, ils feront tout leur possible pour dénoncer les voyous et faire du stade un lieu sûr.»

Luigi Jorio, Samuel Jaberg, swissinfo.ch

Hooliganisme. La violence dans les stades est apparue au début des années 80 en Suisse. Le football et le hockey sur glace, les deux sports collectifs majeurs du pays, sont les principaux concernés par le phénomène.

Nombre. Selon le rapport 2008 sur la sécurité intérieure, de l’Office fédéral de la police (fedpol), il y aurait en Suisse près de 1500 personnes présentant un risque de violence, dont 250 hooligans pour qui le risque est jugé élevé. Environ 500 personnes sont recensées dans la base de données recensant les fauteurs de trouble.

Incidents. En 2008, 80 manifestations sportives ont donné lieu à des violences. Plus de 150 personnes ont été blessées et plus de 200 arrêtées.

Précoce. La Suisse est l’un des pays d’Europe où le championnat national de football débute le plus tôt. Dès ce samedi 11 juillet, les 10 équipes de «Super league» se disputent le titre de champion de Suisse.

Favoris. Champion en titre, le FC Zurich sera le favori à sa propre succession. Son grand rival, le FC Bâle, entamera pour la première fois depuis dix ans une saison sans son entraîneur Christian Gross, remplacé par l’Allemand Thorsten Fink. Les Young Boys de Zurich, sevrés de trophée depuis 1987, nourrissent également de grandes ambitions.

Outsiders. Derrière les trois grosses cylindrées du championnat, Aarau, GC (Zurich), Sion, Saint-Gall Lucerne, Bellinzone et Neuchâtel Xamax se battront d’abord pour assurer leur maintien dans l’élite. Le dernier au classement sera relégué, l’avant-dernier disputera un match de barrage contre le second de deuxième division.

Romands. Les deux clubs francophones partent en quête d’une plus grande stabilité après une saison difficile. Neuchâtel Xamax a profondément brassé son effectif, pariant notamment sur de jeunes étrangers méconnus. Au FC Sion, l’entre-saison a été marquée par un conflit juridique avec la FIFA. Interdit de transferts dans un premier temps, le club valaisan a obtenu un effet suspensif qui lui a permis d’engager notamment l’international belge Emile Mpenza.

Hakan Yakin. Le championnat 2009/2010 marque le retour d’Hakan Yakin en Suisse. De retour du Qatar, il s’est engagé à Lucerne pour tenter de retrouver sa place en équipe nationale.

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