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Une vie parmi les Russes

Deux hommes dans des champs
Hanspeter Rikli (à droite) avec son neveu Claudio. Hanspeter Rikli

Le Suisse Hanspeter Rikli vit depuis plus de 25 ans en Russie. À la tête d’une exploitation agricole proche de la frontière avec l’Ukraine, il ne pense pas que les sanctions occidentales auront un grand effet sur la classe moyenne russe.

L’exploitation agricole de Hanspeter Rikli, dans le sud de la Russie centrale, s’étend sur une surface équivalente à 1400 terrains de football – une exploitation de taille moyenne pour les standards russes. Ce Suisse de l’étranger y cultive du soja et du blé, ainsi que des tournesols.

Né dans le canton de Berne, il vit en Russie depuis plus d’un quart de siècle. Avec sa femme russe et sa fille de 13 ans, il vit et travaille à Voronej, à environ 300 kilomètres à l’est de la frontière avec l’Ukraine. Bien que Voronej compte plus d’un million d’habitants et d’habitantes, elle est considérée comme une ville provinciale russe typique, précise-t-il.

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La famille russo-suisse se soucie peu de la guerre. «La vie ici est la même qu’avant», commente Hanspeter Rikli au téléphone. La seule chose que l’on entend, c’est le bruit des avions qui décollent et atterrissent sur l’aérodrome militaire voisin. Cela entraîne une tension psychologique. «On en parle; ça occupe», dit-il.

Mais la situation est difficile depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Les amitiés et les relations commerciales russo-ukrainiennes étaient déjà rompues à ce moment-là. «Il y avait beaucoup de réfugiés ici à l’époque.»

Photo de famille devant une maison en Russie
Hanspeter Rikli avec son épouse Marina et (de gauche à droite), sa fille Anna, sa petite-fille par alliance Slata et sa belle-fille Oleyja. zVg

De collaborateur de la DDC à agriculteur

Hanspeter Rikli est âgé de 66 ans. Après des études d’agronomie à l’École polytechnique de Zurich, il a encore obtenu un diplôme de traducteur en russe et en anglais. Il s’est rendu pour la première fois en Russie en 1991, à Moscou, «juste avant le putsch». À l’époque, Boris Eltsine mettait fin à l’ère de Mikhaïl Gorbatchev, le père de la glasnost et de la perestroïka.

«Dès le début, j’ai aimé la Russie et je m’y suis senti chez moi», déclare l’expatrié. À partir de 1993, il a travaillé pour la Direction du développement et de la coopération (DDC), l’agence de coopération internationale du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). «Pendant cette période, je suis resté longtemps en Russie et au Kirghizstan», précise-t-il.

Dès 1997, la DDC a cherché quelqu’un pouvant être sur place en permanence. C’est ainsi que pendant trois ans, Hanspeter Rikli a travaillé pour la Suisse à Voronej. Puis le projet s’est achevé et il a quitté la DDC.

C’est alors qu’il a décidé de créer sa propre entreprise agricole. Mais en tant que cultivateur de pommes de terre, les choses ne se sont pas passées comme il l’avait prévu, et après quelques années au cours desquelles il a dû lutter pour sa survie économique, il était à deux doigts de jeter l’éponge en 2013. Mais en 2015 sont arrivées les sanctions liées à la crise en Crimée, avec pour corollaire l’effondrement du rouble et du cours du pétrole. «Soudain, l’agriculture en Russie est redevenue très rentable», se réjouit Hanspeter Rickli.

Champ de soja
L’un des champs de soja de Hanspeter Rikli. zVg

Le cœur suisse

Il règne à Voronej un climat typique des steppes, avec des étés chauds et secs et des hivers froids. «L’eau et la chaleur sont les facteurs limitants», explique l’agriculteur suisse. Mais cet agronome de formation a trouvé le moyen de cultiver ses terres avec succès: «avec le semis direct, davantage d’eau reste dans le sol, ce qui fait que l’on peut produire à meilleur marché».

Jusqu’à ce que la pandémie éclate, Hanspeter Rikli travaillait également comme guide touristique: avec un ami et une agence de voyage partenaire à Moscou, il proposait des circuits agricoles en Russie – des vacances très appréciées des agriculteurs suisses et allemands. Cela a donné lieu à quatre à six voyages par saison.

Hanspeter Rikli est resté suisse dans son cœur, bien qu’il vive «complètement parmi les Russes» depuis des décennies. Il s’est immergé dans la culture russe et se dit donc déjà à moitié russe. Sur le plan émotionnel, il a dû couper le cordon ombilical avec la Suisse, sinon il ne s’en serait pas sorti. Les contacts avec de vieux amis en Suisse se sont amenuisés au fil des ans. «C’est la plus grande perte», regrette-t-il.

Des perspectives totalement différentes

Hanspeter Rikli suit les médias occidentaux et russes et est toujours surpris de la différence avec laquelle ils rendent compte de la situation actuelle. Il dit que c’est comme si les prévisions météorologiques de l’Ouest annonçaient une pluie constante. Mais là où il se trouve, il voit que le soleil brille depuis des semaines.

Lui-même considère plutôt la perspective russe; il ne fait pas grand cas de la couverture occidentale de la guerre et de l’Ukraine. Il décrit Vladimir Poutine comme un Russe typique qui est l’un des rares hommes politiques du pays à ne pas avoir perdu le contact avec le peuple. «La guerre est terrible; j’ai moi-même refusé de faire mon service militaire en Suisse», déclare cependant l’expatrié.

L’agriculteur suisse dirige une grande entreprise qui compte cinq employés. Ce faisant, il a dû apprendre que seule une structure fortement hiérarchisée fonctionne en Russie. «Cela a à voir avec la culture russe», explique-t-il. Cependant, il ne faut pas penser qu’il n’y a pas de retour d’information en provenance des niveaux hiérarchiques inférieurs. «Ça vient, mais pas selon les critères occidentaux.»

Une moissonneuse-batteuse et un camion dans un champ
Récolte de blé en Russie. zVg

Hanspeter Rikli et sa famille ne sont pas affectés par les sanctions occidentales. À ses yeux, la classe moyenne russe ne sera pas non plus affectée. Il est convaincu que «c’est une illusion de l’Occident de penser que les sanctions auront un quelconque effet». Il y a suffisamment de carburant et d’aliments de base dans sa région, et le coût de la vie n’a pas augmenté. «En ce moment, celle qui souffre le plus dans la famille est notre fille, car le McDonald’s a fermé», plaisante-t-il. Mais elle aurait déjà trouvé une solution de rechange…

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