Vague de solidarité suisse pour les victimes des séismes en Turquie et Syrie
Après les tremblements de terre qui ont ravagé une partie de la Turquie et de la Syrie lundi, l’aide humanitaire redouble d’intensité. La Chaîne du Bonheur et les unités de la SSR intensifient les appels aux dons pour venir en aide à cette région sous haute tension géopolitique.
Lundi, la terre a tremblé fort en Turquie et en Syrie. Deux séismes de magnitude 7,8 et 7,5 sur l’échelle de Richter (qui en compte 9) ont détruit des centaines de bâtiments, tuant et prenant au piège des milliers de personnes. Le bilan provisoire fait état de plus de 11’200 morts. De très nombreuses personnes sont encore bloquées sous les gravats.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, quelque 23 millions d’individus pourraient être plus ou moins directement touchés. Rien qu’en Turquie, le séisme pourrait faire plus de 250’000 sans-abri. Outre la recherche de personnes rescapées et l’aide médicale à celles qui sont blessées, l’un des besoins urgents est le logement, car l’hiver est rude, souligne Emmanuel Massart, coordinateur des opérations de Médecins Sans Frontières au Moyen-Orient.
Une aide concrète sur le terrain
Mardi matin, 80 spécialistes de la Chaîne suisse de sauvetage sont arrivés à Hatay, dans le sud de la Turquie. Une première réunion a eu lieu avec les autorités locales afin de déterminer les besoins et les lieux d’intervention. Les spécialistes suisses ont ensuite commencé leurs activités de sauvetage et de recherche pour essayer de sortir des personnes des décombres.
La Suisse a acheminé du matériel lourd, dont des engins de chantier, des scies à béton et des marteaux-piqueurs. Il reste actuellement encore de bonnes chances de sauver des personnes ensevelies, a déclaré Alessio Marazza, colonel à l’État-Major général de l’armée suisse. «Quand il fait froid, on se déshydrate moins et on vit plus longtemps sous les décombres qu’en été».
En plus des 80 sauveteurs et sauveteuses, 29 membres de l’armée suisse sont engagés en Turquie. La Société suisse des chiens de recherche et de sauvetage Redog est également présente dans la zone sinistrée en Turquie avec plusieurs équipes d’intervention. Dix personnes et six chiens fouillent les décombres.
Les communautés se mobilisent
La tragédie a causé une onde de choc dans toute la diaspora syrienne et turque de Suisse. Les communautés se mobilisent donc pour tenter d’aider les populations sinistrées. Les dons, les récoltes de matériel et les actions de solidarité se multiplient.
La Chaîne du Bonheur, le bras humanitaire de la radio-télévision publique, a lancé un appel aux donsLien externe pour venir en aide aux victimes des tremblements de terre en Syrie et en Turquie. Les dons sont récoltés sur ce compteLien externe.
La Chaîne du Bonheur est en contact avec ses organisations partenaires présentes à proximité des régions sinistrées en Syrie. Quant à la Turquie, c’est essentiellement le mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui se déploie actuellement.
«Actuellement, tous les efforts sont concentrés sur la recherche des personnes ensevelies ou disparues, ainsi qu’à la fourniture de nourriture, d’eau et d’abri pour les survivants qui se retrouvent complètement démunis. Nous en appelons à la solidarité en Suisse pour nous aider à faire face à l’urgence et à l’ampleur de cette catastrophe», déclare Miren Bengoa, directrice de la Chaîne du Bonheur.
À Bienne par exemple, la présidente du Croissant Rouge du Kurdistan Suisse (HSK-CH), Özlem Arik, a lancé un appel à l’aide et a immédiatement mobilisé des fonds pour les victimes kurdes.
Elle s’inquiète en particulier de la discrimination que pourrait subir la population kurde dans l’aide accordée par Ankara. «On a déjà des expériences qui montrent que l’État turc et les ONG étatiques se focalisent sur le côté non-kurde. Mais les Kurdes ont besoin d’aide, et ils sont un peu seuls», a-t-elle déclaré mardi à RTS.
Ailleurs, les communautés récoltent des produits de première nécessité, comme de la nourriture et des produits d’hygiène.
Pour la Syrie, la situation est plus compliquée. Dans ce pays en guerre, il est quasiment impossible d’envoyer de l’argent ou du matériel directement depuis la Suisse.
Un cocktail explosif
Si les séismes ont touché l’une des régions les plus géologiquement délicates de la planète, ils affectent aussi une des zones les plus turbulentes politiquement. En termes d’acheminent de l’aide aux victimes, les difficultés sont décuplées.
Le drame touche également deux pays dans des situations très différentes. Car, à l’inverse de la Turquie, la Syrie est en guerre.
Interrogé par la RTS, Didier Billion, directeur adjoint du laboratoire d’idées IRIS et spécialiste du Moyen-Orient et de la Turquie, estime que «dans les jours et les semaines à venir, la grande question va être l’organisation et la rationalisation de l’afflux des secours». Dans cette optique, il rappelle l’importance de Bab al-Hawa, unique point de passage entre la Turquie et la Syrie garanti par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Or la route qui mène au point de passage a été endommagée, ce qui perturbe temporairement l’acheminement de l’aide, a indiqué mardi le porte-parole des Nations Unies.
Pour Didier Billion, il faudrait multiplier les points de passages, voire envisager de passer par le sud, c’est-à-dire par Damas. «Mais se pose alors le problème de l’attitude du gouvernement syrien», poursuit-il, craignant la «paranoïa aiguë» du gouvernement de Bachar al-Assad.
Du côté de la Turquie, dans un contexte politique très polarisé et explosif, «pour le moment, l’union nationale prévaut», salue le chercheur. «Mais la vie politique a ses lois, et la situation est très polarisée, dans un contexte de pré-campagne électorale, il risque d’y avoir une forme d’instrumentalisation dans les jours ou les semaines à venir», déplore-t-il.
Selon le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), le tremblement de terre en Syrie s’ajoute à une situation déjà très précaire dans le pays et nécessite une réponse à moyen terme. Le bureau humanitaire à Damas, ainsi que les représentations suisses dans la région sont en train de déterminer les besoins et comment y répondre au mieux.
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