En Suisse, «il y a un véritable engouement pour le tir»
Au pays des citoyens soldats, la pratique du tir reste très répandue. Reportage dans deux clubs de tir à Genève, alors que les Suisses s'apprêtent à voter une proposition de renforcement de la loi sur les armes.
Le 19 mai, le corps électoral suisse se prononce sur une révision législative qui transpose la directive européenne sur les armes dans le droit suisse. Lié à l’accord de Dublin sur la sécurité, elle renforce la réglementation sur les armes semi-automatiques. La révision adoptée par le Parlement fait l’objet d’une opposition via un référendum organisé par la Communauté d’intérêts du tir suisseLien externe.
Devant le bâtiment moderne qui abrite le plus grand stand de tir souterrain de Suisse, l’enseigne du Swiss Gun CenterLien externe se fait discrète. Dès l’entrée, nous découvrons la règle de base du Swiss Gun Center: sécurité! L’accès et les déplacements à l’intérieur du bâtiment font l’objet d’une surveillance étroite. On n’entre pas dans le stand de tir sans être identifié et il n’y a pas un seul centimètre de cet espace de 2000 mètres carrés qui échappe à la surveillance permanente des caméras vidéo. Les portes des salles de tir sont blindées et ne s’ouvrent qu’avec des cartes codées.
«Nous ne voulons pas mettre en place un régime policier, mais simplement prévenir les accidents et assurer la sécurité de tous ici. On ne plaisante pas avec les armes», dit Michel Bonhomme, le propriétaire, qui nous fait la visite des lieux.
Un 5 étoiles pour tireurs d’élite
Pour pouvoir tirer, vous devez être membre du club et présenter les documents requis par la loi, lire et signer le règlement et suivre un coaching d’une demi-heure pour vérifier votre maîtrise du tir. «Celui qui présente des lacunes est orienté vers une formation adaptée», explique Michel Bonhomme, constatant que ceux qui ne sont pas bien formés se mettent eux-mêmes en danger.
En plus d’offrir la possibilité de pratiquer le tir individuellement ou avec d’autres personnes dans différentes salles, le centre offre également des cours de différents types. Il y a aussi une salle de dojo pour des cours sans armes à feu et une salle de conditionnement physique avec entraînement.
La vente, la location, la révision et l’entretien des armes font également partie des activités du centre, qui est équipé d’une armurerie et d’une boutique avec divers accessoires. L’offre est complétée par la location de coffres-forts, avec des clés codées, pour déposer les armes, afin que les tireurs n’aient pas besoin de toujours les transporter avec eux. «Environ 70 à 80 % de nos membres choisissent cette option», précise Michel Bonhomme.
Inauguré le 8 janvier dernier, le Swiss Gun Center est le résultat de dix années de conception et de travaux. Entièrement insonorisé, doté de murs, de sols et de plafonds anti-rebondissement, le stand est construit avec des matériaux de pointe et équipé des systèmes technologiques les plus modernes.
Mais combien cela a-t-il coûté ? Le propriétaire rit et refuse de révéler le montant. Mais il est convaincu que l’investissement sera rentable, car «il y a un réel engouement pour le tir» et une forte demande en infrastructures de ce type, estime-t-il.
Un avenir urbain et féminin
Michel Bonhomme fait référence aux agglomérations urbaines, là où vit la majorité de la population suisse. «Aujourd’hui, les gens veulent tirer sans perdre de temps sur les longs trajets. Ils viennent ici pour faire du sport pendant leurs pauses ou après le travail, tout comme les personnes qui pratiquent d’autres sports.»
Dans le dernier classement des fédérations sportives par Swiss Olympic, la fédération de tir sportif est au 2e rang pour le nombre de clubs (2 943) et au 5e rang pour le nombre de membres (131 325).
Situé dans le quartier des organisations internationales, à cinq minutes en tramway de la gare de Cornavin, le Swiss Gun Center attire une clientèle de tous âges, allant des professionnels de la sécurité aux simples citoyens qui pratiquent cette discipline comme un passe-temps, en passant par les sportifs qui s’entraînent.
«Nous en sommes encore au début, mais le nombre de membres continue d’augmenter. Une centaine d’autres s’ajoutent chaque mois», explique Michel Bonhomme. La gent féminine offre un grand potentiel de croissance: «Actuellement, elles atteignent près de 40% de nos membres.»
Les armes à feu sont en vogue chez les femmes, confirme André Maury, président des Exercices de l’Arquebuse et de la Navigation (EANLien externe) à Genève, une des plus anciennes sociétés de tir de Suisse. La progression du quota de femmes est une tendance générale. «Non seulement les femmes sont en hausse, mais elles tirent mieux», commente André Maury.
Plus de 500 ans d’histoire
Nous l’avons rencontré immédiatement après la visite au Swiss Gun Center, au siège de l’entreprise qu’il dirige: l’Hôtel de l’Arquebuse. L’association des arquebusiers genevois, chargée d’histoire et de patriotisme, dont l’existence est attestée par des documents officiels depuis 1474, est toujours animée par un esprit de fraternité. Au stand de tir de Saint-Georges, on ne va pas seulement pour tirer, mais aussi pour se retrouver, souligne André Maury. Et l’Arquebuse Brass Band est l’emblème de cette convivialité.
Les frais d’inscription s’élèvent à 300 francs suisses. Mais pour devenir membre, il faut aussi fournir une lettre de motivation et participer à des cours sur la sécurité des armes courtes et longues. Il faut aussi être présenté par deux parrains, membres des EAN, qui répondent à leur tour à certains critères.
C’est l’une des plus grandes associations de tir en Suisse, nous dit le président, soulignant qu’elle compte aujourd’hui environ 2500 membres, dont environ 750 avec une licence de tir, c’est-à-dire participant à des compétitions. Contrairement à de nombreuses petites associations qui, ces dernières années, ont été confrontées à une baisse continue de leurs effectifs, l’EAN a connu une augmentation. «Nous avons entre 50 et 60 nouveaux membres par an», dit André Maury.
Le club compte actuellement près de 60 jeunes tireurs (âgés de 15 à 21 ans). Ils n’ont pas besoin de parrains, mais la sélection est rigoureuse, comme le précise André Maury: «Chaque année, nous refusons environ 250 jeunes candidats. Et si les jeunes ne sont pas disciplinés, ils sont expulsés.»
Comme Michel Bonhomme, André Maury est convaincu que la passion du tir sportif en Suisse est plus vivante que jamais. Et les deux clubs font actuellement campagne contre la révision de la loi sur les armes, sur laquelle le peuple suisse est appelé à voter le 19 mai. Ce vote a lieu précisément parce que la communauté des tireurs a lancé avec succès ce référendum.
(Traduction de l’italien: Frédéric Burnand)
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