Luca Orduña: Des montres suisses pour la ville de Tokyo
Luca Orduña a joué le tout pour le tout. A 22 ans, il s’est rendu pour la première fois au Japon et s’y est installé comme indépendant. L’aventurier fasciné par la cuisine et la nature de son pays d’adoption ne pense pour l’instant pas à un retour en Suisse. Il garde toutefois un lien étroit avec sa patrie par le biais de son activité professionnelle de directeur d’une société de distribution de montres suisses.
swissinfo.ch: Quand et pourquoi avez-vous quitté la Suisse?
Luca Orduña: Mes parents sont propriétaires d’une agence de voyages à Zurich. J’ai donc eu l’occasion de découvrir le monde dès mon plus jeune âge. Les cultures et les langues asiatiques m’ont très tôt fasciné. Pendant mes études à Saint-Gall, j’ai suivi un cours de culture japonaise, et cette culture aux multiples facettes m’a passionné.
Au cours de cette formation, j’ai eu mon premier contact avec la Chambre de commerce Suisse-Japon (CCSJ). Celle-ci offrait une bourse pour de jeunes Suisses souhaitant compléter leur formation par une année au Japon. J’ai postulé immédiatement et j’ai eu la chance de décrocher cette bourse. C’est ainsi qu’à l’âge de 22 ans, je suis allé pour la première fois au Japon.
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swissinfo. ch: Comment étaient les premiers mois au Japon?
L.O.: J’ai été impressionné par la diversité au niveau de la culture, de la cuisine et des destinations. Je me suis aussi rendu compte que la langue était sans aucun doute le plus grand obstacle et que je devais l’apprendre si je voulais vraiment m’intégrer.
swissinfo.ch: En quoi consiste votre travail?
L. O.: Après ma bourse et cette année au Japon, la grande question était: «Comment continuer?» A ce moment-là, un collègue m’a contacté pour me faire part de l’idée de créer notre propre entreprise. L’idée était de fonder une société de distribution de marques horlogères suisses en Asie.
C’est une expérience très intense et instructive pour moi de bâtir une entreprise, en partant de rien, dans une culture étrangère, d’employer des gens et de construire des relations avec les clients.
swissinfo.ch: Comment les montres suisses arrivent-elles au Japon? Y a-t-il une forte concurrence des montres japonaises ou d’autres pays?
L.O.: Le Japon est à la fois un concurrent de l’industrie horlogère suisse et l’un des meilleurs acheteurs de montres «Swiss Made». Il est l’un des marchés les plus importants pour les montres avec Hong Kong, les Etats-Unis et la Chine.
Je pense que les Japonais ont une très bonne compréhension de ce qu’est la qualité et apprécient les marques qui ont une longue tradition. Les montres suisses jouissent ainsi d’une grande crédibilité et d’une présence importante au Japon.
En ce qui concerne la concurrence, il est naturellement très important de savoir de quel segment de prix nous parlons. La concurrence est beaucoup plus forte pour les montres à quartz et provient du Japon lui-même. Les Japonais ont inventé la montre à quartz, qui, en 1970, a provoqué une crise majeure dans l’industrie horlogère suisse. Dans le segment des montres mécaniques, les montres suisses sont et resteront le numéro un mondial.
Luca Orduña (r.) mit einem Freund auf der berühmten Shibuya-Kreuzung.
swissinfo.ch: Que préférez-vous au Japon par rapport à la Suisse?
L.O.: Mon environnement est très captivant pour moi, avec Tokyo-Yokohama qui est la plus grande zone urbaine du monde et d’autres agglomérations comme Osaka-Kobe-Kyoto, Fukuoka, etc.
Mais j’apprécie aussi le Japon parce qu’il offre tout en termes de nature, grâce à ses quatre saisons distinctes. Il y a des montagnes enneigées avec des stations de ski en hiver. En été, il y a des lacs chauds et la mer pour les sports nautiques ou la natation. Cet attrait est renforcé par la propreté de l’air au Japon et par l’excellente infrastructure, y compris les transports publics qui facilitent les déplacements le week-end. Tokyo est également l’une des villes les plus sûres et les plus propres du monde, ce qui est admirable en raison de sa taille.
Mais c’est la culture gastronomique au Japon qui m’impressionne le plus. Les innombrables restaurants servent le meilleur de la cuisine japonaise et du monde entier.
swissinfo.ch: Vous êtes bien intégrés dans l’économie japonaise. Y a-t-il encore des moments où vous êtes surpris?
L.O.: Travailler au Japon, c’est difficile tous les jours et cela équivaut à quitter ma zone de confort. Au sein de l’entreprise et avec mes clients, je ne parle que japonais. Même après cinq ans ici, il y a encore des moments où je ne comprends pas les subtilités de la langue.
swissinfo.ch: Que pensez-vous de la Suisse de l’extérieur?
L. O.: La Suisse est et demeure ma patrie. En tant que Suisse, c’est très important pour moi de pouvoir vendre un produit suisse au Japon et d’entretenir des contacts quotidiens avec mes collègues suisses. L’un des moments forts de l’année est lorsque j’ai l’occasion d’inviter mes clients japonais en Suisse à la Foire de Bâle.
Je me suis rendue compte à distance que la Suisse offre de très bonnes possibilités de formation et de bonnes conditions de travail. Par exemple, je pense que l’enseignement est une pierre angulaire importante et, parfois, une raison pour laquelle la Suisse est très compétitive sur le plan international. Vivre à l’étranger m’a également montré à maintes reprises que la Suisse jouit d’une très bonne réputation.
Luca Orduña geniesst eine Runde Wasserski auf dem Kawaguchi-See.
swissinfo.ch: Participez-vous aux élections et aux votes en Suisse? Par correspondance ou par vote électronique?
L.O.: Je considère que c’est un privilège de pouvoir voter et j’essaie de participer activement aux votations et aux élections. Je vote par correspondance. Je n’étais pas au courant de la possibilité de voter par voie électronique mais je le ferais volontiers.
swissinfo. ch: Qu’est-ce qui vous manque le plus en Suisse?
L.O.: Ma famille et mes amis. Peu importe combien de temps je vivrai au Japon, je serai toujours un étranger. Ensuite, les grillades avec ma famille sur le balcon au bord du lac de Zurich me manquent aussi.
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