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Ardeshir Zahedi, gendre du Shah et résident suisse

Ardeshir Zahedi, 30 ans après la Révolution des mollahs swissinfo.ch

Trente ans après la Révolution des mollahs qui l'ont condamné à mort, Ardeshir Zahedi qui fut le gendre et confident du Shah défend l'image d'un régime lâché par l'Occident, y compris la Suisse. Même s'il est fier de voir un satellite iranien en orbite.

Entre Montreux et Chillon, la «Villa des Roses» à Veytaux est une enclave persane au bord du Léman. C’est là que vit l’ex-ministre des affaires étrangères du dernier Shah d’Iran, qui fut ambassadeur d’Iran à Washington et à Londres.

Grand, élégant, affable, Ardeshir Zahedi a hérité de la maison achetée par son père, le Général Zahedi, qui fut le Premier ministre d’Iran de 1953 à 1955, ambassadeur auprès des Nations Unies à Genève avant son décès à Montreux en 1963.

«Mon père avait découvert la région lors d’un périple en voiture à travers l’Europe. Ce qui lui plaisait aussi par-dessus tout, c’était le fonctionnement de l’armée suisse», explique l’hôte des lieux qui vit là, entouré de portraits de tous les grands de la planète côtoyés lors de sa carrière diplomatique.

Nixon, Clinton, Liza Minelli

«Là c’est le président Nixon, là c’est Bill Clinton, là c’est le Shah et la Shabanou, là c’est avec Liza Minelli.» Des coupures de presse l’attestent, ce séduisant diplomate a fait chavirer le cœur des plus belles et des plus célèbres: Liz Taylor et Jackie Onassis se disputaient même ses faveurs. Il a aussi fréquenté Charlie Chaplin au Manoir du Ban à Corsier sur Vevey.

La «Villa des Roses», c’est également le nom de la demeure qui a abrité le Shah lors de son exil mexicain à Cuernavaca, avant de terminer ses jours au Caire, où Sadate fut le seul chef d’Etat à ne pas renier l’ancien maître de Persepolis. Un geste qui lui coûta la vie.

A la fois ex-gendre et proche confident du Shah, Ardeshir Zahedi parle du «roi des rois» en utilisant la formule «my beloved king» (mon roi bien aimé). Il était à ses côtés quand le souverain iranien, atteint d’un cancer, a rendu son dernier souffle le 27 juillet 1980, loin de sa patrie, sur le sol cairote où il repose encore dans une mosquée.

De somptueuses fêtes

Si Ardeshir Zahedi a bien connu le Shah dont il a été l’un des plus proches confidents durant un quart de siècle, c’est qu’il a commencé par épouser sa fille aînée, la princesse Shahnaz Pahlavi, née d’un premier mariage du Shah. Avec son épouse égyptienne, les Zahedi ont eu une fille, la princesse Mahnaz qui vit aussi sur les bords du Léman.

Le Shah avait épousé en premières noces la princesse Fawzia, sœur du roi Farouk d’Egypte, avant de se remarier avec Soraya, qu’il répudiera faute de descendance en 1958, puis d’épouser Farah Diba, la dernière Impératrice d’Iran.

Ambassadeur d’Iran à Washington à deux reprises, Son Excellence Zahedi y donnait des fêtes somptueuses où se mêlaient le monde de la politique et du showbiz, le caviar et le champagne. Il y a côtoyé plusieurs occupants de la Maison-Blanche, d’Eisenhower à Bill Clinton, y compris Jimmy Carter dont l’administration lâchera le Shah au moment décisif, envisageant même de le livrer à l’ayatollah Khomeiny en échange des otages américains capturés à l’ambassade de Téhéran.

Lâché par la Suisse aussi

La Suisse a-t-elle aussi lâché le Shah au moment de l’exil, lui barrant l’accès à son chalet «Suvretta» de St-Moritz, là où les chefs d’Etat du monde entier venaient lui faire la cour aux temps de sa splendeur? «Il n’a jamais demandé officiellement d’y trouver refuge», assure le diplomate.

Le Shah a pourtant été fortement marqué par son éducation au Collège du Rosey, à Rolle, où il avait obtenu sa maturité fédérale à 19 ans, là où ses quatre demi-frères ont été aussi pensionnaires.

«Il fallait voir notre joie en découvrant tous ces paysages, toutes ces villes, toutes ces merveilles, joie de quatre écoliers qui n’avaient encore jamais quitté leur pays», écrira-t-il dans sa biographie

Arrêté et torturé sous le régime de Mossadegh, un docteur en droit de l’Université de Neuchâtel qui sera renversé en 1953 au profit de son propre père, Ardeshir Zahedi a été condamné à mort par contumace par les mollahs et ne peut espérer revoir sa patrie.

Fier du potentiel du peuple

Mais il suit à distance les (r)évolutions de son pays, y compris le récent lancement d’un satellite iranien: «Je suis fier du potentiel du peuple iranien», s’exclame celui qui est détenteur – à défaut de passeport islamiste -de trois passeports diplomatiques arabes: le jordanien, le marocain et l’égyptien.

Pour sa fille, la princesse Mahnaz (40 ans) qui a grandi au bord du Léman, il a déposé une requête à Berne pour obtenir le passeport helvétique en même temps que la bourgeoisie de Montreux. Et il fréquente assidument les galas de charité de Genève à Gstaad en passant par Crans-Montana et Lausanne, où sa prodigalité est réputée: «Il faut rendre un peu de ce que l’on a reçu.»

swissinfo, Olivier Grivat

Timide. Ardeshir Zahedi défend avec passion l’image du dernier Shah: «Ce n’était pas un homme arrogant, mais il était très timide. J’ai travaillé avec lui et l’ai parfois contredit, mais quand il savait que vous aviez raison, il l’acceptait. C’était la mentalité d’un homme qui avait bénéficié d’une éducation suisse avide de principes démocratiques, la mentalité d’un Européen et d’un francophone épris de culture française. Il aimait l’Occident et la Suisse, le pays qui l’a construit. C’était tout à la fois mon ami, mon roi et mon patron…» (Ardeshir Zahedi, Untold Secrets, paru en 2002)

Comme son oncle (par alliance), le prince Gholam-Reza Pahlavi, l’écrit aussi dans ses mémoires (Mon père, mon frère, les shahs d’Iran), Ardeshir Zahedi n’est pas tendre avec les principaux acteurs de la chute du dernier Shah: le président américain Carter, le président français Giscard d’Estaing et la BBC ont été les alliés les plus sûrs de l’ayatollah Khomeiny au moment où il prêchait la révolution depuis Neauphle-le-Château: «Un mélange de myopie, de mauvais renseignements et de naïveté historique», commentera Alexandre de Marenches, chef des services spéciaux français…

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